Président de la Ve République, pouvoirs et responsabilité, irresponsabilité, Constitution de la Ve République, suffrage universel, présidentialisme, système, pouvoirs propres, pouvoirs a contreseing, droit de dissolution, 1962
Le comité Balladur a proposé dans son rapport concernant la modernisation des institutions de la Vème République remis le 29 octobre 2007, entre autres, de modifier l'article 5 de la Constitution relatif au rôle du Président de la République, précisant que celui-ci devrait désormais définir la politique de la nation et non plus le Gouvernement. Cette réforme voulue par l'actuel Président Nicolas Sarkozy bien contraire aux propos du général De Gaulle du 8 août 1958 qui disait que le Président était « un arbitre, n'ayant pas à s'occuper de la conjoncture politique », reflète la pratique présidentialiste de la Vème République ainsi que les idées reçues selon lesquelles l'élection directe du Président le rendrait responsable devant le Peuple et de ce fait assez légitime pour qu'il puisse s'accorder des pouvoirs qui appartiennent traditionnellement au Gouvernement.
En effet, en démocratie, le pouvoir implique la responsabilité. Comme le souligne Mme Cohendet, l'essence même d'un régime parlementaire, c'est que le Gouvernement est puissant parce qu'il est responsable devant l'Assemblée nationale qui peut le renverser à n'importe quel moment. Le Président étant irresponsable et irrévocable, il devrait a priori posséder que des pouvoirs de garant de stabilité politique. Mais que veut en effet dire le terme « responsabilité » ? La « responsabilité » vient du latin « respondere » qui signifie « répondre », il s'agit donc de répondre de ses actes, d'en assumer les conséquences. On distingue la responsabilité politique et non politique. Mme Cohendet précise que la responsabilité politique est « l'obligation d'assumer les conséquences politiques de ses actes accomplis dans le cadre d'une activité politique, à savoir généralement une révocation ou non réélection. Elle se distingue de la responsabilité civile ou pénale ». Bien que cette étude va porter majoritairement sur la responsabilité politique, on va tout de même préciser quelques points concernant la responsabilité non politique des gouvernants.
La responsabilité pénale du Président a été régie par l'article 68-C qui disposait que « Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin publique et à la majorité absolue des membres les composant, il est jugé par la Haute Cour de Justice ». Néanmoins, le manque de clarté de cet article a amené Jacques Chirac à mettre en place un comité, présidé par le professeur Pierre Avril, réfléchissant sur la question de la responsabilité pénale du Chef de l'État. Le rapport Avril présenté le 12 décembre 2002 a largement influencé la loi constitutionnelle du 23 février 2007 modifiant le titre IX de la Constitution. Cette loi confirme l'immunité du Président en matière des actes accomplis dans l'exercice de sa fonction. Cependant, il y a deux nouvelles exceptions à cette règle. La première renvoie aux cas de compétence de la Cour pénale internationale figurant à l'article 53-2 de la Constitution, la deuxième instaure une nouvelle procédure de destitution pouvant être mise en place « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ». Ceci alors remplace l'exception du cas de « haute trahison ». Le Président bénéficie aussi d'une immunité pendant la durée de son mandat pour les faits commis en dehors de l'exercice de ses fonctions ou antérieurement à son élection. La responsabilité pénale reste ambiguë et peut parfois être difficilement distinguée de la responsabilité politique.
Lorsque les citoyens désapprouvent la politique menée par le chef de l'État, dans la plupart du temps, ils ne peuvent qu'attendre la fin de son mandat. Plus le mandat est court, plus le Président devient responsable. Le quinquennat français instauré par la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 a ainsi amplifié la responsabilité du Président. La durée du mandat joue également un rôle important. Le Président devient plus responsable s'il peut renouveler son mandat. Dans le cas français, le Président peut se présenter combien de fois il le souhaite, mais ne peut avoir que deux mandats consécutifs depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 . Durant le mandat, la responsabilité politique du Président est assumée par le Gouvernement. En effet, d'après l'adage « King can do no wrong » (« Le Roi ne peut faire mal »), le Président est irresponsable politiquement. Le gouvernement endosse la responsabilité par les actes de contreseing. Le gouvernement est contrôlé par le Parlement qu'il devrait pouvoir dissoudre comme c'est le cas dans la majorité des régimes parlementaires. Néanmoins, en France, cette faculté revient au Président de la République ce qui déstabilise le régime. Parfois, le Président peut engager sa responsabilité directement devant le Peuple. Il s'agit de la pratique plébiscitaire grâce a laquelle De Gaulle a été obligé de quitter le pouvoir en 1969 n'ayant pas reçu le soutien du Peuple. Un autre élément pouvant mettre en oeuvre la responsabilité politique du Président est la cohabitation. En effet, le Président n'étant plus le leader de la majorité parlementaire, il est obligé de suivre le Gouvernement avec le Premier ministre qui émane de la majorité. Ainsi, en général, il redevient arbitre, le Gouvernement dirigeant la politique nationale tel que le prévoit la Constitution. Certains prétendent que la responsabilité présidentielle est donc mise en jeu à l'occasion des élections législatives, d'autres supposent que le Président est toujours politiquement irresponsable.
