Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 23 octobre 2012, cause de l'obligation
Henri Capitant, dans son ouvrage intitulé De la cause des obligations, sera le premier à mettre en avant la dualité de la cause. En effet, il va distinguer la cause du contrat et la cause de l'obligation. La cause du contrat est la raison ultime qui a poussé un individu à conclure un contrat. La cause de l'obligation est la recherche du pourquoi un individu a accepté de contracter : l'obligation d'une partie réside dans l'obligation de l'autre, c'est la contrepartie. C'est d'ailleurs la cause de l'obligation qui va être le sujet principal de cet arrêt, rendu le 23 octobre 2012 par la Cour de cassation dans sa Chambre commerciale.
En l'espèce, une société a conclu avec une entreprise unipersonnelle, une EURL, un contrat de prestations de service. Le dirigeant de la société est aussi le gérant et associé unique de l'EURL. Le gérant va être démis de ces fonctions par la société et le contrat passé avec l'entreprise unipersonnelle se verra résilié. Le gérant et l'EURL vont demander à la société le paiement d'une indemnité contractuelle de résiliation du contrat, mais la société refuse. Le gérant et l'EURL vont donc l'assigner en justice.
[...] Ainsi, il y a lieu de se demander par quoi la cause peut être remplacée. Sur ce point, la doctrine répond que le procédé de la lésion qualifiée le pourrait. La lésion qualifiée sanctionne les contrats excessivement déséquilibré donc inégaux pour les contractants, en annulant ce contrat ou en le modifiant. Elle pourrait donc remplacer la cause, et c'est d'ailleurs la volonté de l'avant projet de réforme Terré, qui a pour objectif de supprimer la cause pour la remplacer par la lésion qualifiée. [...]
[...] Le gérant et l'EURL vont demander à la société le paiement d'une indemnité contractuelle de résiliation du contrat, mais la société refuse. Le gérant et l'EURL vont donc l'assigner en justice. Cette action fut rejetée par la Cour d'appel de Chambéry le 21 juin 2011. En effet, cette dernière a considéré que la convention passée entre la société et l'EURL n'était autre qu'une délégation des fonctions du gérant vers son entreprise unipersonnelle donc qu'elle faisait double emploi avec les fonctions du dirigeant dans la société, ce qui constituait une absence de cause et entrainait la nullité de la convention. [...]
[...] Un contrat synallagmatique peut-il être annulé en raison d'une cause de l'obligation jugée inutile ? Le contrat conclu entre les deux entreprises était-il privé de cause en raison des fonctions du gérant, qui sont considérées comme faisant double emploi avec les fonctions qui incombaient à ce dernier en tant que dirigeant de l'autre société ? La Cour de cassation, le 23 octobre 2012, va rejeter le pourvoi formé par le gérant et son EURL, car elle estime que les juges du fonds ont fait ressortir que les obligations stipulées à la charge de la société Mécasonic était dépourvue de contrepartie réelle donc qu'ils ont exactement déduit ( ) que la convention litigieuse était dépourvue de cause et devait en conséquence être annulée Cet arrêt est donc intéressant, et il sera d'abord important de voir que la cause objective est un moyen de protéger les contractants contre un déséquilibre structurel Puis nous verrons que cette jurisprudence est importante, mais qu'elle laisse néanmoins la notion de cause dans un avenir incertain (II). [...]
[...] C'est le cas de l'affaire Chronopost du 22 octobre 1996 : c'est grâce à la notion de cause que le Cour de cassation a supprimé ces clauses limitatives de responsabilité qui étaient abusives pour les consommateurs. Une autre illustration de l'effervescence de la cause peut être trouvée dans l'arrêt Point Club Vidéo du 3 juillet 1996 : grâce à la cause, la Cour de cassation a annulé des contrats qui étaient privés d'intérêts dès leur conclusion car leur exécution selon l'économie voulue par les contractants était impossible. [...]
[...] Certains auteurs souhaiteraient que la notion de cause disparaisse peu à peu de notre droit français pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce qu'elle est une notion très complexe, difficile à comprendre, mais ceci est une raison quelque peu légère. Si certains veulent que la cause tende à disparaître, c'est du fait que cette notion est inexistante dans les pays européens les plus importants, donc la France devrait se mettre en harmonie avec la législature européenne afin que son droit rayonne, car cette notion étant compliquée, elle n'est pas très attirante pour les pays voisins. [...]
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