Commentaire d'arrêt, cour de cassation, 19 février 1968, contrats, spéciaux
Le Code civil n'offrant pas de définition claire et précise du contrat d'entreprise, la jurisprudence s'est adonnée à offrir de meilleures explications. C'est ce qu'entreprennent les juges dans l'arrêt rendu le 19 février 1968 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
En l'espèce, des époux ont conclu une convention avec une personne, convention dans laquelle ils donnaient pouvoir à cette personne de confier la construction de leur maison à l'entrepreneur de son choix, ainsi que le type de la maison et le plan, le prix de celle-ci ayant été préalablement précisé par les époux. Suite à la survenance d'un litige opposant les époux à cette personne, la Cour d'appel a décidé de qualifier la convention de contrat d'entreprise. Selon cette juridiction, la réunion des éléments précités, c'est-à-dire l'éxecution d'un acte juridique impliquant un pouvoir de représentatoin, répond aux conditions de l'article 1787 du Code civil qui introduit le contrat d'entreprise.
Toutefois, l'interprétation de cette même convention par la haute juridiction est en contradiction avec la position de la Cour d'appel. En effet, la Cour de cassation exclue cette convention de la qualification de contrat d'entreprise. La personne étant chargée de conclure pour le compte des époux un simple acte juridique, sa situation correspond à la définition du mandat donnée à l'article 1984 du Code civil.
La question qui s'est présentée à la Cour de cassation était celle de savoir si un contrat d'entreprise pouvait impliquer une quelconque représentation, ainsi que la réalisation d'actes juridiques.
À cette interrogation survenue du fait de la convention litigieuse, les juges ont répondu de manière négative. Ainsi, un contrat d'entreprise ne peut être relatif qu'à la réalisation d'actes matériels par un entrepreneur, ce dernier ne recevant aucune faculté de représentation par le maître de l'ouvrage.
[...] Au-delà de la qualification de mandat, la solution du 19 février 1968 permet également decaractériser une convention de contrat d'entreprise. B – La réalisation d'actes matériels en toute indépendance : la caractéristique du contrat d'entreprise La convention entre les époux X et leur entrepreneur est qualifiée de contrat de mandat par laHaute juridiction. Cette décision a été motivée par la prise en considération de deux éléments. Il s'agit premièrement de l'absence d'actes matériels dans cette convention, et de la présence d'un pouvoir de représentation effectif en second lieu. [...]
[...] I – Une distinction effective entre le contrat d'entreprise et le mandat Cette distinction opérée par la Cour de cassation porte sur l'objet du contrat. Il s'agit d'exclure la qualification de contrat d'entreprise lorsque la convention prévoit l'exécution d'actes juridiques la réalisation d'actes matériels pouvant elle seule caractériser un contrat d'entreprise A – L'exclusion du contrat d'entreprise lors de l'exécution d'actes juridiques En l'espèce, la Cour d'appel avait qualifié la convention de contrat d'entreprise au motif que l'entrepreneur recevait la mission de faire construire une maison déterminée pour un prix forfaitaire. [...]
[...] Prenons comme illustration le cas de l'agent immobilier. Aux premiers abords, l'agent immobilier représente son client dans une vente immobilière. Cependant, lorsqu'il s'attache à rédiger des compromis de vente ou à faire visiter le bien, il s'agit également de réaliser des tâches matérielles. La solution du 19 février 1968 trouve ainsi difficulté à s'appliquer dans cette hypothèse. Pour réglementer cette profession, le législateur s'est emparé de la théorie de l'accessoire : la prestation dominante emportera qualification de la convention. [...]
[...] L'adage selon lequel le juge est la bouche de la loi signifie principalement que le juge doit appliquer purement et simplement le texte de la loi. Toutefois, dans certains cas, il procède à son interprétation, et peut même aller jusqu'à la compléter. En l'espèce, l'intervention des juges de la Haute juridiction semblait indispensable pour mettre fin aux confusions qui pouvaient intervenir entre différents contrats. En revanche, il convient de s'interroger sur la pertinence de cette décision et sur le raisonnement qui a abouti cette solution. En effet, on ne peut échapper au constat selon lequel les contrats d'entreprise et de mandat sont des contrats hybrides. [...]
[...] À ce titre,la Cour de cassation a tranché en faveur du contrat de mandat, dont les caractéristiques sont dictées par l'article 1984 du Code civil. Nous pouvons légitimement en déduire qu'il y a mandat lorsque des personnes chargent une autre personne d'accomplir pourleur compte un acte juridique. L'identification du mandat passe ainsi par un pouvoir d'accomplir un acte juridique. Dégagé par l'arrêt du 19 février 1968, ce critère permet notamment de distinguer le mandataire du courtier. En effet, ce dernier a pour unique mission de rapprocher des personnes pour qu'elles contractent, mission qui s'éloigne du contrat de mandat. [...]
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