Promesse, portage, cassation, 24 mai 1994
Jean de la Fontaine dans la fable de « La Génisse, la Chèvre, et la Brebis, en société avec le Lion » nous enseigne que l'alliance avec un plus puissant n'est jamais fermement assurée. En effet, c'est la loi du plus fort qui prime. Mais est-ce l'unique leçon que nous pouvons en tirer ? La réponse est bien évidement non. Cette fable permet aussi de connaitre les effets de la clause léonine, permettant à l'associé de se tailler « la part du lion », c'est-à-dire de se voir attribuer la totalité des bénéfices comme c'est le cas dans cette fable. Mais une disposition léonine peut aussi exonérer de la totalité des pertes un associé ou encore le priver de sa part de bénéfice ou mettre à sa charge la totalité des pertes. Nous verrons au cours de l'étude de cet arrêt l'encadrement de ces clauses en droit des sociétés.
Dans l'affaire examinée par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 24 mai 1994, deux actionnaires majoritaires d'une société anonyme cèdent des actions à une tierce société par une convention du 1er mars 1979. Le 2 mars 1979, par des promesses croisées les parties au contrat organisent un portage des dites actions. Les cédants consentent au cessionnaire une promesse de rachat des actions cédées à un prix fixé au montant du prix de cession augmenté d'un intérêt. Le cessionnaire quant à lui promet la cession des actions aux mêmes conditions. Le 4 février 1983, l'option est levée.
Le cessionnaire assigne les cédants en exécution de leur promesse en première instance. Un appel est formé contre la décision de première instance. L'affaire est ainsi portée devant la Cour d'appel de Poitiers, qui par une décision en date du 5 février 1992, déclare nulle et réputée non écrite la clause. Un pourvoi en cassation est formé contre cette décision.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si une promesse de portage, extérieure aux statuts de la société, prévoyant le rachat d'action fixé à un prix plancher, est elle valable dans la mesure où elle affranchit le porteur de toute participation aux pertes ?
La Cour de cassation répond par l'affirmative, elle casse et annule la décision de la Cour d'appel sur le fondement de l'article 1844-1 du Code civil. Elle affirme d'ailleurs que la rétrocession des actions n'avait pas d'incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports sociaux.
[...] La décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation, datant du 24 mai 1994 nous parait donc très moderne mais aussi très dangereuse. En plus, d'encadrer l'usage de cette technique juridique qu'est le portage, qui est désormais exempte de tout reproche de l'article 1844-1 du Code civil, grâce à la décision du 24 mai 1994. Le portage nécessite un accroissement de la sécurité dans son usage. En effet, comme nous avons pu le voir dans notre arrêt l'usage d'une telle convention réside essentiellement dans l'intervention d'un tiers qui sans être associé détient de manière temporaire un nombre important de parts sociales ou d'actions de l'entreprise. [...]
[...] Question auxquels nous répondrons dans notre deuxième partie. II) La nécessité d'une limitation à la validité des conventions de portage extérieur aux statuts de la société : Il est clair que les conventions de portage peuvent présenter certains dangers, c'est pour cela qu'il nécessité une limitation La première chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation sont quant eux en opposition concernant la validité des conventions de portage Une limitation nécessaire à l'usage des conventions de portage : La réponse ferme et précise que nous apporte la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans la décision du 24 mai 1994, est une véritable prise de conscience de l'évolution et de la modernisation des techniques juridiques utilisées dans le domaine des affaires. [...]
[...] Ainsi, la participation des associés aux pertes est un principe. Nous pouvons d'ailleurs voir cela à l'article 1844-1 alinéa 1 du Code civil, qui prévoit que « La part de chaque associé fans les bénéfices et sa contribution aux pertes de déterminent à proportion de sa part dans le capital social ». Il parait donc justifié que les clauses léonines soient interdites, puisqu'elles ne respectent pas la condition de participation des associés au bénéfice et au perte proportionnellement à la part du capital social. [...]
[...] En revanche, les décisions de la chambre commerciale de la Cour de cassation sont plus souples, notamment depuis une décision du 15 juin 1982. De plus, il ya une réelle constance de la jurisprudence de la chambre commerciale concernant la validité des conventions de portage, à laquelle vient s'ajouter la décision du 24 mai 1994. Dans l'arrêt du 15 juin 1982, la chambre commerciale approuve la Cour d'appel pour avoir rejeté l'action en nullité d'une clause de rachat, au motif que cette clause se trouvait dans une convention extérieure aux statuts, et non pas dans ces derniers. [...]
[...] En effet, ce dernier a la garantie du rachat des actions qui lui ont été cédés au même prix que lors de la cession des actions, qui représente un prix plancher. De plus est, le porteur touchera beaucoup plus puisque le prix plancher est majoré des intérêts en plus qui lui seront versés. Même si la valeur des actions baisse, il a la garantie de retrouver la somme qu'il a investit dans l'achat des actions et même plus vu les intérêts qu'il bénéficiera. La convention de portage peut donc faire l'objet d'une prohibition décrite par l'article 1844-1 du Code civil. [...]
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