Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 février 2010, redressement judiciaire, profession libérale
En l'espèce, un avocat a exercé sa profession à titre individuel puis au sein d'une société civile professionnelle. Il est assigné par le directeur départemental des impôts des entreprises en liquidation ou redressement judiciaire pour avoir omis de payer des créances de TVA dans le cadre de son activité professionnelle.
Ainsi, suite à la demande du directeur départemental des impôts des entreprises, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire contre l'avocat par un jugement en date du 18 juillet 2007. Qu'il a ensuite été interjeté appel de la décision du tribunal. L'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, en date du 20 mai 2008, a confirmé le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Ainsi, l'avocat se pourvoit en cassation.
L'avocat, demandeur au pourvoi, souhaite la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier. En effet, cette dernière pour retenir sa décision se fonde sur le fait qu'en tant qu'avocat, même dans le cadre d'une société civile professionnelle, M.X ne pourrait pas échapper au paiement de ses dettes à titre personnel, et cela d'autant plus, qu'une grande partie des créances poursuivies étaient antérieures à la constitution de la SCP. En outre, la cour d'appel s'est fondée sur l'article L 631-2 du Code de commerce en précisant que l'avocat étant une profession libérale qu'importe le mode d'exercice, cette profession peut se voir opposer une procédure collective.
[...] Ainsi, la situation de la personne qui exerce ladite activité pour son compte et en son nom propre ne pose pas de problème ; celle-ci est éligible à l'ouverture d'une procédure collective. Cependant, qu'en est-il de la personne qui après avoir exercée son activité libérale à titre individuelle, l'exerce au sein d'une société ? La cour de cassation répond que cette dernière n'est plus personnellement éligible à une procédure collective puisqu'elle exerce son activité pour le compte de la société et n'exerce plus une activité indépendante au sens du livre VI du code de commerce, condition sine qua non à son éligibilité. [...]
[...] La cour de cassation a censuré ce raisonnement en retenant que l'avocat n'était pas indépendant. Cette idée se justifie si on distingue les différents sens du mot indépendance En effet, l'indépendance entendue par la déontologie est l'indépendance intellectuelle, technique, alors que c'est l'indépendance juridique qui est retenue par la cour de cassation dans l'interprétation du livre VI du code de commerce. Ainsi, la cour de cassation consacre le critère juridique pour justifier la non-éligibilité de l'avocat associé à l'ouverture d'une procédure collective. [...]
[...] Une jurisprudence a priori favorable aux avocats L'arrêt de la cour de cassation est valablement fondé et son raisonnement justifié à bien des égards. En outre, cette jurisprudence est très favorable aux avocats se trouvant dans le même cas qu'en l'espèce. Ainsi, l'avocat qui exerce à titre individuel puis s'associe dans une société ne pourra pas se voir assigner à l'ouverture d'une procédure collective par l'un de ses créanciers antérieurs qui n'aura pas exercer son action dans les délais impartis. [...]
[...] Dans cette perspective, il semble que l'arrêt commenté ne soit pas surprenant. Pourtant, le raisonnement de la cour de cassation semble plus difficile à concevoir pour une profession libérale que pour un dirigeant social, d'autant plus que ce raisonnement se fonde sur le critère de l'indépendance pour déterminer l'éligibilité à une procédure collective d'un avocat. l'exclusion fondée sur la non indépendance de l'avocat associé l'écran de la personnalité morale Selon l'arrêt commenté, l'avocat n'est plus éligible à l'ouverture d'une procédure collective car il n'exerce plus son activité en son nom propre mais au nom de la société dont il est associé. [...]
[...] cependant, il faut relativiser les choses en rappelant que dans le cadre d'une SCP ou d'une SEL, les associés sont tenus solidairement et indéfiniment du passif de la société. De ce fait, l'avocat n'est pas protégé contre le paiement du passif. C'est cette idée qu'il convient de retenir dans cette décision puisque la cour de cassation a écarté l'éligibilité de l'avocat associé à l'ouverture d'une procédure collective mais elle ne l'a pas protégé contre le paiement de ses dettes. En effet, elles pourront être payées si la société est elle-même assignée à l'ouverture d'une procédure collective et rien n'empêche le créancier d'engager la responsabilité personnelle de l'avocat. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture