L'interdiction des paiements est l'un des piliers, universels semble-t-il, du droit des faillites.
Ce principe constitue l'expression même du caractère traditionnellement collectif et égalitaire de ces procédures, conçues à l'origine, à seule fin de répartir équitablement la pénurie entre les créanciers d'un débiteur en cessation des paiements.
D'où, l'impératif « gel du passif » pendant la procédure, le paiement des créanciers ne pouvant intervenir que selon les règles de celle-ci et à son issue, une fois leurs créances admises.
D'où également, le cantonnement traditionnel de ces principes aux seuls créanciers chirographaires, les titulaires de sûretés réelles exerçant au contraire librement leur droit de poursuite.
« Principe parfaitement anticoncurrentiel », l'interdiction des paiements et son corollaire, l'interdiction des poursuites individuelles, bloquent, dès l'ouverture de la procédure, de nombreux décaissements.
En accord avec les nouvelles finalités du droit des entreprises en difficulté, le domaine de ces règles s'est considérablement étendu (la loi du 25 janvier 1985 aux créances antérieures assorties de sûretés réelles, celle du 26 juillet 2005, aux créances postérieures répondant à des critères d'utilité pour la procédure collective ou l'activité professionnelle du débiteur).
Il s'agit de «faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif».
L'ouverture d'une procédure collective quelle qu'elle soit entraîne l'interdiction du paiement de certaines créances, ce qui paraît nécessaire dans la mesure où il est préférable que le débiteur qui est dans l'impossibilité de payer ses créanciers n'en paye aucun, les mettant ainsi sur un pied d'égalité.
Cela crée une certaine contradiction dans la mesure où, par nature, le débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde n'est pas en cessation des paiements. On se retrouve ainsi dans une situation où il est demandé à un débiteur qui est encore en état de payer ses dettes, de ne pas le faire.
Le principe d'interdiction des paiements constituant un pilier des procédures collectives, il s'agit à ce titre d'une règle d'ordre public (impérative, dont la violation est sanctionnée par une nullité absolue du paiement effectué). Ce principe régissait traditionnellement les seules créances existant à l'ouverture de la procédure collective.
Cette discrimination faite par le législateur dans la loi du 25 janvier 1985 entre les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs était fondée sur un critère chronologique (temporel). Les créanciers antérieurs ne pouvaient pas être payés durant la procédure, tandis que les créanciers postérieurs devaient l'être, et bénéficiaient d'un privilège.
On estimait ainsi que les créanciers antérieurs, qui avait déjà fourni leurs prestations n'était d'aucune utilité pour le redressement de l'entreprise, et attendaient simplement le règlement de leurs créances, tandis que les créanciers postérieurs, eux, pouvaient s'avérer plus utiles pour le maintien de l'activité.
Le législateur, dans la loi du 26 juillet 2005, a mis en place une distinction plus poussée, en affirmant la conception moderne des procédures collectives qui considère que cette discrimination entre les créanciers est un outil qui permet de maintenir l'activité et sauvegarder l'emploi.
Cette discrimination effectue un classement entre les créanciers en fonction de leur contribution possible aux objectifs des procédures collectives.
Ainsi, soit il apparaît que le créancier peut aider à atteindre ces objectifs, dans ce cas il bénéficiera d'un traitement avantageux, soit il apparaît qu'il n'a rien à apporter à la procédure, et alors, il sera sacrifié sur l'autel du maintien de l'activité.
Le législateur a ainsi remarqué que certains créanciers même postérieurs n'étaient pas utiles au redressement de l'entreprise, et qu'ainsi l'interdiction de paiement pouvait leur être étendue.
On constate donc un aménagement de ce principe d'interdiction par le législateur, principe codifié à l'article L.622-7 du code du commerce qui dispose désormais que «le jugement ouvrant la procédure collective emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée à l'article L 622-17, à l'exception des créances liées aux besoins de la vie courante du débiteur-personne physique et des créances alimentaires».
Ainsi, cet article ne se contente pas d'étendre à la procédure de sauvegarde une disposition prévue pour le redressement, il innove en étendant le domaine de l'interdiction de paiement à certaines créances postérieures.
Au vu des différentes réformes intervenues dans ce domaine, il est donc possible de s'interroger sur la portée réelle du principe d'interdiction des paiements, afin de connaître les créances effectivement visées par l'article L.622-7 du code de commerce.
[...] Par la suite, la jurisprudence a mis en place un mécanisme de compensation judiciaire, qui opérait également une extinction simultanée de deux créances à hauteur de la plus faible, mais qui n'exigeait pas que celles-ci soient liquides et exigibles. La compensation n'était donc pas automatique. Elle devait être demandée au juge. Par un arrêt du 18 janvier 1967, la Cour de cassation a mis en place un mécanisme hybride reprenant les deux jurisprudences antérieures. Ainsi, aujourd'hui, la compensation est automatique (que les créances soient antérieures ou postérieures à l'ouverture de la procédure), et joue même si les créances ne sont pas liquides et exigibles. [...]
[...] Ces créances seront bien évidemment celles qui n'entrent dans le champ d'application de l'article L.622-17. Les créances ainsi exclues du régime de faveur réservé aux créances postérieures jugées utiles sont soumises aux mêmes règles que les créances antérieures et ne peuvent donc plus être payées après l'ouverture de la procédure collective. Si le principe d'interdiction des paiements a été étendu dans son application par le législateur, il connaît cependant certaines exceptions. II. Les exceptions au principe d'interdiction des paiements L'article L.622-7 du code de commerce prévoit dans son premier alinéa deux exceptions au principe d'interdiction des paiements, le paiement par compensation de dettes connexes et le cas des créances alimentaires A. [...]
[...] On peut cependant penser, pour des raisons de cohérence avec l'intention du législateur, que les créanciers alimentaires antérieurs seront assimilés par la jurisprudence à des créanciers postérieurs «méritant». Cela serait en tout cas bienvenu de la part de la jurisprudence française. En réalité, alors que dans le projet initial aucune disposition particulière n'était prévue pour les créances alimentaires, le législateur manifestant par ce silence son approbation de la solution prétorienne, un amendement devant le Sénat a eu pour but de donner une assise légale à cette solution. [...]
[...] Commentaire de l'article L.622-7 du code de commerce PLAN : I. L'interdiction des paiements aux créanciers jugés inutiles à la procédure A. Le gel des créances antérieures au jugement d'ouverture B. Les créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure assimilée aux créances antérieures II. Certaines exceptions au principe d'interdiction des paiements A. Le paiement par compensation de créances connexes B. Le cas des créances alimentaires INTRODUCTION L'interdiction des paiements est l'un des piliers, universels semble-t-il, du droit des faillites. [...]
[...] Le gel des créances antérieures au jugement d'ouverture L'article L.622-7 interdit plein droit» au débiteur de payer «toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture». Cette interdiction a l'avantage à la fois d'assurer un traitement égal des créanciers et d'éviter une sortie de liquidité. Il s'agit d'une règle impérative à laquelle on ne peut déroger. Ainsi, peu importe que le débiteur trouve éventuellement un avantage à ce paiement. L'interdiction est d'autant plus stricte qu'elle fait partie de la conception française de l'ordre public non pas simplement national mais également international. [...]
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