législateur, conseil constitutionnel, V° République
Avec la pratique que la V° République connaît du contrôle de constitutionnalité, il est douteux que le « juge ne soit [plus que] la bouche de la loi » comme le déclarait Montesquieu en 1748 dans l'Esprit des Lois.
La Constitution Française du 4 octobre 1958 dans ses titres II, V et notamment en son titre VII donne diverses fonctions au Conseil constitutionnel dont le contrôle obligatoire de la conformité à la Constitution des lois organiques avant leur promulgation, des propositions de lois référendaires, des règlements des assemblées parlementaires.
[...] Rivéro, qui cantonne la notion de « gouvernement des juges » aux décisions juridictionnelles prises sur le fondement d'un texte qui n'est plus identifiable, nul ne pourrait soutenir que la France connaît un « gouvernement des juges » puisque les décisions du Conseil se contentent -si l'on peut dire- d'audace et d'une lecture, le plus souvent large des droits et libertés garantis par la Constitution; ainsi la décision 92-325 du 13 aout 1993 Maîtrise de l'Immigration: le Conseil avait déclaré inconstitutionnelles des dispositions d'un projet de loi sur le fondement de l'alinéa 4 du préambule de 1946 qui stipule que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur le territoire de la République »; la cour entendait dire au législateur qu'il ne pouvait pas limiter ce droit mais éventuellement chercher à en garantir une meilleure effectivité, ainsi son dispositif: « [s'agissant] d'un droit fondamental dont la reconnaissance détermine l'exercice par les personnes concernées des libertés et droits reconnus de façon générale aux étrangers résidents sur le territoire par la Constitution, la loi ne peut en règlementer les conditions qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec d'autres règles ou principes de valeurs constitutionnelles ». De plus, les audaces jurisprudentielles vont vers le progrès de l'État de droit et vont dans le sens d'un accroissement des droits pour les justiciables qui n'est plus remis en question que par le Front National. La Nation: le pouvoir constituant. [...]
[...] Ainsi, s'explique la décision du Conseil constitutionnel de 1982 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes et aux mandats électoraux (CC n°82-146 DC du 18 novembre 1982 et CC n° 98-407 DC du 14 janvier 1999), ou plus frappante encore, sa décision relative à l'autorisation de l'avortement (DC n°74-54 du 15 janvier 1975 sur la Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse). Bien qu'opposées aux valeurs traditionnellement défendues par la droite les décisions du conseil pourraient être perçues comme conforme à une lecture normativiste. Le contrôle de constitutionnalité semble pour C. Eisenman n'avoir de légitimité qu'en ce qui concerne le respect des règles formelles de la loi et ce dans une perspective du seul respect de la hiérarchie des normes. Pourtant, l'interprétation comporte une part de création, qui est un acte de volonté comme le soulignent D. Rousseau et A. [...]
[...] l'obligation pour la loi d'être l'expression de la volonté générale entraînant l'impossibilité pour le juge d'être un législateur. Certes les membres de la Haute juridiction ont prouvé leur audace, mais elle n'est en rien comparable à celle des adeptes de la théorie réaliste tels que M. Troper ou D. Rousseau qui en sont réduits, non pas à justifier la jurisprudence des juges par la démocratie mais à redéfinir la démocratie à partir des libertés que prend le Conseil. Ce qui reviendrait à dire que les juges sont des législateurs parce qu'ils tendent à se comporter comme tels. [...]
[...] la théorie réaliste: une justification peu convaincante. Le texte même sur lequel le Conseil devait fonder ses décisions a provoqué un débat: le Conseil devait-il limiter son contrôle de la loi au corps du texte Constitutionnel ou devait-il inclure le Préambule qui lui même renvoie à d'autres textes: la déclaration de 1789, et le préambule de 1946 ( et récemment la Charte de l'environnement de 2004)? Ainsi dans sa jurisprudence de 1971 (Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971 sur la Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association), le Conseil semble s'être lui même et d'autorité déclaré compétent pour statuer sur la conformité d'une loi à ce préambule ce qui étendait par la même son champ de contrôle mais a eu pour effet d'intégrer (dans la pratique) le Préambule de la Constitution à la Constitution. [...]
[...] Il ne s'agit pas d'un constat philosophique de la part des révolutionnaires, l'indicatif en droit vaut impératif, c'est donc une valeur jussive qu'il convient d'attribuer à cet énoncé qui n'aurait aucune raison d'être dans une « déclaration » s'il était purement descriptif. Pourtant, les théoriciens réalistes de l'interprétation n'y voit pas une contrainte stricte mais le prétexte à une redéfinition de la démocratie en prenant pour point de départ « un fait accompli [qu'ils] sont réduits à entériner » comme le souligne A. Viala. Pour M. Troper « il appartient à la [science du droit constitutionnel] d'indiquer quelle est la conception de la démocratie qui est compatible avec l'existence d'un Conseil Constitutionnel ( . ) ». [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture