Commentaire de l'arrêt : Cassation Com. 12 mai 2004
L'obligation de loyauté et d'information dans les cessions d'actions. Quelle est l'obligation de loyauté et d'information qui s'impose dans les cessions d'actions ? C'est à cette question que répond la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du12 mai 2004. Cet arrêt de principe rendu sous le visa de l'article 1382 du Code civil précise la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation sur l'obligation d'information dans les contrats. Les faits méritent d'être précisément exposés au regard de leur complexité. Le président du conseil d'administration d'une société avait constitué, avec d'autres actionnaires, une seconde société dont il était aussi le dirigeant. Ce dernier avait convaincu deux associés de céder leurs titres à la nouvelle société pour un prix unitaire de 1 800 F. Le dirigeant ne les avait nullement informés qu'il menait en parallèle d'autres négociations avec une troisième société. Deux mois plus tard, la société tierce a acquis 955 actions de la première société, mais plus encore, la quasi-totalité des actions de la deuxième société, qu'elle absorbera par la suite. Il convient de préciser que ces acquisitions se sont réalisées pour un prix unitaire de 4 022 F. Les actionnaires minoritaires cédants, estimant avoir été victimes d'un dol par réticence, ont demandé que le dirigeant et la société cessionnaire soient condamnés à leur payer des dommages et intérêts. Les juges du fond ont rejeté cette demande, au motif, notamment, qu'il n'était pas prouvé qu'au jour de la cession « le prix de l'action avait déjà été fixé ni que l'absorption de la société était acquise, ceux-ci étant conditionnés par la possibilité pour la société [absorbante] d'acquérir l'ensemble des actions et donc par l'attitude des actionnaires minoritaires ».
Nous distinguerons donc clairement les deux défendeurs comme le fait la Cour de cassation. En effet, elle prononce une absolution du cessionnaire (1), pour ensuite condamner le dirigeant (2).
[...] B - La réponse formulée par la Cour de cassation Afin de dissiper tout malentendu, la Cour de cassation affirme sous forme d'un attendu de principe que le cessionnaire n'est tenu d'informer le cédant ni des négociations tendant à l'acquisition par un tiers d'autres titres de la même société, ni de celles qu'il conduit lui-même avec ce tiers en vue de lui céder ou de lui apporter les titres faisant l'objet de la cession La société cessionnaire n'a donc pas une obligation d'information concernant les négociations entreprises avec un tiers. La Cour de cassation manifeste ainsi incontestablement une certaine bienveillance à l'égard du cessionnaire. Il ne doit pas vicier le consentement du cocontractant mais il n'est pas pour autant tenu d'une obligation d'information qui consisterait à révéler aux cédants qu'il négocie avec d'autres personnes la cession des mêmes actions à un prix bien supérieur. [...]
[...] Ils sont donc obligés d'informer l'ensemble des actionnaires, notamment les minoritaires. Par conséquent, le droit boursier ne s'applique pas aux sociétés fermées, mais grâce au droit commun, la Cour de cassation parvient à se rapprocher des principes applicables aux sociétés cotées, tels que, par exemple, l'interdiction d'utiliser des informations privilégiées Ne serait-il pas inventé une sorte de délit d'initié pour les sociétés fermées ? L'obligation de transparence applicable en droit boursier ne serait-elle pas étendue aux sociétés non cotées ? [...]
[...] La position de la Cour de cassation peut être considérée, à certains égards, comme logique, car il serait éminemment contestable d'imposer à un acquéreur de révéler aux cédants que le prix qui leur est proposé est trop faible. Certes, le droit a une fonction de régulation mais il ne peut protéger les personnes trop crédules. Prenons un exemple concret. Supposons qu'un marchand de biens est prêt à payer 1 million d'euros le bien de M. alors que M. X propose de me le vendre euros. Ce serait un non-sens que de m'obliger à informer M. [...]
[...] En effet, elle prononce une absolution du cessionnaire pour ensuite condamner le dirigeant - L'absolution du cessionnaire II convient d'examiner l'objet de la demande des cédants grugés et la réponse formulée par la Cour de cassation à cette prétention A - L'objet de la demande Les cédants lésés affirment que lorsqu'ils ont cédé leurs actions à la société financière Beley, ils n'ont pas été informés de l'existence de négociations, alors en cours, entre les sociétés Beley et Financière Beley, toutes deux représentées par leurs dirigeants, Samuel Beley, et la Société Former. Les demandeurs considèrent que la cour d'appel a commis une erreur de droit en les déboutant. Le fait d'avoir caché les négociations en cours constituerait une réticence dolosive. La dissimulation de l'information aurait été déterminante de leur consentement. [...]
[...] Celle-ci repose sur une relation de confiance entre les dirigeants et les actionnaires. Les obligations fiduciaires comprennent une obligation de diligence qui consiste, pour les dirigeants, à agir avec bonne foi, compétence et attention dans l'exécution de leurs fonctions. Une obligation de loyauté leur interdit principalement de créer un conflit d'intérêts entre leurs intérêts personnels et ceux de la société. Les associés sont également tenus par cette obligation. On peut évoquer le devoir qu'aurait un associé de ne pas concurrencer la société dont il est membre ; le devoir qu'il aurait, s'il est un actionnaire de référence, de contribuer au financement de la société, afin de lui éviter les affres d'une, procédure collective et enfin, le devoir de la minorité de ne pas abuser de son pouvoir d'obstruction lorsqu'elle compromet de ce fait le fonctionnement de la société et nuit à l'intérêt social. [...]
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