Commentaire d'arrêt, Chambre commerciale, Cour de cassation, 18 septembre 2012, perte de chance de réaliser des gains
Face au silence du législateur, la Cour de cassation définit la perte de chance comme « la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable »
Cette définition jurisprudentielle, n'admettant la réparation de perte de chance que si elle est sérieuse, pose ainsi une conception restrictive de la notion de perte de chance, qui se trouve confirmée par cet arrêt du 18 septembre 2012, de la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En l'espèce, au cours de l'année 2003, deux sociétés ont entamé des négociations, afin de parvenir à la conclusion d'un contrat de sous-traitance portant sur un marché de définition d'une tenue de combat commandée par la délégation générale de l'armement (DGA). Seulement, au bout de deux ans de relations pré-contractuelles, la société qui devait devenir le donneur d'ordre, à la suite de la conclusion du contrat, décide de mettre fin à l'attribution de marché.
La société négociatrice, victime de la rupture, exerce alors une action en réparation vue d'obtenir des Dommages et intérêts suite au préjudice qu'elle a subit.
Dans un arrêt infirmatif du 26 mai 2011, la Cour d'appel de Paris condamne l'auteur de la rupture de négociations pré-contractuelles à réparer le préjudice subi par la victime en lui versant 10 000 000 euros au titre de dommage et intérêt, car elle estime que cette rupture injustifiée des pourparlers a fait perdre à cette dernière « une chance sérieuse d'être désignée en qualité de sous-traitant ».
[...] Ainsi par ce visa, la cour reconnaît que la rupture des pourparlers peut être source de responsabilité contractuelle. (cette solution est admise depuis longtemps par la JP : cf : Com mars 1972 ? JPC 1973, II La société qui a rompu sans raison légitime brutalement ou unilatéralement les pourparlers avancés qu'elle entretenait avec son partenaire qui a déjà, à sa connaissance, engagés de gros frais et qu'elle maintient volontairement dans une incertitude prolongée, manque aux règles de bonne foi dans les relations commerciales et engage ainsi sa responsabilité délictuelle 3/10/1972, Bull civ III 491 p 359 + Com mai 1989, RTD Civ obs Mestre) Cependant, pour être indemnisé, la victime doit prouver que la rupture des pourparlers est constitutive d'une faute : En effet, la réparation du préjudice n'est admise que si la victime rapporte la preuve d'un dommage, d'une faute et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage (article 1382 in fine du C.C) En effet, la jurisprudence actuelle estime que seul les préjudices résultant d'une faute dans la rupture abusive des pourparlers sont réparables, à condition qu'ils soit bien causés par la faute. [...]
[...] En l'espèce, la société Sagem, dans son pourvoi de cassation, a contesté la caractérisation de la faute par la Cour d'appel ainsi que l'indemnisation du préjudice. Seulement la Cour de cassation n'a fait droit à sa demande que sur la question de l'indemnisation du préjudice. En effet elle a partiellement cassé l'arrêt, cela signifie que même si elle refuse d'indemniser la victime du préjudice subit (en cassant l'arrêt de la Cour d'appel), elle reconnaît toutefois que la rupture des pourparlers en l'espèce était fautive. [...]
[...] L'exigence d'une faute causale pour obtenir la réparation des préjudice précontractuels complique donc la tâche à la victime qui a subit des préjudices à l'occasion de la rupture de pourparlers. Ainsi, aujourd'hui le nombre de préjudices réparables suite à la rupture des négociations précontractuelle, s'est fortement réduit. Ainsi en droit positif, on admet seulement 4 cas d'indemnisation: La réparation du préjudice résultant de la perte subie par la victime suite à diverses dépenses inhérentes à la négociation rompue, (ex : frais engendrés par l'intervention d'avocats, d'experts, rédaction d'accords pré contractuels, réalisation d'études préalables) car l'abandon des pourparlers prive de cause ses dépenses, et les rend donc inutiles de par la faute du défendeur. [...]
[...] Stoffel-Munck, Les Obligations, Cujas 464) d'autres (Viney, Mestre) admettait le principe de la réparation de cette perte de chance de tirer profit de la conclusion du contrat, Ils estiment en effet que même si la prolongation des pourparlers ne conduit pas nécessairement à la conclusion du contrat, la rupture des pourparlers quant à elle constitue bien la conséquence de la non conclusion de celui-ci. Cependant ces auteurs admettait l'indemnisation de manière restrictive, puisqu'ils estimaient que pour savoir si ce préjudice pouvait être réparé il fallait tenir compte du degré d'avancement des pourparlers et qu'ainsi c'est en fonction des circonstances concrètes que le juge peut décider si la perspective de gain mérite au moins partiellement d'être prise en considération pour évaluer l'indemnité qui compense la perte de chance (Cf : G. [...]
[...] Fages) CA Rennes avril 1992 ; JPC G 1993, IV, n°1520 CA Lyon, 4/03/1994, Com, 7/04/1998, 20.361 ; JPC E 1999, p 169 Civ 6/01/1998, JCP G 1998, n°10066, note Fages B. CA Versailles, 01/04/1999 ; RJDA 1999, n°1285 + CA Paris, 10/03/2000 JCP E 2001, n°10 p 422 + CA Paris décembre 1998, Bull Joly sociétés 1999, p 470 Com novembre 2003, D.2004 n°869, note A.-S Dupré Dallemagne. Civ 28/06/2006, JCP 2006, II n°10130, ob. [...]
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