Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 10 juillet 2012, cautionnement
« Un marchand sachant qu'il y a une famine à Rhodes va y vendre son blé à un prix très élevé, sans dire qu'il a dépassé un convoi de navires chargés de froment, qui le suivait de près avec la même destination », Cicéron, Les Offices III. A la lumière de cette citation il est aisé de remarquer que la notion de réticence dolosive est très ancienne, et que les Grecs déjà la concevaient. Cette notion est au cœur de cet arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 10 juillet 2012, relatif au cautionnement.
En l'espèce, M.X s'est rendu caution solidaire, par acte authentique du 25 avril 2007, à concurrence d'une certaine somme envers la société BRD, groupe Société Générale, une banque, du paiement d'un crédit que cette dernière avait consenti à la société Aigri France. Après avoir mis M.X en demeure de payer, la banque a fait inscrire des hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles lui appartenant. Celui-ci a donc saisi le juge de l'exécution en nullité de cet acte de cautionnement et en mainlevée des hypothèques inscrites citées précédemment.
[...] Il y a donc bel et bien réticence dolosive d'après M.X, qui insiste sur le fait que la Cour a violé les articles 1116 et 1134 du Code Civil. Dans un deuxième temps, M.X affirme de nouveau que les juges d'appel ont violé ces textes, en affirmant qu'il connaissait la situation réelle du débiteur au vu des circonstances citées précédemment, alors que ces dernières, d'après lui, ne caractérise pas le fait qu'il soit au courant de la situation comptable de la société. [...]
[...] Les juges de la Cour de Cassation ont donc, dans cet arrêt du 10 juillet 2012, confirmé l'arrêt de la Cour d'Appel d'Agen en rejetant le pourvoi formé par Mr. X. Ils ont ainsi reconnu dans un premier temps qu'il n'était pas établi que la banque ait eu connaissance de la situation comptable de la société Aigri au moment de l'engagement de caution, et qu'elle n'a donc pas manqué a son obligation de bonne foi. La Haute Juridiction reprends ensuite l'ensemble des arguments de la Cour d'Appel, à savoir que Mr X a dû être alerter par l'objet de son acte de cautionnement, qu'il était évident que ce dernier avait de sérieux doutes sur la situation de la société au vu de différente démarches qu'il a pu accomplir, et qu'enfin il s'agissait d'un homme d'affaire avisé. [...]
[...] Enfin, la Cour a insisté sur le fait que la caution, en l'occurrence Mr a investi des sommes importantes dans la société Aigri, et que ce dernier était un homme d'affaires avisé, en précisant néanmoins qu'il n'avait pas une connaissance exacte de la situation de cette société. Mr X , a donc formé un pourvoi en cassation devant la Chambre Commerciale, faisant grief a l'arrêt de la Cour d'Appel d'Agen de l'avoir débouté de sa demande d'annulation de son engagement de cautionnement. [...]
[...] Néanmoins, il convient de voir que cette décision a une portée limitée. Une décision ayant une portée volontairement limitée : En effet, cet arrêt offre donc une solution étonnante en protégeant le créancier professionnel face à la caution, par la rejet de la réticence dolosive et par la qualification nouvelle de la caution avertie. Néanmoins, nous pouvons constater que cet arrêt n'a pas été publié au Bulletin. Cela réduit clairement son importance, les magistrats de la Cour de cassation ayant affirmé eux-mêmes que ces derniers ne font pas jurisprudence, soit parce qu'ils ne sont pas susceptibles de faire jurisprudence puisqu'ils ne contiennent ou n'appliquent aucun principe nouveau, soit parce qu'en dépit de ce qu'ils disent, la Cour de cassation a décidé qu'ils ne doivent pas faire jurisprudence, ce qui semble être le cas ici Il semble donc que la solution de cet arrêt, ne sera pas la solution de principe, remettant en cause une jurisprudence jusque- là très protectrice de la caution personne physique, il s'agira de voir désormais à l'avenir comment se positionnera la Haute juridiction sur cette question. [...]
[...] Il convient donc de s'intéresser à cette solution plus en détail, en s'intéressant dans un premier temps au fait que la Haute Juridiction a apporté dans cet arrêt une nouvelle exigence pour l'application de la réticence dolosive avant d'insister sur le fait que celle-ci délivre ici une nouvelle appréciation de la caution avertie (II). I. Une nouvelle exigence pour l'application de la réticence dolosive, en tant que moyen de défense mise à disposition de la caution : En effet, le dol, et plus particulièrement la réticence dolosive a toujours été reconnu par la jurisprudence comme un moyen de défense au profit de la caution mais l'arrêt étudié ici, va imposer une nouvelle exigence à son application Le dol, un bon moyen de défense mise au profit de la caution, reconnu par une jurisprudence continue : En effet, il est reconnu par la jurisprudence, une forme de protection de la caution face à un créancier professionnel, notamment par la notion de dol, ou de réticence dolosive. [...]
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