Commentaire de l'arrêt Cassation Com. 8 octobre 2003
Par cette décision, la Cour de cassation a décidé de faire échapper à l'obligation de déclaration de créances le créancier d'aliments auquel le débiteur en redressement judiciaire est tenu de verser une prestation compensatoire. Elle a ainsi opéré un revirement de jurisprudence. Cependant cette solution s'intègre dans un courant existant déjà en droit positif qui reconnaît la nécessité de mettre les créances alimentaires hors procédures. Elle contredit la lettre du texte dans un but humanitaire.
[...] La Cour de cassation s'est toujours voulue protectrice du droit aux aliments. Cela transparaît dans notre arrêt. Il montre d'ailleurs une certaine continuité avec des solutions qui aboutissent à conférer un régime spécial aux créances alimentaires(exemple : Com 20 janvier 1987). Par ailleurs la loi du 2 janvier 1973 reconnaît au créancier le bénéfice d'une action directe contre les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension qui échappe à la règle de l'arrêt des poursuites individuelles. [...]
[...] Ce sont des motifs humanitaires qui poussent à adopter une telle solution puisque les créances alimentaires puisent évidemment au besoin vital de leur titulaire qu'elles tendent à satisfaire. Il était particulièrement choquant de voir des ex-épouses perdre leur prestation compensatoire sous le prétexte qu'elles avaient oublié de déclarer cette créance à la procédure collective de leur ex-mari. Jusqu'à présent, les créanciers alimentaires étaient de simples créanciers chirographaires, alors que leur créance est nécessaire à leur survie. L'extinction de leur créance semblait bien sévère, d'autant plus qu'ils pouvaient ne pas connaître l'ouverture de la procédure collective, n'ayant pas à être avertis personnellement faute de sûretés réelles contre le débiteur et ne lisant sans doute pas avec acuité le BODACC. [...]
[...] Cette solution est déplorable en droit, car il était du domaine du législateur, non de la jurisprudence, de mettre ainsi le créancier alimentaire hors procédure. C'est en effet au législateur de créer une exception à la déclaration des créances antérieures ou d'instaurer un nouveau privilège, comme il l'a fait pour les créances salariales. La loi de 2005 consacre ainsi cette solution(article L622-24) mais de façon maladroite puisque l'interprétation a contrario de cette disposition impose une déclaration pour les créances alimentaires antérieures. [...]
[...] Cette obligation est sanctionnée par l'extinction de la créance(art L621-46 Ccom). Ces règles, à l'énoncé général, ont vocation à s'appliquer à tout type de créance, à la seule réserve des créances salariales expressément exclues par les textes. C'est pourquoi la jurisprudence en avait imposé toute la rigueur à l'ex-épouse d'un débiteur en redressement judiciaire n'ayant pas déclaré la prestation compensatoire que lui avait allouée un jugement antérieur à l'ouverture de la procédure. Il avait ainsi été jugé que sa créance était éteinte(CA Douai 26 avril 1990 ; CA Dijon 3 mars 1998 ; CA Paris 13 février 2002). [...]
[...] Une nouvelle procédure collective a été ouverte à son égard le 19 juillet 1996, convertie ultérieurement en liquidation judiciaire, M.Y étant nommé représentant des créanciers puis liquidateur. M.X a relevé appel du jugement du 27 mars 1997 l'ayant condamné à payer une rente mensuelle à Mme A et a invoqué l'extinction de la créance, faute par celle-ci de l'avoir déclarée au passif de son redressement judiciaire. La cour d'appel de Toulouse, le 12 octobre 1999, déclare irrecevable le moyen tiré de la loi du 25 janvier 1985. Elle condamne M.X à payer à Mme A une rente mensuelle à titre de prestation compensatoire. M. [...]
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