cour de cassation, chambre commerciale, 3 janvier 1995, qualification, contrat de vente, contrat d'entreprise
Le contrat d'entreprise et le contrat de vente sont a priori bien distincts, étant donné que le premier porte sur une chose à livrer, et le deuxième, sur un travail à effectuer. Néanmoins, il est difficile de savoir si un contrat doit être qualifié de contrat de vente ou de contrat d'entreprise lorsqu'une chose est fabriquée sur les indications du client.
La société nouvelle Dupont d'Isigny (SNDI) a fabriqué, par association de céréales préparées par la société Diététique et santé avec des flocons de blé fabriqués par la société des établissements Favrichon (société Favrichon) à partir des livraisons que lui en faisait M. X, exerçant son activité sous l'enseigne Les Etablissements Minoterie Lerat, des barres de céréales polluées et les a livrées à la société Diététique et santé.
Les barres de céréales ont alors été produites par la SNDI sur du matériel fourni par la société Diététique et santé, et à partir de spécifications techniques données par celle-ci.
La société Diététique et santé a assigné en réparation de ses préjudices la SNDI, son assureur, la société Compagnie Abeille Paix (devenue la Compagnie Abeille assurances), la société Favrichon et son assureur, la société Les Mutuelles du Mans, et les établissements Minoterie Lerat. Par un arrêt du 19 octobre 1992, la cour d'appel de Toulouse a décidé que la SNDI et la société Diététique et santé avaient conclu un contrat de vente, et non pas un contrat d'entreprise. La société Diététique et santé prétendait en effet être liée par un contrat de vente à la SNDI, alors que cette dernière soutenait n'avoir conclu qu'un contrat d'entreprise. La SNDI forme alors un pourvoi en cassation.
[...] Il s'agit alors de déterminer dans la convention, si l'élément en valeur le plus important est la main d'œuvre ou la matière. Lorsque la matière est d'une valeur beaucoup plus importante, on retient alors la qualification de vente, et le travail apparaît alors comme une donnée accessoire (Civ. 1ère, 1er août 1950). Lorsque le travail fourni a plus de valeur que la matière, on retient a contrario la qualification de contrat d'entreprise. On fait en effet application de l'adage L'accessoire suit le principal Ce critère a été appliqué en reprenant la pensée de Pothier, mais en la déformant. [...]
[...] Il est difficile de mettre en œuvre le critère classique, lorsque le coût de la matière et de son traitement sont confondus en un prix unique. Dans ce cas, on aboutirait alors une qualification mixte, et on appliquerait distributivement les règles juridiques du contrat de vente et du contrat d'entreprise. Néanmoins, le critère économique peut également être utilisé lorsqu'il est impossible d'appliquer le critère psychologique (critère moderne), soit en raison des stipulations du contrat, qui ne permettent pas de connaître l'intention des parties, soit lorsque la conception de la chose relève d'un travail commun des cocontractants. [...]
[...] Ce critère entraîne cependant un changement de qualification, selon que le travail est effectué avec un matériel coûteux ou non. Cette solution se révélant alors parfois peu satisfaisante, la jurisprudence a par la suite consacré le critère psychologique, et notamment dans l'arrêt de la chambre commerciale du 4 janvier 1995. Le critère moderne consacré en réaction à l'insuffisance du critère classique Le critère moderne est un critère psychologique, et se fonde alors sur le caractère spécifique ou non de l'intervention. [...]
[...] L'arrêt de la chambre commerciale du 3 janvier 1995 s'inscrit bien dans cette jurisprudence. En effet, la Cour de cassation refuse la qualification de contrat de vente dès lors que les produits fabriqués étaient destinés à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d'ordre Elle consacre alors à nouveau la notion de besoins spécifiques étant donné que de plus, les produits fabriqués ne répondaient pas à des caractéristiques déterminées à l'avance par le fabricant. La Cour de cassation fait donc application du critère psychologique en l'espèce, mais les régimes juridiques du contrat de vente et du contrat d'entreprise étant distincts, la qualification retenue est aussi influencée par les enjeux du litige. [...]
[...] La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse au motif que les produits fabriqués par la SNDI ne répondaient pas à des caractéristiques déterminées à l'avance par le fabricant, mais étaient destinées à répondre aux besoins particuliers exprimés par le donneur d'ordre. Quelle est la méthode utilisée par la Cour de cassation face à un conflit de qualification entre un contrat de vente et un contrat d'entreprise ? La Cour de cassation a posé des critères de distinction entre ces deux contrats mais il apparaît aussi en réalité que les enjeux de la qualification du contrat sont déterminants dans son choix (II). [...]
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