« En France, la Cour suprême c'est le peuple! » s'emportait le Général de Gaulle, révélant ainsi la méfiance française, empreinte d'une tradition légicentriste rousseauiste ancienne (« loi expression de la volonté générale », art. 6 DDHC), à l'égard d'un juge empêcheur de la volonté majoritaire, d'une justice constitutionnelle dont les décisions empièteraient sur la souveraineté populaire. Le souvenir de l'immixtion des Parlements d'Ancien Régime et des Sénats conservateurs des deux Empires sont toujours prégnants dans la culture socio-politique du pays à l'époque.
Aussi, le Conseil constitutionnel – celui créé en 1958, disposant d'un titre spécial dans la Constitution du 4 octobre 1958 (le titre VII – 7 articles), et d'une ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique relative aux règles d'organisation et de fonctionnement - certes doté d'un certain nombre de prérogatives, n'est pas l'innovation majeure des débuts de la Ve République.
C'est d'abord un arbitre entre les pouvoirs publics: il s'agit de mettre fin « aux déviations du régime parlementaire » pour citer Michel Debré. En 1958, tout concourt à un tel objectif: l'antiparlementarisme d'une large partie de l'opinion alimenté par les scandales politiques de « la République des députés », la défaillance des institutions de 1946 impuissantes à préserver le pouvoir de l'instabilité gouvernementale et enfin la détermination gaulliste de faire du Président de la République la clef de voûte du régime.
[...] Verpeaux, Faut-il carboniser le Conseil constitutionnel AJDA page 121 Site du Conseil constitutionnel : www.conseil-constitutionnel.fr Minutes du Colloque organisé par l'Association française de droit constitutionnel le 6 juin 2008 au Conseil constitutionnel D. [...]
[...] La légitimité du Conseil constitutionnel, sa place et son rôle ne sont toutefois pas complètement consolidés. Le mode de nomination des membres du Conseil par le Président de l'AN par le Président du Sénat et 3 par le PDR) est souvent contesté même si la réforme constitutionnelle introduit l'audition par les commissions parlementaires (LO en cours de discussion). La procédure très écrite, l'absence de publicité, l'interdiction pour un membre d'émettre publiquement une opinion différente ou dissidente le caractère sous-terrain de la procédure vu de l'extérieur sont autant de reproches adressés à l'institution. [...]
[...] JL Debré Néanmoins, l'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité lors de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 redonne au Conseil constitutionnel une place essentielle en créant une proximité inédite entre les justiciables et la norme suprême. Longtemps proposé et envisagé, en 1989 par Robert Badinter et par le Comité Vedel en 1993, le contrôle de constitutionnalité par voie d'exception a finalement vu le jour lors de la dernière révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 61-1 dispose que lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé L'objet ici n'est pas de rappeler dans le détail la procédure décrite dans la LO du 10 décembre 2009 et précisée par la décision du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009 : on peut cependant rappeler le principe de la saisine indirecte, à l'occasion d'un litige devant un juge ordinaire, et un double filtrage par soit le CE soit la Cour de cassation (la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux, la disposition législative en cause est applicable à l'affaire et elle n'a pas été déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et dispositif d'une décision du CC) pour éviter l'encombrement du Conseil et éviter les recours dilatoires. [...]
[...] D'autre part, le Conseil est aujourd'hui reconnu comme un acteur de la régulation du jeu démocratique. Par ses décisions, et la possibilité pour la minorité parlementaire de le saisir, il tend à obliger les majorités successives à éviter les politiques extrêmes, à modérer leurs ambitions partisanes et à ancrer leurs réformes dans l'ordre constitutionnel existant. Alain Richard a parlé de son rôle d'amortissement de l'alternance ; Jacques Toubon dans le même état d'esprit : Le Conseil arrondit les angles de l'alternance électorale Pour l'ancienne majorité devenue opposition, il y a toujours la possibilité de saisine. [...]
[...] - a été amplifiée par les effets de la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 à l'initiative du Président Giscard d'Estaing qui modifie l'article 61 de la Constitution et ouvre le droit de saisine du Conseil à 60 députés ou 60 sénateurs. Cette modification permet donc à une minorité parlementaire de porter une loi devant le Conseil. A noter en outre que le projet de révision initial comportait une seconde disposition : la faculté pour le Conseil de se saisir lui-même des lois qui lui paraîtraient porter atteinte aux libertés publiques garanties par la Constitution Ce fut rejeté par l'opposition et la majorité la peur de voir le Conseil se transformer en une sorte d'organe-tuteur du Parlement prévalant toujours. [...]
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