Laïcité - Turquie - France - Droit constitutionnel - Droit comparé
Le président de la République Nicolas SARKOZY exprimait, lors de ses voeux aux français pour l'année 2011, sont attachement à « nos principes républicains les plus chers : la laïcité et le refus du communautarisme ». Il poursuivait en indiquant que « la loi portant interdiction de la burqa sera appliquée dans l'esprit, comme dans la lettre » .
Dès lors s'agissant de la notion française de laïcité telle qu'issue de l'article 1er de la Constitution, cette assertion pourrait surprendre les juristes du fait de l'analyse classique assimilant la laïcité française à la neutralité de l'Etat . Cependant cette assimilation doit être relativisée et interprétée à travers le prisme d'une nouvelle dynamique. En effet cette neutralité n'est pas absolue et ne saurait être de nature à conduire l'Etat à ignorer totalement le fait religieux . Ainsi ce dernier se voit imposer certaines obligations telles que la garantie de l'effectivité pour l'exercice d'un culte . De même l'Etat est nécessairement amené à interagir avec les religions et pour ce faire, il est amené à briser la fiction égalitaire des groupes religieux . Dès lors devant cette multitude d'interactions liant l'Etat et les religions, chacune trahissant la notion de neutralité, il conviendrait d'avantage de parler de tolérance de la part de l'Etat. En outre cette première approche doit être complétée par une seconde. En effet la Cour Européenne des Droits de l'Homme a mis en exergue l'existence d'un contrat social, sorte de projet sociétal, mis en place par l'Etat pour assurer la concorde des citoyens et dépassant largement la définition négative induite par la neutralité de l'Etat .
A l'inverse en Turquie la laïcité qui « s'est beaucoup nourrie du modèle français, se présente sous des aspects très différents » . Ainsi la notion turque de laïcité, telle qu'issue de l'article 2 de la Constitution turque, se révèle être différente en ce qu'elle est tributaire d'un lourd héritage historique. En effet la laïcité a été introduite et imposée par les réformes de Mustafa Kemal ATATÜRK après la première guerre mondiale afin qu'en adoptant les valeurs des vainqueurs, l'empire Ottoman vaincu , ne soit pas marginalisé . Dès lors cet empirisme laïc explique pour partie le particularisme que revêt la laïcité turque du fait de « cette discordance entre d'une part les fondements laïcs d'un Etat qui, au nom de la démocratie, se protège contre l'emprise de l'Islam et, d'autre part, la culture traditionnaliste et musulmane des administrés qui sont, ou se sentent, oppressés par l'application « autoritaire » du principe de laïcité » . Ce clivage existe toujours aujourd'hui entre les partisans de l'actuel parti au pouvoir et l'opposition .
Ainsi il est intéressant de se demander dans quelle mesure la laïcité turque s'exceptionnalise-t-elle de la notion originelle telle qu'entendue dans la patrie de Molière.
Pour ce faire, l'accent sera porté dans un premier temps sur le fait qu'un mimétisme sémantique peut dissimuler un antagonisme conceptuel (I), puis dans un second temps sur les conséquences de la laïcité en Turquie(II).
[...] Au contraire ces réformes témoignent de la capacité du parti au pouvoir de respecter un principe qu'il a longtemps critiqué et donc de son ancrage dans le paysage démocratique. C'est donc vers un lent glissement du modèle turc vers le modèle occidental que s'oriente l'évolution actuelle de laïcité en Turquie. In fine cette évolution, allant dans le sens des recommandations des occidentaux, pourrait peser dans le processus d'adhésion, notamment s'agissant de convaincre la France, principal Etat membre opposé à l'adhésion turque. [...]
[...] C'est pourquoi « la loi du 3 mars 1924 a donné à la Direction des affaires religieuses la possibilité d'encadrer l'islam turc et de le tenir solidement en bride ». Ainsi l'Etat turc ne se limite pas à l'administration formelle de la vie religieuse mais va exercer un contrôle sur le fond des choses en dictant « aux chefs de prière et aux prédicateurs le contenu du message qu'ils doivent [ ] transmettre à la population ». Dès lors devant une telle hégémonie étatique, on voit apparaitre en filigrane la question du créationnisme turc qui demeure un problème sous-jacent de cette laïcité empirique. [...]
[...] Le paradoxe de la laïcité et la politique d'ouverture vers l'ouest C'est au regard de l'intégration de la Turquie à l'Union européenne que la laïcité peut sembler réellement surprenante. En effet dans la tradition kémaliste la laïcité était perçue comme un pont jeté sur le détroit du Bosphore afin de mettre en exergue la culture occidentale de la Turquie. Néanmoins cette marche forcée et cet empirisme laïc étant de nature à faire douter de l'aspect démocratique de la Turquie, c'est d'avantage vers une « laïcité ouverte » que tente aujourd'hui de s'orienter le parti au pouvoir. [...]
[...] Ce clivage existe toujours aujourd'hui entre les partisans de l'actuel parti au pouvoir et l'opposition. Ainsi il est intéressant de se demander dans quelle mesure la laïcité turque s'exceptionnalise-t-elle de la notion originelle telle qu'entendue dans la patrie de Molière. Pour ce faire, l'accent sera porté dans un premier temps sur le fait qu'un mimétisme sémantique peut dissimuler un antagonisme conceptuel puis dans un second temps sur les conséquences de la laïcité en Turquie(II). Un mimétisme sémantique dissimulant un antagonisme conceptuel : genèse d'un particularisme turc Il convient d'observer que sous le terme de laïcité se cachent en réalité différentes conceptions dont on peut dire qu'elles s'opposent d'une part quant au rôle confié à l'Etat et d'autre part du fait de l'importance qui leur est accordée au sein des normes ayant valeur constitutionnelle Une conception intrinsèquement différente du rôle de l'Etat Le rôle de l'Etat turc en matière de laïcité diffère fondamentalement de celui incombant à l'Etat français et dont nous avons brossé le tableau à grands traits dans notre propos introductif. [...]
[...] En sanctionnant une révision constitutionnelle par le biais d'un contrôle stricte de la laïcité, la Cour constitutionnelle turque a dépassé son rôle de « gardienne de la Constitution ». En effet son raisonnement la conduit à se substituer au pouvoir constituant dérivé et les observateurs n'ont pas manqué de dénoncer une décision « aux motifs ridicules » et « antidémocratique ». En outre si les milieux islamistes ont pu parler de « coup d'Etat judiciaire », les libéraux quant à eux n'ont guère été plus satisfait et ont regretté l'absence de conciliation entre les différents droits ayant valeur constitutionnelle. [...]
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