Voici près de deux cents ans, Portalis affirmait déjà qu'il faut « de la bonne foi, de la réciprocité et de l'égalité dans les contrats » (1). Mais, précisément, si le rôle de la bonne foi au stade de l'exécution est expressément rappelé par l'art. 1134, al. 3, c. civ., ce texte, par un hoquet de l'histoire, demeure silencieux quant à la formation du contrat. C'est donc à la jurisprudence qu'est revenue « la tâche de combler ce vide. En ce sens l'arrêt rapporté ne déçoit pas ». Un dirigeant de société s'était engagé à garantir au moyen d'un aval toutes dettes dues par sa société envers une banque, dans une limite de vingt millions de francs, outre les intérêts, commissions, frais et accessoires. Lors de l'appel en garantie, il contesta l'engagement pris. L'arrêt d'appel le condamna néanmoins à s'exécuter, mais en allégeant considérablement le montant de la garantie, retenant la responsabilité de la banque, celle-ci ayant commis une faute dans des circonstances exclusives de toute bonne foi. Le pourvoi principal ne présente qu'un intérêt mineur. On retiendra seulement que la Cour confirme ce qu'elle avait déjà jugé, l'obligation d'information annuelle des cautions prévue par ce texte peut se prouver par une simple lettre (2), même si la preuve de la réception de celle-ci peut se révéler délicate. En revanche, le pourvoi incident formé par la banque est celui qui retient l'attention. La Cour de cassation, en exerçant son contrôle, approuve les juges du fond d'avoir retenu la responsabilité de la banque, celle-ci ayant manqué à son obligation de contracter de bonne foi, mais sans annuler le contrat.
[...] consomm. Il est donc incontestable qu'il existe une convergence entre la solution de l'arrêt et ce texte. Pour autant, y a-t-il équivalence ? Nous ne le pensons pas - En effet, l'analyse de ces deux manifestations du devoir de modération révèle de profondes différences, en dépit d'une incontestable communauté d'intentions. Ainsi, pour nous en tenir à elle, la sanction attachée à la transgression de ce devoir est-elle très différente dans chaque cas. L'art. L. [...]
[...] Il semble que le raisonnement de la Cour de cassation soit le suivant. Le fait qu'il n'existe pas de vice du consentement écarte logiquement toute possibilité d'annulation de l'engagement, et prouve donc que la caution ne s'est pas trompée, pas plus qu'elle n'a été trompée. Toutefois, cela ne prouve pas pour autant de façon automatique, et c'est là que réside la nouveauté, que le créancier s'est comporté de manière loyale. Des éléments supplémentaires, certes insuffisants pour établir un dol, et donc n'atteignant pas le consentement, peuvent néanmoins être pris en compte pour établir la déloyauté de l'une des parties et conduire à l'engagement de sa responsabilité. [...]
[...] On attend donc avec intérêt l'opinion de la Cour sur ce point - Ce qui fait toute la difficulté c'est que l'on se situe, ainsi que nous l'avons dit, dans une zone intermédiaire entre la nullité et l'exécution pure et simple, et que cette zone se prête mal à une réponse catégorique. Toutefois, notre préférence va à la responsabilité délictuelle. Aux arguments évoqués, nous ajouterons un argument par analogie. On sait que lorsque l'action en nullité pour dol est prescrite, une action en responsabilité délictuelle reste possible (22). L'impossibilité d'annuler le contrat n'efface pas la faute de l'auteur du dol, qui reste délictuelle car antérieure à la convention. La situation qui nous occupe n'est pas très différente. [...]
[...] 311-37, et l'on sait que cela concerne aussi leur cautionnement éventuel (29). La disproportion initiale viendrait-elle à cesser à l'intérieur de ce délai, et la caution pourrait être de nouveau poursuivie, mais cette fois pour la totalité de la dette. On peut donc dire que, par rapport à la solution dégagée par le présent arrêt, le code de la consommation a préféré instaurer une sorte de loterie, un système de tout ou rien alors que la décision commentée offre une voie médiane, certes, mais définitive. [...]
[...] La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser qu'il ne s'agit pas d'une nullité, mais d'une sorte d'inopposabilité (28). A l'inverse, le présent arrêt, nous l'avons vu, sanctionne la disproportion par une action en responsabilié de droit commun. L'avantage pour la caution est évident. Une fois la disproportion établie, la faute du créancier l'est aussi puisque l'appréciation est objective. La réduction par compensation subséquente sera définitive. S'agissant d'une action en responsabilité, son résultat est acquis une fois la faute et le préjudice établis, sans que l'on se soucie d'un retour à meilleure fortune de la caution. [...]
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