La responsabilité civile du dirigeant social pose un problème difficile à résoudre. Les tiers peuvent-ils reprocher au dirigeant la faute commise dans l'exercice de ses fonctions, qui lui serait alors imputable personnellement, ou cette faute ne doit-elle peser que sur la société, engagée par les actes de son organe ?
[...] A partir de quel moment la faute d'un individu qui exerce un mandat social devient-elle la faute du mandataire social ? C'est là une question intellectuellement antérieure à celle du caractère détachable de la faute. Ce n'est qu'aux fautes commises par le dirigeant et ayant un lien avec ses fonctions qu'il convient d'appliquer la distinction faute séparable/faute non séparable des fonctions. Les fautes du dirigeant dépourvues de tout lien avec ses fonctions relèvent de la responsabilité civile de droit commun. [...]
[...] Cette solution, répétée depuis assez longtemps maintenant est confirmée sans ambiguïté par l'arrêt commenté - Fait plus remarquable, la Chambre commerciale répond aux attentes des praticiens et de la doctrine, et formule (enfin) une définition de la faute séparable des fonctions, comportant trois éléments distincts. Ainsi, la faute séparable des fonctions du dirigeant, qui permet au tiers d'engager sa responsabilité personnelle, est celle qui est, tout à la fois : - commise intentionnellement par le dirigeant ; - d'une particulière gravité ; - incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales - Avant tout, la définition ainsi formulée appelle un certain nombre d'observations quant à sa portée, qui apparaît particulièrement large. En effet, le présent arrêt vise le dirigeant sans plus de précisions. [...]
[...] Le dirigeant n'est que par moments l'organe de la société. Par principe, il agit pour son propre compte, et les fautes qu'il commet engagent donc sa responsabilité personnelle. Si le dirigeant d'une société bouscule un piéton dans la rue et le blesse, par une faute de négligence, commet-il une faute en tant que particulier - une faute personnelle ou une faute en tant que dirigeant, éventuellement séparable de ses fonctions ? Si l'on devait appliquer à cette situation la définition de la faute séparable formulée par la décision commentée, la victime ne pourrait agir en réparation que contre la société, la faute n'étant pas séparable des fonctions du dirigeant en l'absence de caractère intentionnel. [...]
[...] C'est que la faute séparable des fonctions doit également être d'une particulière gravité et incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. La condamnation personnelle du dirigeant social à réparer le préjudice causé aux tiers ne sera donc envisageable que pour les plus graves de ses fautes intentionnelles. Le dirigeant qui commet volontairement une faute, mais dont on ne peut dire qu'elle est d'une particulière gravité et qu'elle est incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions, ne pourra pas, par conséquent, être poursuivi par les tiers, qui devront se contenter de mettre en jeu la responsabilité de la société. [...]
[...] C'est chose faite avec le présent arrêt. Les contours de la notion de faute séparable des fonctions - plus précisément, ses applications - devront cependant être précisés par la jurisprudence ultérieure, qui établira, au fil des décisions à venir, ce que sont et ce que ne sont pas les fautes qui engagent la responsabilité personnelle du dirigeant à l'égard des tiers - Le caractère intentionnel de la faute commise est, indépendamment de la difficulté de la preuve d'une intention, un critère simple. [...]
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