Commentaire d'arrêt, cour de cassation, 23 octobre 2007, abus, position dominante
Le fait pour une entreprise gérant une infrastructure essentielle de refuser l'accès d'un tiers à ladite infrastructure est-elle constitutive d'un abus de position dominante ?
Telle était la question soulevée dans l'arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2007. Les juges de la chambre commerciale en faisant application de la théorie des infrastructures essentielles ont donné une réponse positive à l'interrogation. Dans les faits, la société Neuf Télécom avait saisi le conseil de la concurrence pour des pratiques anticoncurrentielles sur le marché naissant de l'ADSL. En effet, celle-ci refusait de donner accès aux entreprises tierces à la boucle locale, infrastructure nécessaire au développement et à l‘ouverture à la concurrence du domaine de l'internet haut débit. Dans cette optique, le conseil a prononcé à titre conservatoire l'obligation pour la société France Télécom de proposer dans un délai de huit semaines une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à l'internet haut débit, ou toute autre offre équivalente. Saisie de la non-exécution de cette injonction, le conseil a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de France télécom. Statuant au fond après rejet par la cour d'appel du pourvoi formé contre la décision précédente, le conseil a estimé que France Télécom avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 au titre d'abus de position dominante et a infligé une sanction pécuniaire à cette dernière.
La société Neuf soutenait en effet que le fait de refuser de donner accès à une la boucle locale, infrastructure essentielle dans le cadre de la fourniture d'internet haut débit constituait un abus de position dominante permettant à France télécom qui exerçait alors un quasi-monopole sur cette infrastructure de maintenir son monopole sur le marché amont de l'ADSL. France Télécom quant à elle soutenait d'une part que la décision du conseil violait l'article L420-2 en ce qu'elle lui reprochait de ne pas avoir immédiatement mis en œuvre une simple option envisagée par l'Arcep dans le cadre d'une consultation publique dans le cadre d'un processus de régulation multilatérale en cours et d'autre part, que le principe de confiance légitime s'opposait à ce qu'une infraction puisse être retenu à l'encontre d'une entreprise pendant le délai qu'une décision administrative lui a accordé pour satisfaire aux règles de la concurrence.
[...] Le problème qui peut se poser dans ce cadre est celui de l'articulation de ce principe avec le droit de propriété. Par ailleurs, l'application de la théorie des infrastructures essentielles conduit à un paradoxe en cequ'elle présente le risque de limiter l'initiativepour l'entreprise en position dominante sur un marché,alors même qu'elle vise à protéger la concurrence. Cette solution appelle à une démonstration en deux étapes. Il convient de mettre en évidence l'existence d'un monopole maintenu sur une infrastructuredominante ainsiquel'exigent les critères posés par la jurisprudence en matière de facilités essentielles, afin caractériser un abus de position dominante en cas de refus injustifié de donner accès à cette infrastructure. [...]
[...] La cour dans le sens de sa jurisprudence va retenir que c'est le refus opposé à la Neuf Télécom de lui donner accès au réseau revêt un caractère injustifié, et c'est cet élément déterminant qui constitue un abus de position dominante. La caractérisation d'unabus de position dominante Pour retenir un abus de position dominante, l'arrêt précise que le refus opposé à la société Neuf avait un caractère injustifié Le recours au critère du refus injustifié sous- entend qu'il existe pour les opérateurs tiers un doit d'accès à l'infrastructure essentielle, ce qui justifie le prononcé d'une injonction de donner accès à l'infrastructure Le refus injustifié de l'accès à l'infrastructure Le principe de l'infrastructure essentielle donne lieu à uneobligationéchue à l'entreprise en position dominante de donner accès à ladite infrastructure. [...]
[...] Cette position dominante peut découler de divers moyens : l'appartenance à un réseau commercial diversifié, une avance technologique et plus en rapport avec le cas d'espèce, le monopole exercé sur une infrastructure essentielle à la production d'un bien ou d'un service. La position dominante en elle- même ne pose pas de problème par rapport aux règles de la concurrence. Les autorités mettentsouvent en avant le principe de concurrence par les mérites, ce qui revient à dire que la position dominante s'est obtenue par des moyens licites. Il n'en demeure pas moins que la position dominante peut permettreà son détenteur d'élever des barrièresvirtuelles au marché et ainsi empêcher les opérateurs concurrents d'yavoir accès. [...]
[...] 420-2 au titre d'abus de position dominante et a infligé une sanction pécuniaire à cette dernière. La société Neuf soutenait en effetque le fait de refuser de donner accès à une la boucle locale, infrastructure essentielle dans le cadre de la fourniture d'internet haut débit constituait un abus de position dominante permettant à France télécom qui exerçait alors un quasi-monopole sur cette infrastructure de maintenir son monopole sur le marché amont de l'ADSL. France Télécom quant à elle soutenait d'une part que la décision du conseil violait l'article L420-2 en ce qu'elle lui reprochait de ne pas avoir immédiatement mis en œuvre une simple option envisagée par l'Arcep dans le cadre d'une consultation publique dans le cadre d'un processus de régulation multilatérale en cours et d'autre part, que le principe de confiance légitime s'opposaità ce qu'une infraction puisse être retenu à l'encontre d'une entreprise pendant le délai qu'une décision administrative lui a accordé pour satisfaire aux règles de la concurrence. [...]
[...] Le refus incriminé doit nécessairement avoir uncaractère justifié, c'est-à-dire que l'entreprise doit se basersur des critères rationnelsdans sa position vis-à-vis del'entreprise tierce. Se pose cependant le problème d'un critère permettant de déterminer que l'entreprise ne s'est pas fondée sur des éléments objectifs, mais que le refus n'était en réalité qu'un moyen manifestant sa volonté d'éliminer un concurrent actuel ou potentiel. Le refus pourrait par exemple être justifié lorsque l'une des conditions d'accès n'est pas remplie. Ainsi qu'en l'espèce, l'entreprise pourrait arguer de l'incapacité technique à ouvrir l'infrastructure. [...]
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