abus de minorité, mandat judiciaire.
Face à la supériorité des forts « il faut compter avec la tyrannie des faibles, ce qui pose le lancinant problème de l'abus de minorité », telles sont les propos de madame Deboissy et messieurs Cozian et Viandier dans leur manuel de droit des sociétés.
Problème d'autant plus réel à la lecture de l'arrêt de principe rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 9 mars 1993 qui est le troisième arrêt de cassation à ce sujet en un peu plus d'un an.
En l'espèce, pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 1er mars 1984, portant à 50000 francs le capital minimum des sociétés à responsabilité limité et imposant à celles ci de procéder à cette augmentation de capital avant le 1er mars 1989 sous peine de dissolution de plein droit, le gérant de la société Alarme Service Electronique a proposé, dans le cadre d'une consultation écrite des associés, une augmentation du capital à hauteur du nouveau minimum légal.
A l'issue de la consultation, l'augmentation de capital a été rejetée faute de majorité qualifiée requise, ce que constate le procès verbal du résultat en date du 24 mai 1985.
De même, le vote de l'augmentation du capital, à hauteur de 500000 francs, lors des assemblées extraordinaires des 4 janvier 1988 et 8 septembre 1988, a été empêché du fait que MM. Joseph et Marcel Flandin, porteurs d'un peu moins de la moitié des parts du capital social, ne se sont pas présentés.
La société Alarme Service Electronique, pour demander l'autorisation d'effectuer l'augmentation de capital envisagée, assigna donc les associes MM.Joseph et Marcel Flandin pour abus de droit de la minorité.
La cour d'appel rendit alors un jugement infirmatif, pour faire droit à la demande de la société appelante, au motif « que M. Flandin avait commis un abus de minorité en s'opposant à l'augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs qui était légalement requise et était nécessaire à la survie de la société » et qu'il avait commis également un abus de minorité puisque « l'augmentation de capital demandée à hauteur de 500000 francs était justifiée par les documents produits, que le silence et l'absence de M. Flandin aux assemblées générales extraordinaires, bloquant une décision nécessaire de façon injustifiée, procédaient par leur caractère systématique d'un dessein de nuire aux majoritaires, et par la même, à l'intérêt social » ; si bien que pour sanctionner cet abus de minorité qu'elle retint en l'espèce la cour d'appel décida « que son arrêt valait adoption de la résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait pu être votée faute de majorité qualifiée ; ».
Un pourvoi fut alors forme par l'associe minoritaire M .Flandin.
Le problème porter devant la Cour de Cassation était double ici, puisqu'il était de savoir d'une part, s'il y avait abus de minorité, et plus précisément de savoir si les éléments constitutifs de l'abus de minorité étaient respectés, et d'autre part de savoir, quelles étaient les sanctions applicables à l'abus de minorité, et en particulier savoir si un jugement pouvait valoir adoption d'une résolution tendant à une augmentation de capital.
La Cour de Cassation répond à ces deux questions par la négative....
Nous essayerons donc d'éclairer les précisions intéressantes apportées par la réponse de la Cour de Cassation dans cet arrêt concernant la notion et la sanction de l'abus de minorité en nous penchant sur les critères strictes relevés par la Cour qui caractérisent l'abus de minorité (1) puis en abordant les conséquences liées à la détermination d'un abus de minorité à savoir donc la sanction de cet abus (2).
[...] Ce critère mis en exergue dans cet arrêt par la notion d'« opération essentielle »est celui de la situation de la société Le rôle essentiel de la situation de la société pour caractériser un abus de minorité : Le critère de la survie de la société. En l'espèce, la Cour de Cassation avait à se prononcer sur deux augmentations de capital, une à hauteur de 50000 francs et l'autre à hauteur de 500000 francs. La Cour de Cassation répond à ces deux demandes de façon différente, distinguant ainsi les deux augmentations de capital. [...]
[...] L'arrêt Flandin quand à lui abandonne ce visa au profit des articles 57 et 60 de la loi du 24 juillet 1966 par crainte d'une immixtion du juge. Cet arrêt consacre donc bien l'interdiction faite au juge de s'immiscer dans la vie de la société par la pratique du jugement valant acte. Néanmoins il va admettre, par la possibilité qu'il donne au juge de recourir à un mandataire judiciaire, une sorte d'immixtion détournée du pouvoir judiciaire dans la vie de la société La possibilité ouverte au juge du mandat judicaire: l'amputation pour les associés minoritaires d'un de leurs droits fondamentaux. [...]
[...] Il s'agit du mandat judiciaire, puisque la Cour de Cassation énonce qu'« il lui (au juge) était possible de designer un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires Ainsi, il est des lors possible au juge d'envoyer un émissaire à sa place, puisque d'après Philippe Merle à ce sujet ce que le juge ne veut pas faire directement, le jugement valant acte, il peut le faire accomplir par un tiers Cette solution (déjà évoque auparavant pour un abus de majorité) apparaît comme judicieuse et adéquate en ce que le recours au mandataire de justice permet d'éviter la paralysie de l'assemblée du fait de l'abstention de l'associé minoritaire. D'après l'arrêt de la Cour de Cassation, le mandataire doit se décider en tenant compte à la fois de l'intérêt sociale et de l'intérêt légitime des minoritaires, ce qui signifie que le juge ne donne pas de mandat de vote impératif au mandataire. Il y a une liberté d'appréciation laissée au mandataire. [...]
[...] De même, le vote de l'augmentation du capital, à hauteur de 500000 francs, lors des assemblées extraordinaires des 4 janvier 1988 et 8 septembre 1988, a été empêché du fait que MM. Joseph et Marcel Flandin, porteurs d'un peu moins de la moitié des parts du capital social, ne se sont pas présentés. La société Alarme Service Electronique, pour demander l'autorisation d'effectuer l'augmentation de capital envisagée, assigna donc les associes MM.Joseph et Marcel Flandin pour abus de droit de la minorité. La cour d'appel rendit alors un jugement infirmatif, pour faire droit à la demande de la société appelante, au motif que M. [...]
[...] La cour d'appel, pour sanctionner l'abus de minorité de M. Flandin, avait retenu que son arrêt vaudrait adoption de la résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait pu être votée faute de majorité qualifiée Attendu que pour sanctionner l'abus de minorité retenu, la cour d'appel a décidé que son arrêt valait adoption de la résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait pu être votée faute de majorité qualifiée La Cour de Cassation répond au visa des articles 57 (l'article 57 proclame dans son alinéa 1 que les décisions sont prises en assemblées et 60 (l'article 60 affirme la compétence des assemblées en matière de modification des statuts) de la loi du 24 juillet 1966, en condamnant le jugement de la cour d'appel valant acte attendu qu'en statuant ainsi alors que le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux légalement compétents qui avait violé ces articles. [...]
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