Par l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, le législateur a voulu offrir à un plus grand nombre la faculté de demander une expertise de gestion.
Néanmoins, cet arrêt du 14 février 2006 semble montrer que la phase préalable à l'instauration d'un expert apparaît comme un obstacle à l'accès à l'information.
En l'espèce, un actionnaire détenteur de plus de 5 % des actions composant le capital d'une société. Il fait assigner la société et le président du conseil d'administration devant le président du tribunal de commerce aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 225-231 du Code de commerce, la désignation d'un expert chargé d'établir un rapport sur diverses opérations de gestion. Une autre société s'est, en sa qualité de liquidateur de l'actionnaire, associée à cette demande.
La société, liquidateur de l'actionnaire, affirme dans la première branche de son moyen que peuvent faire l'objet d'une expertise de gestion, dans un premier temps, les conditions de recouvrement de créances d'une société. Dans sa lettre, l'actionnaire avait dénoncé au président du conseil d'administration que « les retards aberrants dans le suivi des factures clients » mettant la société « dans une position d'inquiétude et d'inconfort ». La société estime que la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du code de commerce en jugeant que ces propos n'équivalaient pas à une question suffisamment précise rendant recevable la demande d'expertise de gestion. Elle estime aussi que la Cour d'appel a dénaturé la lettre de l'actionnaire en violation de l'article 1134 du Code civil.
[...] La Chambre commerciale confirme, en vertu de l'article L. 225-231, l'appréciation souveraine des juges du fond exempte de dénaturation, qui a relevé que dans les courriers adressés à la demande d'expertise, l'actionnaire n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur les actes de gestion clairement identifiés. On verra alors dans une première partie l'exigence posée par la Cour de cassation quant à la précision des questions sur les actes de gestions clairement identifiés puis on verra que cette décision, par ces conditions très strictes de demande d'expertise, constitue un frein à l'accès à l'information (II). [...]
[...] Ainsi, la société considère que la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du code de commerce, et qu'elle a dénaturé ladite lettre en violation de l'article 1134 du Code civil. Enfin, la société fait grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'actionnaire n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés, alors que peut faire l'objet d'une expertise de gestion la convention d'approvisionnement liant deux sociétés, surtout quand le dirigeant est le même. L'actionnaire avait mis dans sa lettre qu' : Doit-on considéré que notre société ne peut s'approvisionner qu'auprès de la société Borehal quels que soient les prix pratiqués par cette dernière ? [...]
[...] Amat n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur des actes de gestion clairement identifiés. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 mars 2003 a précisé que ces modalités devaient être remplies au moment de la phase de question aux dirigeants. En effet, l'interrogation préalable des dirigeants de la société constitue une condition de recevabilité de la saisine du juge des référés. D'après la Cour d'appel, les actes doivent être clairement identifiés. [...]
[...] Sachant qu'il y avait peut être un conflit d'intérêt pour le gérant, il est très surprenant que la Cour de cassation face preuve d'une telle exigence quand à la rédaction des questions. On va maintenant voir que cette décision survient dans un courant de décisions bien défavorable à l'accès à l'expertise de gestion pour un actionnaire minoritaire, ce qui expliquerait ainsi cette décision un peu trop sévère selon moi. B. Une décision inscrite dans un courant jurisprudentiel défavorable En à peine un an, la Cour de cassation a rejeté dans trois arrêts la désignation d'un expert au motif que les conditions de l'article L. 225- 231 n'étaient pas remplies. [...]
[...] Cela n'a pourtant pas empêché la Cour de cassation ne refuser l'expertise de gestion pour un simple défaut de forme correspondant à la rédaction des questions. On comprend qu'elle se méfie qu'un minoritaire se borne à exciper en terme de portée générale et imprécise de l'intérêt social, ce qui lui permettait de remettre en cause à son seul gré, par un véritable abus de minorité, tout acte de gestion, comme l'avais décidé la Cour de cassation le 18 octobre 1994. [...]
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