Cet article est tiré du numéro 47 de 1997 de la Revue française de science politique. Les travaux de l'auteur, Bastien François, portent sur l'histoire et la sociologie des institutions politiques ainsi que sur les rapports entre le droit et la politique. Il part ici du constat que le Conseil constitutionnel et le contrôle de constitutionnalité font l'objet de nombreux travaux depuis une vingtaine d'années. Il s'agit donc de faire dans une première partie le bilan des études menées par les constitutionnalistes (I) dans le but d'aborder dans les trois parties suivantes des questions actuelles autour du débat sur le contrôle de constitutionnalité :
1. Comment expliquer l'aggiornamento du Conseil constitutionnel ? (II)
2. A-t-il modifié le régime de la Cinquième République ? (II)
3. Assiste-t-on à une « constitutionnalisation » de la vie politique ? (IV)...
[...] Une autre distinction établie par Michel Troper est celle entre une conception juridique et idéaliste de la constitution, par rapport à une autre, réaliste ou mécanique Cette opposition permet de rompre avec cette idée de l'analyse juridique qui part du principe que la permanence de la constitution conduit forcément à la permanence des significations qu'ils lui sont attachées. Cette grille d'analyse permet de comprendre les transformations de la représentation de la Constitution induites par le nouveau rôle attribué au Conseil constitutionnel. Ces différentes conceptions de la constitution sont très étrangères aux catégories juridique de classements des régimes politiques : on ne peut pas inférer d'une conception de la constitution un mode d'organisation des pouvoirs publics. [...]
[...] L'orientation de ces travaux pèse sur les débats actuels et certaines questions sont privilégiées au détriment d'autres. Ainsi les analyses dominantes aujourd'hui insistent sur la technique juridique tandis qu'une analyse plus politique des phénomènes institutionnels est abandonnée. Des zones d'ombres se multiplient, comme la question majeure du processus explicatif de la montée en puissance du Conseil constitutionnel depuis la fin des années 1970. Cela s'explique par une double censure conséquence de la juridicisation de l'analyse, qui conduit à étudier le droit en dehors du contexte social et à prendre la parole des juristes pour argent comptant sans s'interroger sur leur travail. [...]
[...] Le problème de cette analyse est que la répétition des coups politiques s'appuyant sur le Conseil constitutionnel peut, paradoxalement, par le biais d'un travail de rationalisation fait par des professionnels et de l'importance accordée à ce phénomène par les journalistes, accréditer la thèse d'une juridicisation de la vie politique. L'analyse de l'Américain Alec Stone va dans ce sens. Il rompt avec l'hypothèse de séparation des pouvoirs avec d'un côté le politique et de l'autre le juridictionnel et veut intégrer le Conseil constitutionnel dans le processus législatif. Pour cela, il propose le modèle explicatif de la politique constitutionnelle Processus législatif et contrôle de constitutionnalité sont imbriqués et se produisent réciproquement. [...]
[...] On ne peut donc pas déduire de la métamorphose réelle du droit constitutionnel une transformation parallèle de la nature constitutionnelle du régime de la Cinquième République. En revanche, cela n'implique pas que la nouvelle place reconnue au Conseil constitutionnel n'ait pas de conséquences sur la vie politique, au moins au Parlement. III. Le Conseil constitutionnel, le législateur et la constitution Les analyses des constitutionnalistes sur l'influence du Conseil constitutionnel tiennent en deux propositions : Le domaine de compétence du Parlement en matière normative a été considérablement modifié ; Le Conseil a fortement contribué à une constitutionnalisation de l'activité normative des pouvoirs publics et à une juridicisation de la vie politique. [...]
[...] juridicisation du processus législatif (il s'agit de la production par le Conseil d'interprétations de la Constitution et de la réception de ces interprétations par le législateur, qui agit alors comme un juge en interprétant la constitutionnalité des textes législatifs en cours d'élaboration). Ce modèle vise à montrer comment 1 peut produire 2 par l'interdépendance du législateur et du Conseil constitutionnel. Malgré les limites de ce modèle, son principal avantage est de ne pas faire d'hypothèses sur les raisons poussant des hommes politiques à développer des arguments constitutionnels et à s'appuyer sur la jurisprudence du Conseil. Il n'y aurait donc pas de primat de la raison juridique sur la stratégie politique comme explication de la constitutionnalisation de la vie politique. [...]
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