Le professeur Dominique Schmidt en tentant de distinguer intérêt commun des associés et intérêt social invite à relire l'article 1833 du Code Civil, qui dispose que, »toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés ».Mais si « l'invitation » avait été acceptée par la doctrine, elle paraissait avoir été déclinée par les praticiens.C'est l'un des mérites du présent arrêt de la Chambre commerciale que de révéler un cas d'exploitation du concept d'intérêt commun.
[...] Le respect de l'intérêt commun a pour effet d'exclure l'abus de majorité, bien que le juge ne semble pas l'écarter par ce qui relève plutôt d'une formule de style.Selon l'expression classique de la Cour de Cassation, l'abus de majorité est établi lorsqu'une décision a été prise contrairement à l'intérêt général et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité »(Cass. Com avril 1961).Comme l'observe le professeur Schmidt, »l'abus implique deux conditions : la première se rapporte à l'intérêt social, la seconde à l'intérêt commun ».Dès lors qu'un coup d'accordéon a été réguliérement effectué, dans le respect de l'égalité des actionnaires, la voie de l'abus de droit est fermée pour contester l'opération. [...]
[...] D'une façon générale, la jurisprudence a à maintes reprises affirmé la licéité de cette pratique communément appelée coup d'accordéon (réduction du capital social à zéro suivie d'une augmentation de capital), lorsqu'elle est justifiée par la survie de la société.En ce sens, cet arrêt se situe dans la ligne de décisons rendues ultérieurement par la Cour de cassation (notamment le célébre arrêt Usinor 17 mai 1994 et confirmé par un autre arrêt du 10 octobre 2000). La Cour de Cassation apporte des précisions dans deux sens concernant la suppression du droit préférentiel des souscriptions.Elle affirme que cette suppression du droit préférentiel des souscriptions respecte d'une part l'intérêt commun des associés et d'autre part le droit de propriété des actionnaires (II). [...]
[...] Tout d'abord, la Cour de Cassation retient qu'il n'y avait pas d'inégalité de traitement entre les majoritaires et les minoritaires, l'idée que l'intérêt commun des associés s'oppose à ce que l'intérêt de certains associés soit préféré à l'intérêt de tous.En cela, la Cour de Cassation est minimaliste et ne tranche pas la question qui est au cœur de la controverse doctrinale, à savoir l'existence d'un intérêt commun des associés, séparé de l'intérêt social de la personne morale et s'il y a séparation le périmétre respectif des deux notions. Puis, elle affirme que la réduction de capital à zéro des actionnaires ne constituait pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires mais sanctionnait leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports, en vertu de l'article 1832 alinéa 3 du Code Civil, applicable à toutes les sociétés. Enfin, la Cour de Cassation ne s'est pas prononcée sur le troisième moyen qui n'avait pas été discuté devant les juges du fond. [...]
[...] Le problème de droit réside donc d'une manière générale dans la fait de savoir, si la suppression du droit préférentiel de souscription excluant tous les anciens actionnaires est licite ? D'une manière plus particulière, en vertu de l'article L 224-2 du Code de commerce, une augmentation de capital destinée à amener celui-ci à un montant au moins égal au minimum légal, peut-elle être réservée à un tiers par suppression du droit préférentiel de souscription ? Dans son arrêt rendu du 18 juin 2002, la Cour de Cassation écarte ces différents moyens. [...]
[...] A/La non atteinte à l'intérêt commun des actionnaires L'intérêt commun des associés est ainsi qualifié parce qu'il est le même pour chacun : c'est l'intérêt de tout associé de retirer d'un enrichissement collectif un enrichissement individuel.La suppression du droit préférentiel de souscription à une augmentation de capital consécutive à sa réduction à zéro s'apparente à un suicide collectif chaque actionnaire perd sa qualité d'associé et donc tout droit de participer aux résultats futurs de sa société.Le droit de faire partie de la société est rangé parmi les droits individuels des actionnaires sur lesquels la loi de la majorité n'aurait pas de prise.Ces droits d'ordre public n'en subissent pas néanmoins des aménagements ou des dérogations qui sont l'œuvre de la loi. [...]
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