Solidarité passive, exceptions purement personnelles
Cet arrêt de censure rendu par la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, le 11 février 2010, nous amène à nous intéresser au régime de la solidarité passive.
En l'espèce, Mme X et M Y avaient consenti à un crédit à la consommation assortit d'un délai biennal de forclusion, par acte sous seing privé le 12 novembre 2002, auprès de la banque Sogefinancement, crédit qu'ils se sont solidairement obligés à rembourser.
Le 23 novembre 2004, M Y a conclu seul avec la banque une convention réaménageant les modalités de règlement des échéances impayées.
Du fait de l'absence de remboursement, la banque a assigné en remboursement les deux débiteurs solidairement. Suite à cela, Mme X s'est prévalue de la fin de non recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion.
La Cour d'Appel de Douai, dans un arrêt du 26 juin 2008, a rejeté la fin de non recevoir pré-texter par la demanderesse, affirmant que le réaménagement des modalités du paiement de la dette lui profitait, elle était donc tenu solidairement au remboursement de la dette, même si elle n'avait pas apposé sa signature sur la nouvelle convention.
On peut donc se demander si la manifestation de volonté d'un seul codébiteur, dans le cas d'un réaménagement des modalités de règlement des échéances impayés du crédit, obli-geait les autres codébiteurs solidairement ?
La Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la Cour d'Appel, au visa des articles 1165 et 1208 du Code Civil et de l'article L 311-37 du Code de la consommation.
Il y a cassation pour défaut de base légale, la Cour d'Appel de Douai n'a pas recherché si Mme X avait manifesté la volonté de bénéficier du réaménagement des modalités de règle-ment des échéances impayées de ce crédit à la consommation.
L'absence de consentement de la part du codébiteur constitue donc une exception person-nelle, dans le cadre de la solidarité passive (I), mais la Cour de Cassation a été plus loin en appliquant une disposition propre au droit commun des contrats (II).
[...] Cette solution retenue par la Cour de Cassation profite tout de même au créancier, mais est défavorable au débiteur restant. Une absence de consentement en défaveur des autres débiteurs : une application du droit commun des contrats Outre les règles relatives à la solidarité passive, cet arrêt rendu par la Cour de Cassation a aussi motivé sa décision sur le fondement du principe de l'effet relatif des conventions par ailleurs, cette solution peut paraitre originale, sans pour autant être totalement inédite Une application du principe de l'effet relatif des conventions en faveur du codébiteur L'article 1165 du Code Civil dispose que « les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; si elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121 ». [...]
[...] Les effets de cette nouvelle convention ne devraient donc pas s'appliquer au codébiteur non signataire, ce qui a été retenu ici. On peut tout de même retenir que la Cour de Cassation a cassé l'arrêt sur le fondement d'un défaut de base légale, il appartient donc à la Cour d'Appel de rechercher si le codébiteur a manifesté ou non la volonté de bénéficier de cette convention. Une solution originale, mais pas totalement inédite Cette solution, comme nous avons pu le voir, peut paraitre originale au regard du fondement sur laquelle est fondée la décision. [...]
[...] La recherche de consentement de l'autre n'aurait donc plus aucun intérêt, puisque l'unicité de la dette considère que le consentement d'un seul suffit à modifier la situation de tous. Pour autant, ce n'est pas la solution qu'à retenu la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 11 février 2010, en effet, le principe d'unicité des codébiteurs à la dette se heurte au principe de la pluralité des liens obligatoires. Dans le cas présent, il s'agira de l'absence de consentement du codébiteur. [...]
[...] Dans l'arrêt qui nous intéresse, c'est la solution inverse qui a été retenu, les effets de la nouvelle convention ne pouvaient pas peser sur le codébiteur. On peut se pencher sur le report du point de départ du délai biennal de forclusion, responsable de la libération de l'obligation du codébiteur non signataire, prévu à l'article 311-37 du Code de la consommation. La particularité du délai de forclusion, est que le titulaire d'un droit va perdre la faculté de l'invoquer en raison de l'expiration d'un délai d'exercice de ce droit. [...]
[...] La Cour de Cassation casse l'arrêt rendu par la Cour d'Appel, au visa des articles 1165 et 1208 du Code Civil et de l'article L 311-37 du Code de la consommation. Il y a cassation pour défaut de base légale, la Cour d'Appel de Douai n'a pas recherché si Mme X avait manifesté la volonté de bénéficier du réaménagement des modalités de règlement des échéances impayées de ce crédit à la consommation. L'absence de consentement de la part du codébiteur constitue donc une exception personnelle, dans le cadre de la solidarité passive mais la Cour de Cassation a été plus loin en appliquant une disposition propre au droit commun des contrats (II). [...]
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