1ère, chambre, civile, 5, février, 2002
« Ne prenez pas mes tableaux-pièges pour des œuvres d'art ; c'est une information, une provocation, une indication pour l'artiste de regarder des choses qu'il n'a pas l'habitude de regarder » Cette citation de D. Spoerri souligne toute la difficulté qu'il y a parfois à définir l'art, difficulté face à laquelle les juridictions sont elles aussi confrontées, comme le prouve l'arrêt de cassation rendu par la 1ère chambre civile le 5 février 2002.
[...] Ici, l'offre fallacieuse de M. Cornette de Saint-Cyr est à l'origine du consentement vicié de M. Brossard ce qui a conduit la cour de cassation à casser et annuler la décision de la cour d'appel de Paris qui avait refusé l'annulation de l'adjudication Une offre fallacieuse à l'origine d'un consentement vicié A la lecture des faits présentés dans l'arrêt l'on peut supposer que Monsieur Brossard a fait l'acquisition de mon petit déjeuner en pensant sincèrement qu'il s'agissait là d'un authentique tableau de D. [...]
[...] Il pensait acheter le tableau d'un artiste connu dont les œuvres ont une valeur pécuniaire non négligeable et ne s'attendait absolument pas à acquérir l'œuvre d'un enfant. Bien sûr Daniel Spoerri a participé à l'élaboration du projet et en est l'instigateur cependant il ne l'a pas créé de ses mains. Cela a des conséquences financières, un tableau de maître n'ayant pas la même valeur que le tableau d'un enfant anonyme et cela quelle que soit la conception que l'on se fait de l'art. Il aurait donc était injuste de pénaliser un acheteur de bonne foi au nom d'un débat qui le dépasse. [...]
[...] En effet qui peut-on réellement qualifier d'artiste ? Est-ce celui qui nous fait voir le monde d'une certaine façon car il a des idées qu'il fait réaliser par d'autres, ou est ce celui qui réalise un projet dont il n'est pas à l'origine sous le commandement d'un autre ? Le débat est intéressant et la question mérite d'être posée cependant dans l'affaire dont il est ici question il semble normal que la cour de cassation ait cassé la décision de la cour d'appel de Paris. [...]
[...] La Cour de cassation estime donc que le consentement de l'acheteur a bel et bien été vicié, et casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel. Les juges de cassation ont rappelé sur la base de l'article 3 du décret n°81-255 du 3 mars 1981 le principe selon lequel à moins qu'une œuvre ne soit accompagnée d'une réserve expresse sur l'authenticité, l'indication qu'elle porte la signature ou l'estampille d'un artiste entraîne la garantie que l'artiste mentionné en est effectivement l'auteur et qu'il en va de même lorsque le nom de artiste est immédiatement suivi de la désignation ou du titre de l'œuvre Elle a de même rappelé que l'auteur effectif s'entend de celui qui réalise ou exécute personnellement l'œuvre ou l'objet condition substantielle de leur authenticité dans le cadre d'une vente publique aux enchères Or dans le cas présent le tableau n'a pas été réalisé de la main de Daniel Spoerri. [...]
[...] En effet dans cette affaire la Cour avait admis qu'un achat contracté dans la conviction erronée de l'authenticité de l'œuvre était susceptible d'être annulé. Il semble donc normal qu'elle ait infirmé la position de la cour d'appel qui avait refusé l'annulation de la vente. Il est ici intéressant de noter la position somme toute originale de la cour d'appel qui a refusé l'annulation de la vente considérant que l'œuvre était authentique et qu'il n'y avait donc pas d'erreur sur la substance de la chose. [...]
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