« Convaincu d'exprimer le sentiment profond du pays, j'ai préconisé pour nos institutions nouvelles un système qui, par la séparation, l'équilibre et l'existence des pouvoirs au-dessus des partis, rendrait l'État capable d'efficience, d'autorité, de continuité, à travers les vicissitudes politiques » (Charles de Gaulle, déclaration du 1er novembre 1946).
Le 20 janvier 1946, devant une assemblée hostile à sa conception régalienne du pouvoir, le général de Gaulle se retire de la scène politique. Il ne marquera son retour qu'en 1958. Premier et dernier homme de la IVème République, il fustige la constitution de 1946 à laquelle la Vème République se veut une réponse aboutie. Car pour de Gaulle, l'oeuvre du constituant de 1946 laisse un fond d'inachevé.
Il est vrai qu'au lendemain du Gouvernement Provisoire de la République adopté par le référendum du 21 octobre 1945, le projet constitutionnel du 26 octobre 1946 marque le retour d'un véritable régime d'assemblée. Cependant, le nouveau système conserve les préoccupations rationalistes de 1945, si bien qu'il semble prononcer la rupture avec l'instabilité de la IIIème République.
Pourtant, moins de 12 ans après son instauration, le régime de 1946 crie à l'agonie. Au travers de vingt-et-un présidents du Conseil successifs, l'instabilité gouvernementale rappelle la IIIème République. L'année 1954 et l'étendue du conflit algérien parachèvent l'affaiblissement du système, si bien que le 1er juin 1958, le retour du général de Gaulle sonne le glas de la IVème République.
Aussi, en quoi les institutions de la IVème République infirment-elles la stabilité gouvernementale voulue par le constituant de 1946 ?
Si l'on considère que la IVème République fut un échec sur ce point, celui-ci tient en la faiblesse du chef de l'État (I), couplée à l'infléchissement des ministres au parlement (II).
I Un président affaibli et limité dans ses attributions
Comme sous la IIIème République, l'exécutif est bicéphale. Mais les compétences du président sont largement limitées. Dans ce système, le gouvernement se veut plutôt l'intermédiaire d'un chef de l'État dépossédé au profit du parlement.
A. Un chef irresponsable et isolé
À l'aube de la IVème République, le chef de l'État souffre de la mauvaise image laissée par le régime de Vichy. Comme conséquence directe, le président perd bon nombre des attributions que la IIIème République lui conférait, en tant que « monarque républicain » (...)
[...] Il compose ensuite le corps ministériel et travaille selon le programme qu'il a soumis aux députés. En théorie, ce principe octroyé par la Constituante de 1946 devait accorder une plus grande autorité et une certaine pérennité au Conseil des ministres, puisque soutenu par l'Assemblée. Mais la IIIème République rattrapa très vite la pratique de l'investiture, puisque dès le premier gouvernement, celui de Paul Ramadier, le président du Conseil demanda une seconde investiture, accompagné de son équipe ministérielle. Finalement, ce fut un échec flagrant, puisque si le président du Conseil, réel chef de l'exécutif, arrivait à franchir le premier scrutin de la chambre des députés, le deuxième vote d'investiture lui était souvent défavorable, à l'image du deuxième gouvernement Henri Queuille, qui ne durera qu'un jour-et-demi en 1950. [...]
[...] Finalement, la seule réelle autorité qui lui est conférée est celle de présenter à l'investiture de l'Assemblée un candidat à la présidence du Conseil, pouvoir d'autant plus marqué que bientôt, la pratique affranchit le président du contreseing ministériel. B. La difficile mise œuvre du droit de dissolution Trop compliqué à mettre en œuvre, bien que la pratique l'ait rendu purement accessoire, le droit de véto reste pourtant le seul réel contre-pouvoir du président de la République. Dans l'esprit du constituant de 1946, il est pourtant garant de la stabilité gouvernementale, dans la mesure où il dissuade l'Assemblée nationale de censurer le gouvernement. Le droit de dissolution reste cependant difficile à exercer. [...]
[...] La responsabilité politique des ministres est donc mise en cause par deux procédures propres à l'Assemblée. La première, la motion de censure, intervient dans le cadre d'une sanction par les députés, le gouvernement étant alors acculé à démissionner. La question de confiance, au contraire, est initiée par le gouvernement, puis après 1954, par le président du Conseil seul, qui a la possibilité de soumettre sa politique à l'appréciation de la chambre. La confiance au gouvernement doit être refusée à la majorité absolue des suffrages, garantie du constituant qui se révèlera vaine, comme en témoigne la succession des vingt-trois gouvernements de 1946 à 1958. [...]
[...] Un chef irresponsable et isolé À l'aube de la IVème République, le chef de l'État souffre de la mauvaise image laissée par le régime de Vichy. Comme conséquence directe, le président perd bon nombre des attributions que la IIIème République lui conférait, en tant que monarque républicain Élu pour sept ans par le Congrès parlementaire, il est d'abord rendu irresponsable, puisque chacun de ses actes suppose la garantie du contreseing ministériel, qui lui enlève toute portée réelle. D'aucun diront qu'à l'instar du monarque de 1791, il préside sans gouverner. [...]
[...] II Des ministres dépendants et assujettis au parlement À côté d'un Chef de l'État limité, l'exécutif reste largement sous l'emprise du parlement, comme le démontre l'instabilité du régime. A. La pratique de la double investiture Consacré au titre 6 de la Constitution, le Conseil des ministres et non le Gouvernement est révélateur de l'abaissement de l'exécutif, qui n'a plus qu'à se réunir et à délibérer, et non à gouverner. Présenté à l'Assemblée nationale par le Chef de l'État, le président du Conseil est investi par elle seule, à la majorité absolue des suffrages. [...]
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