Commentaire d'arrêt, CA Douai, 17 novembre 2008, ordre public, époux, mariage
Alors que le début des années 2000 marque une stigmatisation de la communauté musulmane, une nouvelle affaire éclate dans les médias. Fouad X demande l'annulation du mariage formé avec Madame AZ après avoir découvert qu'elle n'était plus vierge. Différentes associations crient au scandale lorsque le TGI de Lille accède à sa demande. Ce type de cas n'est pas nouveau. Déjà en 1862, l'affaire Berthon créait la controverse, mais pour une solution inverse, ce qui montre bien le chemin parcouru depuis. En effet, dans ce cas d'espèce, la Cour de Cassation avait refusé d'annuler le mariage conclu entre la demanderesse et son époux, dont elle n'avait découvert que tardivement le passé pénal. Ne s'agissant pas d'une erreur sur l'identité civile ni physique de la personne, la demande de l'épouse avait été rejetée. La doctrine avait alors largement critiqué la sévérité de la Haute Cour, au point où le législateur était finalement intervenu, en 1975, en intégrant au Code civil l'hypothèse de l'erreur sur les qualités essentielles. Cet ajout a donné lieu à de nombreuses jurisprudences, tel que le cas soumis à notre étude.
[...] Le divorce semble donc en l'espèce la seule porte de sortie du mariage forcé par la décision des juges d'appel. Il apparait donc ici encore que l'ordre public est inhérent au mariage. L'union matrimoniale s'apparente donc plus, dans cette décision, à une institution qu'à un contrat. A travers le cas d'espèce, les juges ont exclu avec une argumentation très étoffée la virginité. Il semblerait donc que ceux-ci aient eu un regard allant bien au-delà du simple cas d'espèce, ce qui peut expliquer la conséquence dommageable de la décision sur le litige soumis à notre étude : un mariage forcé. [...]
[...] Heureusement, la loi Naquet permet de sauver la situation. [...]
[...] Cette expression souligne donc ce que nous allons nous attacher à démontrer au fil de notre raisonnement, à savoir l'omniprésence de l'ordre public qu'introduit cet arrêt dans le mariage. Par ailleurs, l'acquiescement de l'épouse ne peut en aucun cas faire obstacle au recours formé par le ministère public, comme le rappelle les juges du second degré. Le droit lui-même semble donc agencer une certaine suprématie de l'ordre public. B Le contrôle des actions en nullité du mariage par le ministère public ; une prérogative reconnue Le TGI de Lille ayant accepté d'annuler le mariage conclu entre les époux, le ministère public a interjeté appel de ce jugement. [...]
[...] En affirmant cela, la Cour d'Appel met donc en avant l'aspect public du mariage. Il est aisé de reconnaitre que le mariage n'appartient pas qu'à la seule sphère privée. Le Code civil lui-même tangue entre deux conceptions du mariage, l'une contractuelle donc plutôt privée, l'autre institutionnelle donc publique. Si le mariage nait d'une volonté privée de deux époux (antérieurement, de deux familles), cette volonté s'officialise devant un officier d'état civil et de deux témoins (article 75 du Code civil), qui, rappelons le, représentent la République Française. [...]
[...] De nombreux exemples démontrent donc que le mariage n'est pas qu'une affaire privée. Et s'il est admis que la sphère publique intervienne en amont et lors de la célébration de l'union, il est tout à fait logique qu'elle intervienne également dans les cas d'annulation de mariage, qui suppose que des conditions de formation du mariage n'ont pas été respectées. Cependant, ici, le ministère public ne critique pas tant le dispositif du jugement, c'est-à-dire la solution retenue, mais ses motifs. Or, selon l'époux, on ne peut critiquer une décision juridictionnelle que si l'on conteste la solution qu'elle apporte au litige et non pour ses motifs. [...]
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