Le rôle du Président de la République apparaît dès le titre II de la Constitution de 1958. Il devient de fait le premier des pouvoirs publics comme le fait remarquer Guy Carcassonne dans son commentaire de la Constitution. L'article 5 qui inaugure l'ensemble des articles relatifs à la fonction présidentielle est ambigu. En effet, cet article définit des devoirs relativement importants sans donner d'autres pouvoirs pour les réaliser que le moyen de l'arbitrage. Cependant, tout président qui ne remplirait pas ces missions serait coupable de manquement aux devoirs de sa charge. Aussi, l'arbitrage est-il essentiel. Mais ce terme d'arbitrage peut avoir deux significations : l'une passive, le président reste au dehors de la sphère politique et exerce une magistrature d'influence ; l'autre active. Or, cette double signification, associée au pouvoir d'interprétation de la Constitution qui appartient au Président de la République, amène à une lecture lato sensu de l'alinéa 2 de l'article 5. Ce qui fait écrire à D.Maus que « la prépondérance présidentielle ne résulta pas uniquement des relations personnelles et politiques qui unissent le président de la République et le gouvernement. Elle trouve son fondement dans l'article 5 de la constitution. » (La constitution jugée par sa pratique. Réflexion pour un bilan in Etudes sur la Constitution de la Ve République, STH 1990, p169).
Comment un article qui n'est pour certains, dans sa forme écrite, qu'une « disposition intrinsèquement sans portée et qui ne prend sens que par les développements dont elle fait l'objet par ailleurs » peut donner la prééminence au Président de la République ?
[...] Ses messages, commentaires et communiqués de presse peuvent grandir sa fonction. Le rôle du Président s'est constamment affirmé depuis 1958. Les communiqués officiels, les contacts avec l'opinion publique se sont accrus. La fonction d'arbitrage n'est pas utilisée d'une façon discrète, elle a donné, par sa pratique, au Président de la République un statut qui le place au dessus des autres pouvoirs publics par l'exercice d'un contrôle suprême de toute la machinerie de l'Etat (Jan-Magnus Jansson, Une comparaison entre la France et la Finlande). [...]
[...] Le président Mitterrand déclare ainsi en 1985 que le président, ne pouvant être censuré par les députés et l'Assemblée nationale, il ne sera en aucun cas un président inerte. Il refuse ainsi le 16 décembre 1987 et le 30 juin 1993 de convoquer le parlement en session extraordinaire malgré la demande qui en a été faite par le Premier Ministre. Aucune disposition constitutionnelle ne légitime le rôle de protecteur des libertés publiques que s'était attribué Valéry Giscard d'Estaing (1977) et celui de défenseur des acquis sociaux de François Mitterrand (1986, 1993). [...]
[...] La mise en œuvre de l'article 16, de l'usage du referendum, du droit de dissolution (art de la convocation du parlement en sessions extraordinaires (art 29) ou des messages aux assemblées, peuvent agir comme une menace ou un moyen d'orienter et de limiter l'action gouvernementale ou parlementaire. L'article 89 qui définit les modalités de la révision constitutionnelle peut également renforcer son rôle de garant de la Constitution, c'est-à- dire de l'esprit, des institutions et de la pratique (De Gaulle) de celle- ci. Cette fonction d'arbitrage, au vu des missions qui lui sont liées, semble également renforcer la prérogative du chef de l'Etat sur la maîtrise du feu nucléaire. L'article 5 n'est cependant pas seulement une ‘annonce globale', une introduction aux pouvoirs énoncés après lui. [...]
[...] Le président de la République n'a pas à arbitrer entre des ministres et même entre des ministres et le Premier Ministre. Le Premier Ministre et les ministres doivent exécuter la politique définie par le président de la République décembre 1981). M. Mitterrand, par cette déclaration, montre le dépassement de la fonction d'arbitrage. Le gouvernement est l'exécutant des volontés présidentielles. Le président n'est plus l'arbitre, mais le capitaine de l'équipe. Bibliographie sélective -Massot Jean, L'arbitre et le capitaine, Paris, Flammarion -Janson J.-M., Le Président de la République : arbitre ou dirigeant ? [...]
[...] La fonction d'arbitrage est entendue au sens où le Président reste neutre, en dehors de toute logique partisane. P.Avril en 1965 définit ainsi le chef de l'Etat parlementaire comme un monarque qui règne, mais ne gouverne pas. C'est un arbitre sportif qui siffle les fautes, remet la balle en jeu et constate le score Cependant, la Constitution de 1958 n'instaure pas un régime parlementaire, mais un régime semi-présidentiel selon l'expression du doyen Vedel et l'Elysée n'abrite point l'arbitre (occasionnel) annoncé à l'article ni l'homme du recours (exceptionnel) mais le détenteur du pouvoir suprême (Y.Guéna) Par les Présidents de la Ve République La fonction présidentielle dérivant de l'interprétation de l'article 5 a souvent été celle définie par le premier président de la Ve République, Charles De Gaulle, notamment lors de sa conférence de presse du 31 janvier 1864 : Suivant ce que prévoit notre Constitution les rôles [ ] : au Président, garant du destin de la France et de celui de la République, chargé, par conséquent, de graves devoirs et disposant de droits étendus La nature, l'étendue, la durée de sa tâche impliquent qu'il ne soit pas absorbé, sans relâche et sans limite, par la conjoncture politique, parlementaire, économique et administrative. [...]
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