"Entendre tout le monde parler de moi est très difficile [...] Que l'on puisse faire appel du jugement alors que je n'ai rien demandé me révolte. Je voudrais juste pouvoir vivre ma vie normalement". La situation de Madame Y, dont l'époux a demandé l'annulation du mariage quand il a découvert que son épouse n'était plus vierge, a été très médiatisée en France dans la mesure où elle touchait directement au principe constitutionnel de laïcité du mariage en tant qu'institution de la République Française, la virginité étant présentée ici comme une condition religieuse. On a même eu tendance à en écarter les aspects juridiques, leur préférant un débat socio-culturel.
Cependant, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Douai, le 17 novembre 2008, permet à la justice de statuer en seconde instance sur ce que les médias ont appelé « l'affaire de la virginité ».
En l'espèce, Monsieur X. et Madame Y. se sont mariés. Toutefois, Monsieur X. s'est aperçu que son épouse n'était plus vierge.
Il saisit alors le tribunal de grande instance de Lille, engageant à l'encontre de son épouse un action en nullité de mariage sur le fondement de l'article 180 du Code civil qui dispose notamment que « S'il y a erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ». Madame Y ne s'est pas opposée à cette action et l'a même approuvée. Le tribunal de grande instance de Lille a, de cette façon, rendu, le 1er avril 2008, un jugement provisoire prononçant l'annulation du mariage, considérant que la virginité était perçue comme une qualité essentielle déterminante du consentement de Monsieur X. que ce soit par le demandeur comme par la défenderesse. Néanmoins, le Ministère public interjette appel contre ce jugement. Il convient de souligner que cette procédure entraine Madame Y., défenderesse en première instance, à former, automatiquement et contre son gré, un appel incident.
La Cour d'appel de Douai rend le 17 novembre 2008 un arrêt infirmatif. Ce faisant, elle s'oppose à l'annulation du mariage, considérant que la virginité ne peut être présentée juridiquement et objectivement comme un qualité essentielle, même si les deux époux semblent la percevoir comme telle. Les pièces produites par M. X sont également insuffisantes pour confirmer le jugement de première instance. De plus, les moyens apportés par Mme Y, à savoir les violences physiques et morales et les divers manquement aux obligations du mariage, ne permettent pas d'établir avec certitude le manque de « bonne foi » de M. X dans ses intentions matrimoniales
[...] ] Que l'on puisse faire appel du jugement alors que je n'ai rien demandé me révolte. Je voudrais juste pouvoir vivre ma vie normalement". La situation de Madame dont l'époux a demandé l'annulation du mariage quand il a découvert que son épouse n'était plus vierge, a été très médiatisée en France dans la mesure où elle touchait directement au principe constitutionnel de laïcité du mariage en tant qu'institution de la République Française, la virginité étant présentée ici comme une condition religieuse. [...]
[...] Il s'agit de savoir si le mensonge d'un des époux sur sa virginité peut constituer un fondement solide et valable à l'annulation du mariage. En d'autres termes, la virginité, valeur très importante dans certaines cultures matrimoniales, peut-elle être présentée, en droit français, comme une qualité essentielle du consentement au mariage civil ? Plus généralement, le travail d'interprétation des juges concernant l'appréciation de la notion de qualité essentielle du consentement au mariage doit-elle s'orienter vers une approche subjective ou plutôt vers un raisonnement objectif ? [...]
[...] Il faut dire que leurs arguments manquent de cohérence. D'une part, Monsieur X affirme se sentir trahi par le mensonge de son épouse sur la virginité. D'autre part, il avoue une absence de véritable intention matrimoniale. De son coté, Mme Y., qui avait acquiescé l'annulation prononcé en première instance, avance que Monsieur X aurait failli à l'obligation de respect entre les époux, la soumettant à des violences physiques et morales le soir de la nuit de noce. La Cour d'appel reste tout de même sur sa ligne de position, affirmant cependant qu'il s'agit de « manquement aux obligations du mariage ». [...]
[...] L'appel principal est formé par le ministère public. Ce dernier se montre beaucoup moins conciliant que les juges de première instance. En effet, l'arrêt présente un caractère intransigeant. Dans un premier temps, il est rappelé aux époux l'indépendance de la justice dans sa décision, en leur précisant qu'ils « n'ont pas la libre disposition de leurs droits » et que malgré leur accord concernant l'annulation, c'est au seul ordre judiciaire de se prononcer sur l'affaire. Cette mise totale à l'écart des parties est d'autant plus étonnante que l'affaire est ici portée en Cour d'appel, où elle est donc jugée sur le fond et sur la forme, et non en Cour de cassation, où l'affaire n'aurait pas été étudiée en tant que telle mais plutôt par rapport à l'interprétation de la loi par les juges. [...]
[...] Ainsi, la Cour rompt avec l'idée que sont essentielles les qualités qui déterminent le consentement de la personne au mariage, elle restreint ainsi la conception élargie par la loi de 1975.Ainsi, la cour d'appel de Douai semble écarter une conception subjective des qualités essentielles de la personne, et ce au profit d'une conception originale qui suscite des interrogations. Partant du postulat que la vie pré-maritale de l'épouse n'est pas considérée comme une qualité essentielle, quand serait-il de l'épouse ou l'époux qui se livre à la prostitution ou qui a eu une condamnation pénale ? La conception de la Cour d'appel est en fait plus qu'originale : elle est inadaptable. Prononcer l'annulation d'un mariage nécessite que le juge tienne compte des conceptions matrimoniales de chaque époux. Avec un interprétation objective, ce travail est impossible. [...]
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