Les vives critiques soulevées par le récent recours à l'article 49-3 (plus justement l'alinéa 3 de l'article 49) par le Gouvernement de M. De Villepin, à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale de la loi sur l'égalité des chances, ont, au-delà de l'objet même de la loi, mis une nouvelle fois en lumière cette clause de la Constitution et le débat qui l'entoure. Conjuguant une utilisation simple à un effet visible et “radical”, l'adoption d'un texte par l'Assemblée sans vote, l'article 49-3 est contesté à la hauteur de sa grande efficacité en tant qu'instrument de domination de l'exécutif sur le législatif, ce en quoi il constitue un bon exemple de disposition du parlementarisme rationnalisé; il l'est également, et plus largement, pour l'usage abusif qui en serait fait, dans un esprit “dénaturé” par rapport à celui qui aurait présidé à sa conception.
Comment la pratique de l'article 49-3, disposition du parlementarisme rationnalisé devant permettre la survie du Gouvernement, en est-elle arrivée à symboliser une certaine impuissance parlementaire, et à être ainsi critiquée?
[...] Plus généralement, l'article 49-3 peut apparaître comme le symbole d'une certaine impuissance du Parlement: en 1967, le Gouvernement de Georges Pompidou y eut ainsi recours pour permettre à son Gouvernement de prendre des ordonnances (ce qui inspirera à Pierre Marcilhacy l'équation: + 49.3 = 16 De là une méfiance des parlementaires vis-à-vis de l'utilisation de l'article 49-3 qui explique que le nombre de ses utilisations soit plus réduit en période de cohabitation, quand le Parlement est seule source de légitimité et seul soutien du Gouvernement. M. Jospin, Premier ministre de 1997 à 2002, s'était ainsi fait une règle de ne jamais s'en servir (à la place de quoi il lui arriva de mettre le poids de sa démission dans la balance, méthode qui fut elle-même critiquée). L'utilisation du 49-3 -bien exploitée par ses détracteurs- est également susceptible de rencontrer un mauvais écho dans l'opinion publique. [...]
[...] Conçu, comme de nombreuses autres dispositions de la Constitution, dans le but d'équilibrer les rapports entre Parlement et Gouvernement, l'article 49- 3 a vu sa portée profondément modifiée par l'émergence du fait majoritaire: pour ses détracteurs, il est symptomatique du déséquilibre nouveau entre les pouvoirs, au profit cette fois de l'Exécutif. Devant les protestations qui ne manquent jamais d'accompagner son utilisation, il faut cependant rappeler qu'un Gouvernement ne transgresse aucune règle en ayant recours à l'article 49-3, pour quelque motif qu'il le fasse: il ne fait qu'utiliser un outil mis à sa disposition par la Constitution, laquelle ne l'accompagne que de peu de conditions. C'est pourquoi la question est à replacer dans celle, plus vaste et de plus en plus fréquemment soulevée, de la réforme des institutions de la République. [...]
[...] Un fonctionnement simple et efficace mis au service du “parlementarisme rationnalisé” L'article 49-3 permet au Gouvernement d'engager sa responsabilité sur le vote d'un texte par l'Assemblée nationale. Le texte est alors considéré comme adopté, sans avoir été soumis au vote des députés, à moins qu'une motion de censure ne soit présentée sous 24 heures et adoptée, dans les conditions de l'alinéa 1 du même article. Dans ce cas, conformément à l'article 50, le Premier ministre doit présenter la démission du Gouvernement au Président de la République. La mise en œuvre de l'article 49-3 est simple. [...]
[...] Bibliographie Charles Debbasch, Jean-Marie Pontier, Jacques Bourdon, Jean-Claude Ricci, Droit constitutionnel et institutions politiques, édition, Economica Guy Carcassonne, La Constitution, édition, Editions du Seuil, coll. Points Bernard Chantebout, Droit constitutionnel, édition, Editions Armand Colin Olivier Duhamel, Le pouvoir politique en France, édition, Editions du Seuil, coll. [...]
[...] Ce pourquoi, si les modalités “techniques” de mise en œuvre de l'article 49-3 n'ont pas varié, ce sont les circonstances de cette utilisation qui, dans le cadre des rapports institutionnels propres aux phases présidentialistes de la République, ont pu évoluer, dans un sens qui n'est pas celui de son esprit originel. Guy Carcassonne distingue ainsi plusieurs étapes dans la “dénaturation” de l'article 49-3: initialement prévu pour pallier une absence de majorité, il fût ensuite et successivement invoqué dans les cas d'étroitesse de la majorité (1967, le parti gaulliste n'atteignant pas seul la majorité absolue), de division de la majorité (1976, R. [...]
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