Commentaire, arrêt, chambre, commerciale, 20 novembre 1979, propriétaire, interprétation, juge
Cet arrêt de la chambre commerciale du 20 Novembre 1979 se prononce sur la qualification qu'il faut donner à une clause de réserve de propriété intégrée par les parties au contrat. Cette clause est en effet à l'origine d'une controverse doctrinal sur sa qualification.
La société Mecarex a acheté à la société Néochrome une installation fabriquée par la société Nickelage. La société Mecarex s'est bien fait livrer la chose mais ne l'a pas encore payé intégralement. Or un incendie est intervenu dans ses locaux et a détruit l'installation en question. Il faut préciser que dans le contrat de vente liant la société Néochrome et la société Mecarex, il était précisé que la « tout matériel vendu par la société Néochrome restera sa propriété jusqu'au règlement intégral par l'acheteur ».
La cour d'appel, saisie par l'une des parties à décidé, au visa de l'article 1134 du Code Civil, que le risque de la perte de la chose devait être supporté par l'acheteur, ici la société Mecarex, au motif que la clause insérée dans le contrat était une clause résolutoire et donc que le propriétaire était la société Mecarex. Cette dernière s'est pourvue en Cassation.
Il s'agit, pour la cour de Cassation, de déterminer la nature de la clause introduite par le contrat de vente afin d'appréhender le propriétaire au moment de la perte de chose et de lui imputer le risque consécutif à la perte de cette chose.
[...] Le vendeur ne souhaite pas « redevenir » propriétaire mais bien continuer de l'être tant qu'il n'a pas été entièrement payé. L'interprétation de la cour d'appel n'a pas tenu compte de la volonté des parties souhaitant introduire une clause de réserve de propriété, mécanisme très souvent utilisé lorsque le vendeur concède une vente à crédit à l'acheteur. Ce fort pouvoir d'interprétation doit inciter les parties à énoncer le plus clairement possible leur volonté afin que le juge ne puisse s'en détacher et interpréter d'une manière trop éloigné les clauses en question. [...]
[...] La clause introduite par les parties constituerait plutôt un terme suspensif. Ce type de terme diffère l'exécution d'une obligation à l'arrivée d'un terme futur et certain. La condition et le terme suspensif sont deux notions relativement proches qui emportent des effets similaires, c'est pourquoi la confusion persiste entre les deux. Ici, le terme s'applique mieux à la clause car l'événement doit nécessairement être certain, pas forcément dans sa date mais au moins dans son principe. Or, le paiement du prix est un élément certain puisque le contrat oblige le débiteur à le réaliser. [...]
[...] D'ailleurs, la cour de Cassation est venue encadrer le pouvoir d'interprétation des juges du fond. En effet, elle précise que le rôle du juge est de se conforter à la convention des parties. Or la Cour retient que la clause introduite par les parties était « claire et précise » et que la cour d'appel a donc dénaturé la condition. Le juge ne peut utiliser son pouvoir d'appréciation afin de donner des effets juridiques différents de ce que les parties avaient voulu à une clause. [...]
[...] Il faut distinguer tout d'abord les choses de genre et les corps certains. Dans la vente d'un corps certain, le transfert de propriété s'opère dès la conclusion du contrat, c'est-à-dire dès l'échange des consentements. Le propriétaire est donc l'acheteur même s'il n'est pas encore en possession de la chose. En effet, l'obligation pour le vendeur de donner la chose s'opère immédiatement. En revanche, dans la vente d'une chose de genre, celle-ci doit être clairement identifiée avant que le transfert ne s'opère. [...]
[...] Donc par rapport à l'obligation de donner, en cas de condition suspensive, elle sera reportée à l'apparition de l'événement alors qu'en cas de condition résolutoire, elle opérera transfert immédiat de propriété au jour de l'accord des volontés mais celui-ci pourra être annulé rétroactivement si l'événement ne se produit pas. La vente sera considérée comme n'ayant jamais existé et les parties devront procéder à des restitutions. Ces deux conditions définissent donc deux propriétaires différents au même moment. En cas de condition résolutoire, l'obligation de donner est exécutée dès l'échange des consentements. En effet, le transfert de propriété s'effectue en principe solo consensu. [...]
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