divorce, virginité, erreur sur les qualités essentielles
La nullité sanctionne l'inobservation d'une condition de formation du mariage et a des effets radicaux dans la mesure où elle entraîne l'anéantissement rétroactif de l'acte.
A l'erreur « dans la personne » admise comme cause de nullité du mariage par l'article 180 du Code civil, la loi du 11 juillet 1975 est venue rajouter l'erreur « sur les qualités essentielles de la personne ». Cependant, en pratique, cette voie reste tout de même assez peu utilisée par rapport à celle du divorce.
Monsieur Fouad X et Madame A se sont mariés le 8 juillet 2006. Le soir de la nuit de noces, l'époux avait découvert que son épouse, pourtant considéré par lui comme « célibataire et chaste » n'était plus vierge. Madame A lui aurait alors raconté une toute autre vie sentimentale antérieure en lui avouant une liaison antérieure, puis aurait quitté le domicile conjugal. Le 26 juillet 2006, Monsieur Fouad X demanda alors la nullité du mariage arguant avoir été trompé sur les qualités essentielles de sa conjointe, à savoir son défaut de virginité. Madame A, qui souhaitait, elle aussi, se désengager au plus vite de cette union, s'était associée à sa demande et tous deux avaient invoqué l'article 180 du Code civil, qui prévoit la nullité du mariage en cas « d'erreur dans la personne ou sur les qualités essentielles de la personne ».
Par un jugement du 10 avril 2008, le Tribunal de grande instance de Lille fit droit à la demande de l'époux au motif que l'on pouvait déduire de l'acquiescement de Madame A à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de Monsieur Fouad X. Le Tribunal de grande instance prononça donc l'annulation du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.
Le Ministère public a alors relevé appel de ce jugement. Par ordonnance du 19 juin 2008, le délégataire du premier président de la cour d'appel de Douai a décidé de suspendre l'exécution provisoire du jugement. En appel, le Ministère public soutenait, d'abord, que l'acquiescement de l'épouse est sans effet car l'état des personnes est indisponible, ensuite, que la virginité de l'épouse ne peut pas être considérée comme une « qualité essentielle », sauf à violer les principes d'égalité homme/femme, de libre disposition de son corps, de dignité et de non-discrimination et, enfin, que le mensonge ne constitue pas en lui-même « la violation d'une qualité essentielle ». Il considère donc plus simplement qu'en considérant que la non virginité de l'épouse est une qualité essentielle comme l'a fait le Tribunal de grande instance, cela porte atteinte à l'ordre public et à ses principes fondamentaux et donc, il veut l'annulation de ce jugement.
L'épouse fit également appel du jugement en demandant toujours l'annulation du mariage mais sur des motifs différents. En effet, elle conteste les motifs invoqués par son mari selon lesquels elle aurait menti sur sa virginité et fait donc une demande en annulation du mariage mais au motif que son mari ait méconnu son « obligation de respect » qui pesait sur lui et qu'il ait ainsi manifesté son défaut de consentement « aux pleins et entiers effets du mariage ».
L'époux, quant à lui conservait ses premières prétentions à savoir le maintien de la nullité du mariage en mettant en avant le « mensonge » et « l'absence de sincérité » de son épouse. Pour lui, ce mensonge démontrait en effet que les époux ne pouvaient pas avoir confiance l'un en l'autre et que la sincérité est donc bien une qualité essentielle. Il avait également invoqué le fait que tout comme son épouse, il appartenait à une communauté dont la tradition veut que l'épouse reste vierge jusqu'au mariage.
Estimant que l'appréciation des qualités essentielles relève du contrôle de l'ordre public, la cour d'appel de Douai déclare l'appel du Ministère public recevable et infirme la décision des juges de première instance.
Il s'agit alors de se demander si, d'une part, la virginité de la future épouse (ou son mensonge sur ce sujet) peut être considéré comme un qualité essentielle déterminante du consentement de l'époux et donc justifier de l'annulation d'un mariage et si, d'autre part, la nature du mariage est d'ordre public?
[...] De plus, compte tenu des volontés respectives des parties, elles pourront très bien opter pour un divorce par consentement mutuel sans qu'elles n'aient besoin d'invoquer aucune cause. La voie du divorce aurait même été plus judicieuse dans la mesure où cela aurait pu leur éviter de rendre publics certains éléments pouvant être considérés comme intime, notamment par Madame A. Mais il possible que cette voie n'ait pas été choisie pour des raisons de convictions religieuses qui leur interdit de recourir au divorce. Dans ce cas, ils pourront alors opter pour la voie de la séparation de corps. [...]
[...] L'exigence selon laquelle la qualité essentielle doit avoir une incidence sur la vie matrimoniale a été rajoutée au texte ce qui aboutit à restreindre considérablement le champ de l'article 180 du Code civil. Mais la cour d'appel, en réalité, a voulu utiliser le caractère objectivement essentielle de la qualité sans la citer (à travers la référence à la vie matrimoniale) ce qui amène alors au raisonnement suivant : aux yeux de la plus grande partie de la population, la virginité d'une femme avant son mariage n'est plus aujourd'hui considérée comme une qualité essentielle car cela n'empêche pas la vie matrimoniale et de fonder une famille, au contraire, par exemple, du mariage avec un époux aliéné ou impuissant (dont le mensonge pourrait donc fonder l'annulation du mariage puisque ces qualités sont considérées comme essentielles). [...]
[...] De plus, elle ajoute que l'appréciation des qualités essentielles au sens de l'article 180 du Code civil relève également du contrôle de l'ordre public dès lors qu'elle ne peut être laissée à la libre disposition des parties. La communication de la cause au Ministère public en première instance et son intervention comme partie jointe suffisent donc à rendre l'appel de celui-ci recevable. L'acquiescement de l'épouse à la demande ne peut d'ailleurs en aucun cas priver le Ministère public de son droit de relever appel. [...]
[...] Pour justifier la position de la cour d'appel il faudrait alors considérer que le silence du Ministère public vaut contestation. Mais alors dans ce cas, le Ministère public n'aurait alors pas eu besoin d'exercer de recours puisqu'il aurait fallu considérer que son silence valait déclaration d'appel. La cour d'appel en en réalité une conception beaucoup plus large pour accepter l'appel du Ministère public car elle considère que le jugement rendu met réellement en jeu les principes de respect de la vie privée, de liberté du mariage et de prohibition des discriminations, principes qui relèvent du droit des personnes et de l'ordre public. [...]
[...] Pour lui, ce mensonge démontrait en effet que les époux ne pouvaient pas avoir confiance l'un en l'autre et que la sincérité est donc bien une qualité essentielle. Il avait également invoqué le fait que tout comme son épouse, il appartenait à une communauté dont la tradition veut que l'épouse reste vierge jusqu'au mariage. Estimant que l'appréciation des qualités essentielles relève du contrôle de l'ordre public, la cour d'appel de Douai déclare l'appel du Ministère public recevable et infirme la décision des juges de première instance. [...]
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