Commentaire de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation 3ème Civ. 5 mars 2008, 6 pages
L'article L. 145-1 du Code de commerce, définissant le champ d'application du statut des baux commerciaux, pose ce faisant une condition essentielle au droit au renouvellement du bail pour le locataire, droit octroyé par le statut, à savoir l'immatriculation de celui-ci au registre du commerce et des sociétés.
I) La validité de principe du congé délivré avec dénégation du statut pour défaut d'immatriculation
II) Un tempérament jurisprudentiel : la nullité du congé frauduleusement délivré
[...] En fait, il faut que soit en cause une règle obligatoire, que le fraudator a eu l'intention de contourner, ce procédé étant réel et efficace, c'est-à- dire que dans d'autres circonstances, ce comportement n'aurait pas été sanctionné. En l'espèce, la règle obligatoire en question était le statut des baux commerciaux (qui est même d'ordre public) et plus particulièrement le droit au renouvellement. Le bailleur pouvait la contourner si le preneur n'était pas immatriculé au moment de la délivrance du congé. Dans des circonstances normales, ce procédé était parfaitement licite, la possibilité de délivrer le congé étant un droit pour le bailleur. Ici, il convenait de démontrer l'intention frauduleuse de ce dernier. [...]
[...] La Cour de cassation va surmonter ce problème en faisant usage de la technique du faisceau d'indices. En l'espèce, plusieurs circonstances de fait sont retenues, pour en déduire que le bailleur n'a pas légitimement exercé son droit, cherchant ici à frauder les dispositions de la loi. Ainsi, la Haute juridiction retient que les bailleurs n'avaient pas d'intérêt personnel à la délivrance des congés, qui servaient l'intérêt exclusif de la société Cofrinvest potentiel acquéreur des locaux donnés à bail. En effet, cette dernière ne pouvait encore agir au moment des faits, et les consorts X auraient ainsi délivré les congés alors que le preneur n'était pas immatriculé, ceci afin de le priver du bénéfice du droit au renouvellement, ce dont profiterait ultérieurement le futur acquéreur, disposant de locaux libres de tout occupant à l'expiration du bail, sans avoir à payer d'indemnité. [...]
[...] Le pourvoi étant rejeté, faut-il en déduire que la Cour de cassation a effectué un revirement de jurisprudence ? Une réponse négative s'impose, le défaut de validité des congés étant tiré, comme nous le verrons dans une seconde partie, de considérations de fond. Ici, sur la forme, la délivrance du congé emportant dénégation du statut était valable le preneur n'étant pas immatriculé, ce que la Haute juridiction ne conteste pas. Les principes tirés de l'article L. 145-1 semblent donc particulièrement rigoureux pour le locataire. [...]
[...] On ne saurait en déduire que le juge analyse, dans chaque affaire, l'intention du bailleur au moment de la délivrance du congé. La jurisprudence se caractérise jusqu'à présent par une volonté de garantir le pouvoir discrétionnaire du bailleur de délivrer congé, sans analyser son comportement, et notamment son intention de priver le locataire de son droit au renouvellement, la raison en étant que la preuve d'un tel abus serait difficile à rapporter. S'agissant de l'exercice d'un droit pour le bailleur, il faudrait démontrer qu'il ne l'a été que pour éluder les droits du preneur. [...]
[...] 145-14 du Code de commerce. Le 10 mai 2005, la société Cofrinvest devenait propriétaire du local donné à bail en levant l'option de la promesse qui lui avait été consentie. La société Espace 92 a assigné les bailleurs en nullité des congés, la société Cofrinvest, devenue entre-temps propriétaire des locaux, venant aux droits des consorts X et intervenant volontairement à la procédure. Le jugement rendu en première instance nous est inconnu mais un appel a été interjeté devant la Cour de Versailles, qui, dans un arrêt rendu le 26 octobre 2006, accueillait la demande de la société Espace 92. [...]
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