La cohabitation a souvent rappelé le lien crucial entre les pouvoirs du Président et sa responsabilité. Si la responsabilité du Président est normalement assumée par le Gouvernement et le Président ne possède que quelques pouvoirs propres, la pratique française a souvent montré que le Président avait tendance à s'accorder des pouvoirs qui ne lui appartenaient pas. On peut observer ce phénomène par exemple durant la IIIème République où le Président Alexandre Millerand voulait gouverner lui-même. Cependant, il était contraint à la démission en 1924 par « une grève des Premiers ministres » organisée par la majorité de l'opposition. Bien que les cohabitations ont aidé à passer d'un régime dualiste à un régime moniste, la France est actuellement le seul pays qui a un régime moniste mais fonctionne dans un système dualiste.
Dans les régimes parlementaires bireprésentatifs de l'UE, dont la France fait partie, les Présidents de la République sont également irresponsables et n'ont en général que des pouvoirs d'arbitre. Ils fonctionnent tous dans un système parlementariste. En effet, si au départ, certains régimes connaissaient des périodes de système présidentialiste, avec la logique parlementaire, les pouvoirs du Président ont au fur et à mesure diminué, d'abord en fait (Autriche), puis en droit (Portugal 1982, Pologne 1997, Finlande 2000). La France fait donc exception. Elle ne fonctionne dans un système parlementariste que pendant les périodes de cohabitation.
Ce sujet nous amène à s'interroger sur le lien entre la responsabilité du Président et de ses pouvoirs. En effet, comment est-il possible qu'en France, le Président se voit parfois attribuer des pouvoirs très importants alors qu'il reste irresponsable? L'élection au suffrage universel lui donne-t-elle la légitimité de diriger la politique nationale et de s'accorder des pouvoirs du Premier ministre?
Le pouvoir implique la responsabilité, ce principe démocratique est-il respecté par le Président de la Vème République?
Nous allons étudier en première partie le Président de la Vème République en tant que arbitre irresponsable d'après la Constitution (I), puis, on verra le Président de la Vème République, un dirigeant puissant en pratique la légitimant par le suffrage universel direct (II).
[...] Ainsi, les pouvoirs soumis à contreseing sont des pouvoirs formels du Président. Il n'a pas de pouvoir de décision pour les actes soumis à contreseing du fait de son irresponsabilité. La compétence réelle en matière des actes soumis à contreseing appartient au Premier ministre. Il s'agit d'un principe démocratique. Si les pouvoirs à contreseing étaient ses pouvoirs réels, il aurait des pouvoirs immenses, et la seule manière de le révoquer serait la non réélection à la fin de son mandat. [...]
[...] Mais les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Il y a donc peu de chances pour que le Président soit condamné. Il y a là encore une régression de la responsabilité car avant, c'était à la majorité absolue. De plus, l'article 68 dispose que seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution. [...]
[...] Le contreseing était alors une condition de leur validité. Le Roi était alors obligé de suivre le principe selon lequel le pouvoir implique responsabilité. S'il était irresponsable, c'était alors aux ministres d'assumer la responsabilité. Selon l'article 19 de la Constitution, tous les actes autres que ceux qui y sont énumérés sont soumis au contreseing du Premier ministre, et, le cas échéant, a celui des ministres responsables. Les ministres endossent la responsabilité des actes de l'exécutif car ils peuvent être révoqués a n'importe quel moment par l'Assemblée contrairement au Président, qui est irrévocable. [...]
[...] L'élection au suffrage universel lui donne-t-elle la légitimité de diriger la politique nationale et de s'accorder des pouvoirs du Premier ministre? Le pouvoir implique la responsabilité, ce principe démocratique est-il respecté par le Président de la Vème République? Nous allons étudier en première partie le Président de la Vème République en tant que arbitre irresponsable d'après la Constitution puis, on verra le Président de la Vème République, un dirigeant puissant en pratique la légitimant par le suffrage universel direct (II). [...]
[...] Il s'agit de la pratique plébiscitaire grâce a laquelle De Gaulle a été obligé de quitter le pouvoir en 1969 n'ayant pas reçu le soutien du Peuple. Un autre élément pouvant mettre en œuvre la responsabilité politique du Président est la cohabitation. En effet, le Président n'étant plus le leader de la majorité parlementaire, il est obligé de suivre le Gouvernement avec le Premier ministre qui émane de la majorité. Ainsi, en général, il redevient arbitre, le Gouvernement dirigeant la politique nationale tel que le prévoit la Constitution. [...]
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