Lettre de change, acceptation, provision, obligation cambiaire, action fondamentale, vice cambiaire, vérification du juge
Créée par le droit sous l'influence de la pratique des affaires et des usages, la lettre de change s'avère être un instrument de crédit de grande importance dans la société contemporaine. En effet, celle-ci assure au porteur du titre la sécurité du paiement grâce à deux garanties relevant tant du droit cambiaire que du droit commun : l'obligation cambiaire et l'obligation fondamentale.
Cependant, l'ordonnancement juridique de ces garanties subissent parfois certaines perturbations, comme le montre notamment l'arrêt de la chambre commerciale du 16 janvier 2001.
En l'espèce, une société avait tiré deux lettre de change sur une personne ayant acheté à crédit du matériel agricole, traites créées en vertu de cette vente. Cependant, aux échéances, le tiré refusa de payer ces dernières à la banque, tiers porteur, au motif qu'il n'était pas l'auteur des mentions d'acceptation apposées sur les effets et qu'il s'agissait de faux.
Assigné en paiement, le tiré demanda d'ordonner la vérification de son écriture, prétendant, en produisant des reçus et chèques libellés soit au nom de la société, soit à celui de son employé, que le prix de la vente avait été acquitté.
La Cour d'appel de Rennes, dans un arrêt du 21 mai 1997, condamna le tiré au paiement des deux lettres de change émises par la société ainsi que différentes autres. (...)
Le tiré forma donc un pourvoi en cassation fondé sur deux moyens.(...)
Une question se pose alors : Dans quelle mesure le tiré d'une lettre de change, contestant la signature d'acceptation de cette dernière, peut-il être tenu au paiement de la traite sans que soit vérifier la signature litigieuse ?
La Cour de cassation répondit à cette question dans un arrêt de la chambre commerciale du 16 janvier 2001. En l'espèce, celle-ci déclara qu' « ayant fondé sa décision, non sur l'engagement [du tiré], mais sur le rapport d'obligation fondamentale, ayant prééxisté à la création des effets, la Cour d'appel qui n'était dès lors pas tenue de vérifier la réalité du faux, a[vait] justifié sa décision » au regard des articles L 511-5 et L 511-7 du Code du commerce, 1324 du Code civil et 287 du Nouveau Code de procédure civile.
Énonçant que la banque avait rapporté « la preuve de l'existence de la provision (...) à l'échéance des lettres de changes », cette dernière n'ayant pas été « utilement démenties » par les documents apportés par le tiré, « dont le lien avec la créance alléguée n'était pas prouvé », la Cour d'appel avait donc décidé à bon droit « qu'il appartenait [au tiré] de rapporter la preuve des faits qu'il invoqué à titre d'exception ». Les juges du fond n'avaient donc pas « inversé la charge de la preuve ».
Pour finir, la Cour de cassation déclara que « sous couvert de dénaturation et de violation de la loi, le moyen ne tend en ses deuxième et troisième branches, qu'à discuter la protée d'éléments de preuve, appréciée souverainement par les juges du fond ».
La chambre commerciale, dans cet arrêt du 16 janvier 2001, rejeta donc le pourvoi formé par le tiré, confirmant sa condamnation au paiement des lettres de change par la Cour d'appel de Rennes.
[...] Ces valeurs peuvent être de diverses natures, parlant ainsi de provisions en marchandises (Com février 1981), en effets de commerce, en ouverture de crédit . Mais quelles que soient les valeurs fournies par le tireur, la provision reste une créance de somme d'argent (créance du prix des marchandises, créance de remboursement de l'ouverture de crédit . En l'espèce, le tiré avait commandé du matériel agricole à la société tireur, cette dernière lui ayant vendu à crédit. Le tireur a donc fourni au tiré des valeurs établissant une créance entre les parties, cette dernière portant sur le montant du prix de la vente. [...]
[...] La chambre commerciale, dans cet arrêt de 2001, mis en avant cette nécessaire démonstration et statua notamment sur la question de la charge de la preuve. II. L'action fondamentale, recours de droit commun garantissant le paiement en cas de preuve de l'existence de la provision et l'hypothèse d'ultimes recours pour le tiré Face à un recours cambiaire impossible, le porteur peut néanmoins obtenir le paiement de la traite en prouvant l'existence de la provision à l'échéance Cependant, il existe une ultime possibilité pour le tiré de s'exonérer du paiement en prouvant l'absence d'une telle provision A. [...]
[...] La Cour de cassation répondit à cette question dans un arrêt de la chambre commerciale du 16 janvier 2001. En l'espèce, celle-ci déclara qu' « ayant fondé sa décision, non sur l'engagement [du tiré], mais sur le rapport d'obligation fondamentale, ayant prééxisté à la création des effets, la Cour d'appel qui n'était dès lors pas tenue de vérifier la réalité du faux, a[vait] justifié sa décision » au regard des articles L 511-5 et L 511-7 du Code du commerce du Code civil et 287 du Nouveau Code de procédure civile. [...]
[...] Cependant, reste une dernière possibilité pour le tiré. En effet, ce dernier peut, en ultime recours, engager une action pénale pour faux afin de rechercher la responsabilité délictuelle de l'auteur des signatures pour avoir usé de sa qualité sans titre et l'avoir exposé au paiement des lettres de changes (Com décembre 1997). L'arrêt en l'espèce présente donc l'intérêt de « dénouer avec clarté une confluence factuelle du droit cambiaire du droit commun » (Augustin Boujeka). La cour rappelle ainsi les principes de base gouvernant les rapports entre obligation cambiaire et obligation fondamentale. [...]
[...] La chambre commerciale, dans cet arrêt du 16 janvier 2001, rejeta donc le pourvoi formé par le tiré, confirmant sa condamnation au paiement des lettres de change par la Cour d'appel de Rennes. Coexistant avec l'action cambiaire, l'action fondamentale du porteur peut, en cas d'acceptation viciée, rendre inutile toute vérification par le juge de la mention litigieuse Par la preuve de l'existence de la provision à l'échéance, le porteur pourra ainsi obtenir le paiement de la traite litigieuse, laissant peu de recours au tiré (II). [...]
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