Commentaire d'arrêt, MANOUKIAN, chambre commerciale, 26/11/2003
Le code civil énonce à l'article 1108 les 4 conditions de validité du contrat parmi lesquelles on trouve la volonté de celui qui s'engage autrement dit le consentement des parties. Toutefois, il ne s'attarde pas sur le cheminement qui s'effectue entre les parties pour en arriver à la conclusion des contrats et ignore ainsi les pourparlers comme les avant-contrats, qui pourtant, permettent de parvenir à la conclusion du contrat sauf en cas d'échec. Ainsi, concernant les pourparlers, le code civil ignore également leur échec et ses causes et ses conséquences. C'est donc la jurisprudence qui a réglementé les pourparlers c'est-à-dire les négociations préalables au contrat. Ainsi, les pourparlers sont marqués par la liberté contractuelle et il est donc possible de s'engager librement en pourparler ou de rompre librement les pourparlers. Toutefois, la rupture abusive des pourparlers est fautive et c'est la jurisprudence qui pose la définition d'une rupture fautive et ses conséquences.
[...] Toutefois, la société MANOUKIAN, mécontente, se pourvoit elle aussi en cassation. Selon les actionnaires, leur comportement n'est pas contraire à la bonne foi, il n'y a donc pas de rupture abusive des pourparlers qui se définit selon eux comme le fait de tromper la confiance de son partenaire, la rupture des pourparlers faisant partie de la liberté contractuelle. En outre comme la société MANOUKIAN n'a pas effectuée les modifications qu'elle pouvait faire dans le délai prévu, les actionnaires estiment que le société MANOUKIAN ne peut donc pas leur imputer une rupture fautive. [...]
[...] Tout d'abord, il faut rappeler que pour que traditionnellement la jurisprudence refuse la réparation en nature qui consisterait en la reprise forcée des négociations ou en la conclusion forcée du contrat projeté pour l'auteur de la rupture. La jurisprudence préfère en effet une réparation par équivalent c'est-à-dire par l'allocation de dommages et intérêts en vue de réparer le préjudice. Pour cela, il faut engager la responsabilité délictuelle de l'auteur éléments doivent donc être réunis : une faute, un préjudice et un lien de cause à effet entre eux. Le préjudice doit avoir été causé par la faute. [...]
[...] La Cour de cassation insiste dans un premier temps sur le caractère unilatéral de la rupture qui constitue un des éléments permettant d'établir qu'il y a rupture abusive des pourparlers. En effet la Cour de Cassation énonce : « la cour d'appel a retenu que les consorts X . avaient ainsi rompu unilatéralement [ ] des pourparlers [ ] qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. » Le caractère unilatéral résulte dans le fait qu'une seule des parties décide de ne plus donner suite aux négociations et rompt ainsi les pourparlers sans concertation avec l'autre partie. [...]
[...] Avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain MANOUKIAN en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers. » En outre, la Cour de cassation insiste d'avantage sur la mauvaise foi de l'auteur de la rupture, mauvaise foi qui permet la constitution d'une rupture abusive des pourparlers. En effet, la cour de cassation met en exergue le fait que « la cour d'appel a retenu que les consorts X . avaient rompu unilatéralement et avec mauvaise foi des pourparlers qu'ils n'avaient jamais paru abandonner. [...]
[...] La Cour de Cassation, dans son arrêt du 26/11/2003 rejette les pourvois aux motifs. Elle retient en effet d'une part l'existence d'une faute dans la rupture des pourparlers dans le délai de réalisation prévu et elle limite la réparation du préjudice subi aux frais occasionnés par la négociation et les études préalables effectuées. En outre, elle estime « que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ; » D'autre part, elle considère que « le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur. [...]
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