Pierre lombard, "Livres des Sentences", Dist. XXVII, c. 8 et 9, PL 192, 912-913, 1146 - le mariage consensuel

Résumé du document

Au travers du "Livre des Sentences", Pierre Lombard, en réponse à la thèse de Gratien, cherche à fixer la doctrine chrétienne en se basant sur un grand nombre d'autorités, il utilise pour cela la méthode des distinctions pour exposer sous forme d'articles divisés l'ensemble des dogmes. A contrario du résultat escompté son œuvre par sa forme même fut disposée à fournir des occasions de discussion et de recherche. En l'espèce le passage extrait concerne la notion de mariage que Pierre Lombard considère comme consensuel et qui n'a pas besoin d'être consommé pour être considéré comme parfait, contrairement à l'analyse de Gratien, juriste canoniste qui rédigea vers 1440 « Concordia discordantium canonium » appelé le Décret.

En l'occurrence, la question est de savoir à quel moment se forme le lien marital au regard des deux thèses antagonistes présentes dans l'extrait.

Extraits

[...] Pierre lombard, "Livres des Sentences", Dist. XXVII, c et PL 192, 912 le mariage consensuel Le mariage : un enjeu tiraillé par un courant doctrinal canoniste et théologique. Le mariage ou justum matrimonium est une convention qui produit des effets de droit et se distingue des autres unions qui demeurent inconnues du droit romain ou qui ne relèvent pas du jus. Le mariage est l'union de l'homme et de la femme il s'agit donc d'un mariage monogame. La conception du mariage, purement consensuel en droit romain, a au Moyen Age subit l'influence des mœurs barbares qui privilégient la consommation. [...]

[...] La desponsatio correspond à un engagement entre les futurs époux ; mais elle se subdivise en deux selon que la desponsatio porte sur un engagement futur ou présent. Lombard distingue de cette notion deux type de paroles : les verba de futuro et les verba des praesenti . Les premières constituent une promesse de mariage pour l'avenir mais elles ne créent pas le lien matrimonial : l'homme et la femme sont alors appelés les époux mais non des conjoints. Le statut de l'homme et de la femme varie donc selon le type de paroles prononcées. [...]

[...] En l'espèce le terme eux qu'utilise Lombard désigne les canonistes qui comme Gratien estiment que l'engagement en mariage ne fait pas le mariage avant l'union charnelle c'est cette dernière qui le réalise pleinement. Cette thèse reprend la solution de Hincmar de Reims selon lequel le mariage non consommé ne réalise pas le sacramentum et n'emporte donc pas l'indissolubilité. Lombard le théologien s'en tient à la réflexion doctrinale et est moins lié par la solution de Hincmar de Reims. Cet enjeu théologique c'est la nature du lien qui unit Marie la mère de Jésus et son époux Josèphe puisque le mariage entre eux n'a pas été consommé. [...]

[...] L'interprétation de Lombard a été plus tard reprise par le pape Alexandre III cela va permettre de définir la nature juridique du mariage qui est désormais consensuel et se forme par le seul échange de consentement à la fois nécessaire et suffisant. De ce fait le pape rejette le critère de la consommation l'usage du corps de l'autre pour former le mariage comme le sous-entendait Gratien. Cette ‘'consommation'' du mariage n'est désormais considéré que comme la conséquence naturelle du mariage en vue d'avoir des enfants et non dans le but de former le mariage et donc le sacramentum. Ce consensualisme va engendrer certains inconvénients comme celui du mariage clandestin et la preuve de l'existence du mariage. [...]

[...] La distinction globale des deux thèses ayant été abordé il convient de s'intéresser à la valeur des fiançailles en vue du mariage. II / Les fiançailles : étape ou commencement du mariage ? Quelle est la place des fiançailles au regard du mariage le simple échange de consentement est-il un critère suffisant pour caractériser le mariage ? La desponsatio phase déterminante du lien matrimonial Les fiançailles ne sont jamais nécessaires en droit romain pour parvenir au mariage, elles ne constituent qu'une étape facultative qui ne conditionne pas l'existence du mariage. [...]