Droit, tribunal de commerce, voie de fait.
Deux passagers clandestins d'un navire, MM. Ben Salem et Taznaret, tous deux de nationalité marocaine, tentent de débarquer sur le territoire français à l'occasion d'une escale dans un port français. Les autorités françaises prennent à leur encontre une décision de refus d'entrée sur le territoire national et les maintiennent à bord du navire. Par ailleurs, elles disposent sur le quai des forces de police, chargées de s'opposer à toute tentative de débarquement des intéressés.
[Faits et procédure] Ceux-ci et l'entreprise de transport exploitant le navire, contestent devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris cette « consignation» à bord du bateau. Ils souhaitent obtenir du tribunal qu'il fasse injonction à l'administration de les laisser débarquer dans la zone d'attente instituée par l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Le préfet de police de Paris tente de dessaisir l'ordre judiciaire, mais son déclinatoire de compétence est rejeté par la juridiction des référés, qui estime qu'une voie de fait a été commise, justifiant la compétence judiciaire. Le préfet de police élève alors le conflit.
Le Tribunal des conflits examine, pour les rejeter, divers titres possibles de compétence judiciaire, l'article 136 du Code de procédure pénale, l'article 66 de la Constitution et la voie de fait. Ce faisant, il donne une interprétation restrictive de ces dispositions, confirmant sa jurisprudence la plus récente. Son interprétation de l'article 136 reste dans la ligne adoptée depuis qu'il eut pour la première fois à en connaître par l'arrêt Dame de la Murette du 27 mars 1952 (Rec., p. 626 ,. S. 1952, 3, 81, note Grawitz.; D. 1954"p. 291, note Eisenmann ; RD pub!. 1952, p. 757, note M. Waline ,. icr 1952, Il, 7158, note Blaevoet . Rev. adm. 1952, p. 268,note Liet- Veaux ,. GAJA, p. 473 J, bien que l'institution du Code de procédure pénale en 1957 et surtout l'adoption de la Constitution de 1958 aient pu laisser la place à uri éventuel infléchissement. Quant à la notion de voie de fait, l'arrêt raidit également les conditions de son existence en exigeant dans les deux variétés de voie de fait, la voie de fait par manque de droit et la voie de fait par manque de procédure, il n'existe aucun lien avec un pouvoir légal dont dispose l'administration, exigence qui n'était jusqu'alors posée que pour la première variété d'exécution forcée.
[...] La solution adoptée par l'arrêt Préfet de police prive les justiciables des garanties qui s'attachent à la reconnaissance de la voie de fait et à la compétence de l'ordre judiciaire. En cas de voie de fait en effet, le juge judiciaire bénéficie d'une plénitude de juridiction afin de réparer les conséquences de celle-ci, apprécier la légalité des décisions administratives qui sont à son origine et même enjoindre à l'administration d'y mettre fin ou lui interdire de la commettre. C'est d'ailleurs en raison de ces pouvoirs exceptionnels, dérogeant au monopole reconnu au juge administratif pour annuler ou réformer les actes administratifs que le Tribunal des conflits adopte la solution retenue en l'espèce. [...]
[...] adm p note Sorel; GAlA, p. 710) a reconnu valeur constitutionnelle à la règle selon laquelle «relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle La décision du Conseil constitutionnel et les arrêts Clément et Préfet de police de Paris déterminent tous trois la portée de l'article 136 du Code de procédure pénale à la lumière du principe de séparation des pouvoirs posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. [...]
[...] 796; D p note Demichel; lCP 1965, u note Langavant ; Al 1965, p chronique Puybasset et Fournier; Rev. adm p note Bretton) prend certes acte de la modification du texte, mais estime que la disposition, qui déroge au principe de la séparation des pouvoirs posé par la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor de l'an III, doit être interprétée strictement. Il en déduit que les dispositions de l'article 136 du Code de procédure pénale n'attribuent compétence aux tribunaux civils, ni pour se prononcer sur la légalité d'actes administratifs, ni pour interpréter des décisions administratives individuelles. [...]
[...] L'administration peut commettre une voie de fait en exécutant une décision manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir qui lui appartient légalement. L'administration doit être sortie de la sphère de ses attributions. Toute illégalité portant atteinte à une liberté fondamentale ou au droit de propriété n'est pas constitutive d'une voie de fait. La voie de fait est aussi constituée lorsque l'administration procède à l'exécution forcée irrégulière d'une décision, même si celle-ci est légale. L'administration ne dispose pas en effet normalement du pouvoir de procéder à l'exécution forcée de ses actes. Ces mesures doivent être ordonnées ou autorisées par le juge répressif. [...]
[...] L'interprétation fournie par la décision Préfet de police n'apparaît pas incompatible avec les dispositions de l'article 66 de la Constitution. En effet, lorsque l'administration prend une mesure portant atteinte à la liberté individuelle, l'autorité judiciaire est compétente soit en vertu de la loi, si la mesure intervient dans le cadre d'un régime législatif conforme à la Constitution, sans qu'il soit besoin de fonder cette compétence sur l'article 136 du Code de procédure pénale, soit sur le fondement de la théorie de la voie de fait, si l'administration prononce une mesure en dehors de toute habilitation législative. [...]
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