rémunération, gérant, SARL, statuts, société, cassation, 14 novembre 2006
Les statuts d'une société sont en fait un acte qui précise son fonctionnement et l'identifie aussi bien quant à sa forme que sa dénomination. En tant qu'acte fondateur du groupement social, et régissant intégralement son fonctionnement interne dans les limites posées par la loi, le contrat de société se trouve avoir une force obligatoire. Dans une société à responsabilité limitée (SARL), concernant certains éléments, telle la rémunération du gérant, le silence de la loi est tel que c'est aux statuts de définir les règles qui s'appliqueront.
En l'espèce, le 3 février 1996, les associés d'une SARL ont choisi par délibération de l'assemblée générale des associés de révoquer la gérante, puis dans une seconde délibération du 13 octobre de la même année, ont décidé de ne pas lui octroyer de rémunération pour l'exercice de la gérance durant l'année 1996 et ont rappelé qu'aucune rémunération ne lui avait été acceptée pour l'année 1995. La gérante, dans la continuité des années précédentes s'était cependant elle-même rémunérée, en réaction à quoi la société a assigné l'ancienne gérante en paiement de la somme qu'elle avait prélevée.
Le 4 février 2000, la Cour d'appel en charge a partiellement accepté la demande, estimant qu'il n'était pas reprochable à la gérante d'avoir perçu une rémunération étant donné que ses deux précédents exercices avaient été rémunérés, mais qu'il lui était en revanche reprochable le prélèvement d'une somme à ce titre alors qu'elle ne l'avait pas soumis à l'assemblée générale des associés pour autorisation.
Le 8 décembre 2000, l'ex-gérante a alors assigné la société en paiement d'une rémunération au titre de l'exercice de la fonction de gérante du 1er janvier 1995 au 3 février 1996.
La Cour d'appel d'Amiens, par une décision du 30 septembre 2003 a accueilli favorablement cette demande, en conséquence de quoi, la société s'est alors pourvue en cassation aux moyens selon lesquels, la Cour d'appel dans une décision précédente avait condamné la gérante à restituer à la société sa rémunération indûment perçue et qu'elle valait donc interdiction pour cette dernière de réclamer une quelconque rémunération, ainsi que la résolution du 13 octobre 1996 approuvant l'absence de rémunération se trouvait dénaturée par la solution du 30 septembre 2003, enfin, que le juge n'était pas compétent pour déterminer si le gérant devait être rémunéré en l'absence de décision collective au vu des statuts.
Il s'agissait alors pour la chambre commerciale de la Cour de cassation de savoir si, la Cour d'appel d'Amiens était dans son bon droit en accueillant la demande de l'ancienne gérante de la société à responsabilité limitée et en se jugeant apte à déterminer l'existence d'une rémunération alors que les dispositions statutaires le permettant n'avaient pas été respectées par la gérante qui en avait tout à fait la possibilité. Le juge a-t-il la possibilité de supplanter des dispositions statutaires licites ?
[...] La primauté des statuts est donc quelque peu réaffirmée dans cette première décision, affirmant que la procédure décrite par les statuts n'est pas facultative du fait des rémunérations précédentes. C'est sur cet élément qu'il se posait en fait un premier véritable problème d'interprétation, l'exercice de 1995 n'a été abordé par les associés que lors d'une assemblée générale datée du 13 octobre 1996, cette décision avait-elle valeur suffisante pour statuer sur la rémunération d'un exercice clos depuis peut-être un an ? [...]
[...] I – Les dispositions statutaires relatives à la rémunération du gérant Dans ce développement il s'agira de s'attarder sur l'importance et le problème occasionné par la décision des associés quant à la rémunération du gérant avant de souligner le principal tort de l'ancienne gérante, à savoir, ne pas avoir sollicité d'assemblée générale sur sa rémunération A – L'autorisation préalable des associés à la rémunération Les textes légaux et réglementaires ne contiennent pas la moindre disposition sur la rémunération du gérant de SARL, dans le cadre d'une société à responsabilité limitée, le principe veut donc que la rémunération du gérant soit fixée par l'assemblée des associés, que ce soit lors de la rédaction des statuts qui en disposent alors par avance jusqu'à modification, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il est fait allusion nombre de fois à « l'autorisation préalable des associés ». C'est ce que souligne la Cour d'appel d'Amiens dans sa première décision du 4 février 2000, acceptant les revendications de la société au motif que la gérante n'avais pas soumise sa rémunération à l'autorisation préalable de l'assemblée générale, autorisation qui semble devoir être renouvelée à chaque exercice. La société dont il est cas dans cet arrêt a donc, comme mode de rémunération du gérant une disposition statutaire soumettant cette dernière à la décision de l'assemblée générale. [...]
[...] C'est ici que réside le second apport de cette décision du juge de cassation, fondé sur le rappel effectué de l'importance capitale des statuts de la société. Le juge est soumis au contrat de société, son action est limitée à ses dispositions. En l'espèce, la gérante ne peut être recevable puisqu'elle n'a pas suivie, d'elle-même, les dispositions statutaires, et le juge ne peut les contredire ni se juger compétent pour violer la procédure qu'ils décrivent. Plus vulgairement il s'agirait de dire que la rémunération s'obtient « comme il est écrit dans les statuts », en respectant la procédure prévue à cet effet, et que le juge ne peut passer outre cette procédure même si la cause semble légitime, la gérante avait la possibilité d'obtenir sa rémunération, ou tout du moins de convoquer l'assemblée ce qui ouvrait ensuite la porte à la compétence du juge, c'est elle qui s'est abstenue, le juge n'est donc pas compétent. [...]
[...] C'est une règle que le juge d'appel avait ici méconnu, octroyant une rémunération à la gérante, au motif qu'aucune décision n'avait statué sur la question, alors même que c'est à elle qu'appartenait l'initiative. Le premier véritable intérêt de cet arrêt de la Cour de cassation tient donc en ce qu'elle réaffirme le caractère inviolable des statuts, du contrat de société, réaffirme par conséquent l'obligation faite au juge de s'y conformer. Comme à celle de la loi, le juge doit se soumettre à l'autorité des statuts dont la force obligatoire tient lieu de ciment de la société, si le juge peut décider tout en méconnaissant les dispositions non abusives du contrat de société, alors il suffit pour l'associé de saisir celui-ci pour en faire de même, d'où la primordialité du rappel qu'effectue ici la chambre commerciale. [...]
[...] Le juge a-t-il la possibilité de supplanter des dispositions statutaires licites ? La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans sa décision du 14 novembre 2006, choisit de casser la solution retenue par la Cour d'appel d'Amiens, estimant que le juge est incompétent pour décider en lieu et place des associés au vu des dispositions statutaires, plus généralement, la Cour réaffirme ici l'inviolabilité des statuts, se référant à l'article 1134 du Code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». [...]
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