convention, qualifiée, échange, objet, requalification, contrat, juges, fond, cassation, 26, juin, 1973
« Le contenu du contrat prévaut sur l'intitulé », nous affirme Alain BÉNÉBENT ; ce principe sous-entend le pouvoir des juges de modifier la qualification donnée par les parties à la convention qui les lie en requalifiant un contrat donné. C'est sur ce point que la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a rendu cet arrêt du 26 juin 1973 ; sur le fait de savoir si le juge pouvait requalifier un contrat alors même quand la qualification donnée par les parties « n'était entachée d'aucune obscurité ou contradiction ».
La convention en question était un contrat qualifié par les parties d'échange avec soulte. Il concernait un échange de parcelles de terre de valeurs différentes, raison pour laquelle l'un des cocontractants ajoutait à son bien une soulte pour atténuer l'inégalité de l'échange. Or, un tiers disposait d'un droit de préemption sur une des parcelles échanger. En conséquence, il assigna les parties à la convention en justice, dans le but de faire reconnaître la fraude visant à contourner son droit de préemption, et à requalifier ce contrat en vente pour pouvoir exercer son droit.
La Cour d'appel a requalifié ladite convention en vente, en estimant que la valeur des biens échangés était disproportionnée, et que la soulte versée par l'une des parties était d'une valeur bien trop importante. Selon elle, la rédaction de l'acte laissait transparaitre l'intention de cocontractants de faire échec au droit de préemption du tiers. Les parties au contrat ont formé un pourvoi en cassation, sur le moyen que les juges du fond n'ont pas le pouvoir de modifier la qualification d'une convention dès lors qu'elle n'est entachée d'aucune obscurité ou contradiction. Selon le pourvoi, la stipulation d'une soulte, quelle que soit son montant, n'altère pas la qualification d'un échange.
[...] Grâce à cette requalification, la convention pourra se voir appliquer les règles de droit qui lui conviennent. En conséquence, cette opération concerne le droit, c'est pourquoi la Cour de cassation peut la contrôler, comme elle le fait en l'espèce. Cette opération peut paraître simple de prime abord, mais elle peut ne pas l'être ; on pense par exemple à des contrats complexes qui possèdent un caractère mixte ou hybride. Prenons un exemple ; le 3 juillet 2001, la 1ère chambre civile détermina un contrat hybride entre le contrat d'entreprise et le contrat de dépôt salarié dans la convention portant sur l'obligation d'entraînement d'un cheval, associée à celle de l'héberger et de le soigner. [...]
[...] En effet, si celle-ci est trop importante, et sert simplement à masquer la véritable nature du contrat (c'est-à-dire une vente) derrière l'échange d'un bien de faible valeur, l'objectif des parties n'étant que le contournement des règles de la vente, alors le contrat devra être requalifié. C'est le cas en l'espèce, lorsque la Cour de cassation cite la Cour d'appel ayant constaté « la disproportion de valeur des biens échangés » et « l'intention des contractants ( ) de faire échec au droit de préemption de Daniel Y ». Dès lors que l'intention frauduleuse est caractérisée, le juge se doit de modifier la qualification du contrat d'échange, malgré le droit des parties d'ajouter une soulte à une telle convention. [...]
[...] Or, l'échange d'un bien contre une somme d'argent s'assimile à une vente. Le juge a donc, en l'espèce, décidé de requalifier le contrat. Le déséquilibre des prestations, facteur de dissimulation et donc de requalification du contrat Dans l'arrêt étudié, la convention d'échange conclue entre les parties a été requalifiée de vente par le juge, en raison de la disproportion de la soulte et ce dans le but de protéger le droit de préemption d'un tiers au contrat. Néanmoins, cette limitation de la liberté contractuelle risque de porter atteinte à la sécurité juridique L'existence d'une soulte disproportionnée, cause de la requalification du contrat d'échange avec soulte en contrat de vente L'article 1702 du Code civil dispose que « l'échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre ». [...]
[...] Pour qualifier ou requalifier une convention, les juges doivent, le plus souvent, dégager une qualification globale. Pour cela, ils ne peuvent s'attacher à la qualification donner par les parties : ils doivent analyser la convention en elle-même et ses effets. La qualification est une obligation pour les juges du fond, et pour se faire, ils ne doivent pas prêter d'importance au nom donné à la convention par les parties. L'absence de soumission des juges du fond à la qualification conférée ab initio par les parties « Le contenu prévaut sur l'intitulé » ; par cette phrase, Alain Bénabent confirme ce principe : les juges du fond ne sont en aucun cas liés par la qualification conférée à une convention par les parties. [...]
[...] Ainsi, un droit réel ne peut être échangé contre un service ou contre de l'argent. Dès qu'il y a transfert de droit réel (c'est l'obligation principale), l'échange est caractérisé, même si le contrat vient y ajouter d'autres obligations (qui seront donc des obligations accessoires). Enfin, l'échange est caractérisé par un transfert direct ; deux ventes réciproques qui coexistent ne caractérisent donc pas un échange. Sur ces trois éléments, c'est le second qui nous intéresse aujourd'hui. En effet, qu'en est-il de l'échange avec soulte ? [...]
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