Question, répartition des biens, union, dissolution, chambre civile, cassation, 8 décembre 1987
Depuis la réforme de 1965, entrée en vigueur le 01 février 1966, les époux sont, par défaut, mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts. Ce régime suppose trois masses de bien : une masse propre pour chaque époux ainsi qu'une masse commune. Se pose, au cours de l'union et lors de sa dissolution, la question de la répartition des biens dans ces masses. Si la nature de certains ne fait aucun doute, le sort d'autres biens peut plus facilement prêter à discussion, comme l'illustre la décision rendue par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 8 décembre 1987.
L'arrêt soumis à notre étude nous invite à nous intéresser au sort d'une concession de conchyliculture lors de la dissolution du régime matrimonial de l'exploitant et de sa compagne.
En l'espèce, Monsieur Y et Madame Z se sont mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts. Au moment de leur divorce, des difficultés surviennent à propos de l'attribution d'une concession des parcs à huîtres. Madame Z, demanderesse, sollicite le partage en nature de la concession, auquel s'oppose le défendeur. Elle souhaite également voir ce dernier condamné pour recel de biens appartenant à la communauté.
Une décision est rendue par les juges du premier degré, et un appel est interjeté. La Cour d'Appel de Montpellier est amenée à se prononcer sur le cas d'espèce en date du 21 janvier 1986.
Au visa de l'article 1404 du Code civil, elle qualifie la concession de bien propre. Par suite, elle refuse le partage en nature de cette concession, mais attribue une récompense à la communauté, à hauteur de 190.000 Francs. En outre, elle rejette la demande en recel de communauté.
Un pourvoi est formé contre cet arrêt par la demanderesse. Pour elle, la concession de conchyliculture n'étant pas incessible, elle ne peut être considérée comme un droit exclusivement attaché à la personne et tombe donc nécessairement dans la communauté.
[...] Au visa de l'article 1404 du Code civil, elle qualifie la concession de bien propre. Par suite, elle refuse le partage en nature de cette concession, mais attribue une récompense à la communauté, à hauteur de 190.000 Francs. En outre, elle rejette la demande en recel de communauté. Un pourvoi est formé contre cet arrêt par la demanderesse. Pour elle, la concession de conchyliculture n'étant pas incessible, elle ne peut être considérée comme un droit exclusivement attaché à la personne et tombe donc nécessairement dans la communauté. [...]
[...] De plus, ce premier attendu de la Cour de cassation semble très pédagogique. On peut ainsi penser que cet arrêt constitue une véritable grille de lecture, à l'attention des juges du fond. La Cour est en effet très pragmatique, détaillant avec minutie l'entier régime des parcs de conchyliculture avant d'en déduire la qualification de ce type de concession. Cette orientation didactique de l'arrêt se comprend lorsqu'on s'intéresse à son contexte. Comme nous l'avons vu, il a été rendu après la réforme du 13 juillet 1965 par laquelle les masses de biens (propres et communs) ont été re-délimitées, la communauté étant privilégiée par le législateur. [...]
[...] La Haute Cour se prononce également sur le critère de la cessibilité. L'ex-épouse, demanderesse, faisait valoir qu'un bien ne peut être personnel que s'il est incessible. Les magistrats rejettent cette position. Ainsi, un bien peut être considéré comme personnel, quand bien même il est cessible, lorsque sa cession est encadrée. En l'espèce, la Cour de cassation fait valoir qu'il est nécessaire d'obtenir une autorisation de l'administration pour céder la concession, ce qui en fait un bien personnel. Ce dernier critère – la cessibilité et son encadrement – est particulièrement intéressant lorsque l'on étudie cet arrêt à l'aune du droit positif, et plus précisément, lorsqu'on le rapproche du courant jurisprudentiel relatif aux clientèles civiles. [...]
[...] Cependant, la Cour de cassation tire une seconde conséquence de l'analyse des caractéristiques de la concession : « et que seule, en l'espèce, la valeur patrimoniale des parcs à huîtres est tombée en communauté ». Or, ce deuxième résultat du raisonnement ne parait pas aussi évident que le premier. Comment admettre que c'est parce qu'un bien n'est cédé qu'avec l'accord de l'administration et répond à un statut particulier que seule sa valeur est commune ? Alors même que la formulation de l'attendu peut laisser penser que le raisonnement de la Cour se tient parfaitement (« qu'il s'ensuit que »), le cheminement intellectuel de la Cour n'est pas si évident. [...]
[...] Cependant, à compter de 1965, le législateur vise expressément ces biens dans le nouvel article 1404 du Code civil, et les qualifie de biens propres. Aussi, pour la majorité des auteurs, la distinction du titre et de la finance n'avait plus lieu d'être, et ce, d'autant plus que les règles de calcul des récompenses, également réformées, permettaient d'obtenir un résultat similaire au régime juridique du titre et de la finance. L'arrêt soumis à notre étude vient donc trancher ce questionnement doctrinal, et se prononce en faveur du maintien de la distinction pour le cas d'espèce Cependant, l'examen de la décision l'aune du droit positif révèle que sa portée va bien au-delà de la seule espèce. [...]
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