Arret, commentaire, 20 mars 2007, abus, minorité, capital, social, augmentation, droit, information, associé, société
Selon l'adage latin neminem laedit qui suo jure utitur, autrement dit « celui qui use de son droit ne lèse personne ». Ainsi par principe la personne qui exerce son droit ne cause de dommage injuste à personne. Pourtant dès le XIXème siècle s'est développée la notion d'abus de droit, c'est-à-dire la faute qui consiste à exercer son droit sans intérêt pour soi-même et dans le seul dessein de nuire à autrui, ou, suivant un autre critère, à l'exercer en méconnaissance de ses devoirs sociaux. Cette notion a trouvé son apogée dans la célèbre affaire dite Clément Bayard de la chambre des Requêtes du 3 aout 1915. (...) C'est de cette notion d'abus de droit et plus particulièrement d'abus de minorité dont traite la chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 20 mars 2007.
Dans cette affaire les capitaux propres de la société La Roseraie clinique hôpital étant devenus inférieurs à la moitié du capital social, la société Gruppo, détenant 49% du capital, a proposé de procéder à un « coup d'accordéon », c'est-à-dire procéder à une augmentation du capital social suivie d'une réduction par absorption des dettes, afin d'effacer les pertes. Cependant la société minoritaire Hexagone hospitalisation Ile-de-France, détentrice de 46 % du capital, a refusé d'adopter cette mesure lors de l'assemblée générale en invoquant que la question préalable de la dissolution ou de la poursuite d'activité n'avait pas été examinée et qu'elle n'avait pas eu réponse à ses questions sur le plan stratégique de développement. La société La Roseraie et la société Gruppo ont assigné en référé la société Hexagone pour abus de minorité.
[...] De ce fait la solution énoncée tant à limiter fortement la mise en œuvre de l'abus de minorité par la preuve d'un dessein égoïste, d'un refus contraire à l'intérêt social et d'une information éclairée. B'/ La protection de l'associé au détriment de l'avenir de la société Par principe la sanction de l'abus de minorité consiste dans l'attribution de dommages-intérêts aux victimes du minoritaire qui a usé de son droit de vote dans un sens contraire à l'intérêt social. Néanmoins cette sanction n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle ne répare pas le dommage causé. D'ailleurs elle ne débloque pas plus la situation née de l'obstruction du minoritaire. [...]
[...] En voulant protéger cela les juges du fond ont quelque peu détourné la notion d'abus de droit en ne caractérisant pas tous ses éléments constitutifs. La solution de la cour d'appel n'est pas injuste en soit, elle partait d'une volonté de maintenir un besoin essentiel pour la population, mais elle n'était pas légalement fondée. C'est pourquoi la Cour de cassation a cassé l'arrêt. En réalité il ne sert à rien de s'acharner judiciairement pour la survie de l'être sociétaire en difficulté et incurable. [...]
[...] La société La Roseraie et la société Gruppo ont assigné en référé la société Hexagone pour abus de minorité. Le juge des référés a accueilli la demande, de ce fait la société Hexagone a interjeté appel de l'ordonnance. La cour d'appel de Paris a rendu, le 6 juillet 2005, un arrêt confirmatif, la société Hexagone a alors formé un pourvoi en cassation. Les juges du fond considèrent que les demandes d'informations complémentaires de la société Hexagone relatives au plan stratégique de développement n'étaient pas directement liées au vote de la résolution proposant l'augmentation de capital devant permettre l'apurement des dettes existantes dont la société Hexagone avait approuvé le montant en adoptant la première résolution d'approbation des comptes de l'exercice clos, de sorte que les renseignements obtenus lui permettaient de voter la résolution en toute connaissance de cause. [...]
[...] L‘arrêt Com 15 juillet 1992 définit pour la première fois la notion d'abus de minorité en énonçant que c'est l'attitude contraire à l'intérêt général de la société, en ce que le minoritaire aurait interdit la réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés L'abus suppose donc deux critères avec tout d'abord un critère objectif par le refus contraire à l'intérêt de la société et ensuite un critère subjectif par le but de satisfaire un intérêt égoïste. Cette jurisprudence est régulièrement confirmée comme par exemple Com avril 1961. Dans la mesure où ces deux éléments sont réunis alors le minoritaire engage sa responsabilité puisqu'il commet un abus de son droit de vote. Partant la Cour de cassation reconnait régulièrement des situations d‘abus de minorité notamment dans les cas d‘augmentation de capital. [...]
[...] Ainsi les exemples sont nombreux concernant les cas d'abus de minorité en ce domaine. Pourtant en l'espèce, si les juges du fond ont caractérisé l'abus, la Cour de cassation casse en estimant que les motifs de la cour d'appel étaient impropres à établir que l'opposition de la société Hexagone au vote de l'augmentation de capital était fondée sur l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés. En effet il n'est nullement démontré que la société Hexagone en refusant de voter la mesure curative favorisait ses propres intérêts. [...]
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