Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 26 janvier 2011, qualification du logement familial, procédure de divorce
Le Doyen Jean CARBONNIER pour évoquer le logement de la famille le comparait métaphoriquement à « un nid qu'il convenait de protéger ».
L'arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 26 janvier 2011 s'inscrit dans cette logique. Il est relatif à la notion de logement de la famille et plus précisément à sa qualification durant la procédure de divorce.
En l'espèce, par ordonnance de non-conciliation en date du 17 mars 2000, des époux ont été autorisés à vivre séparément et l'un d'eux s'est vu attribué par le juge aux Affaires familiales, la jouissance d'un appartement constituant le logement familial. Un jugement en date du 12 novembre 2002 a prononcé le divorce des époux, mais ce jugement a été infirmé en Cour d'appel le 10 mars 2003 puis frappé d'un pourvoi en cassation le 3 janvier 2006. Par acte authentique reçu le 12 janvier 2004 par notaire, l'époux bénéficiant de la jouissance du logement familial l'a vendu sans le consentement de son épouse en cours de procédure de divorce. L'épouse assigne donc son conjoint ainsi que le notaire afin d'annuler la vente et le paiement de dommages et intérêts.
[...] Certains auteurs considèrent que la nécessité d'un intérêt actuel requiert que cette action soit utile au demandeur et améliore sa situation[8] Comme l'indique parfaitement cette auteur, l'intérêt à agir découlant de l'article 215 alinéa 3 doit être lié à la protection du logement familial. Dans notre arrêt du 26 Janvier 2011, l'épouse vivait à une autre adresse avec leur enfant, il est donc difficile de démontrer un quelconque intérêt à agir. Cass. 1ère civ mars 2010, n°8-13500 Les régimes matrimoniaux Dalloz - Janine Revel, professeur à l'Université Paris-Ouest Nanterre de la Défense Cass.1ère civ avril 1983 Cass.1ère civ Juin 1985 : D note J.Mouly CA, Aix-en-Provence Février 1982 Cass. [...]
[...] L'acte est valable dès que le consentement est donné, mais ce dernier ne doit pas forcément être préalable. La jurisprudence a eu l'occasion de décider que lorsqu'un époux contracte une dette sans le consentement du conjoint, ce dernier peut la faire annuler s'il peut prouver une fraude concertée entre l'époux débiteur et le créancier[4] En l'espèce, puisque l'immeuble litigieux est considéré comme le logement familial par la Cour de cassation, le consentement de l'épouse était obligatoire. Dès lors la vente de l'immeuble est frappée d'une nullité relative. [...]
[...] La jurisprudence s'est généralement prononcée en ce sens, considérant que Les prescriptions de l'article 215 s'appliquent tant que la séparation de corps ou le divorce ne sont pas prononcées Dans le même sens, la Cour de cassation dans un arrêt du 16 Mai 2000 est venue indiquer que Le logement de la famille ne peut faire l'objet d'un contrat de location ce dernier étant un acte de disposition sans le consentement de l'autre époux tant que le mariage n'est pas dissout[6] La même solution a été retenue concernant un contrat d'assurance[7] L'action en nullité du conjoint, sanction de l'absence de consentement Les effets de l'absence de consentement découlent tout droit de l'article 215 alinéa 3 que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 26 Janvier 2011 : Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ( ) Celle-ci expose en effet que sans le consentement de l'épouse, alors que la dissolution du mariage n'était pas encore intervenue, la vente était nulle en application de l'article 215 alinéa 3. Dès lors l'article 215 alinéa 3 confère à l'époux non consulté, le droit d'intenter une action en nullité. On constate alors que la nullité prononcée par la Cour de cassation est une nullité relative de sorte que seule la personne protégée par cette nullité peut intenter l'action aux fins d'annulation. De même, pour assurer pleinement la protection des droits de l'époux lésé, la nullité opère rétroactivement de sorte que l'acte annulé est censé n'avoir jamais existé. [...]
[...] L'époux vendeur se pourvoit en cassation, soutenant que les prescriptions de l'article 215 du Code civil ne concernent que le logement de la famille et que l'immeuble litigieux ne constituait pas le logement de la famille au sens de cette dernière disposition, l'épouse vivant à une autre adresse avec leur enfant. Lors d'une instance en divorce, comment se traduit l'application de la règle de cogestion imposée par l'article 215 alinéa lorsque l'époux à qui le logement a été attribué provisoirement décide de le vendre ? Le 26 janvier 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi et juge que Le logement de la famille conserve la protection pendant toute la procédure de divorce. [...]
[...] Toutefois, la Cour de cassation soucieuse d'assurer une protection du logement de la famille, nous indique que le logement de la famille ne perd pas cette qualité lorsque sa jouissance a été attribuée, à titre provisoire, à l'un des époux pour la durée de l'instance en divorce Ainsi, le logement de la famille conserve son statut protecteur, quand bien même il aurait été attribué à titre provisoire à l'un des époux pendant l'instance en divorce. La première chambre civile de la Cour de cassation précise néanmoins que cette jouissance reste provisoire. Dès lors, celle-ci ne saurait perdurer une fois le divorce prononcé. [...]
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