Distinction, souveraineté, nationale, populaire, sens
Dans son article 3, la Constitution française de 1958 dispose que « la Souveraineté nationale appartient au peuple », synthétisant ainsi toute l'ambigüité que présente aujourd'hui la distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire.
Au XVIIIe siècle, la philosophie des Lumières a développé l'idée que la source du pouvoir n'était pas divine et concentrée en la personne d'un seul homme, le monarque, mais était située dans les hommes. Cette idée a permis l'essor d'un système représentatif, dans lequel les gouvernants exercent la souveraineté, un pouvoir suprême qui n'est soumis à aucun autre, et dont ils ne sont pas titulaires. En ce sens, la souveraineté définit les rapports entre gouvernants et gouvernés. L'attribution de cette souveraineté a donné successivement naissance à deux théories opposées : la souveraineté populaire et la souveraineté nationale. La première, développée par Jean-Jacques Rousseau dans Du Contrat Social, prône que le pouvoir suprême appartient au peuple, conçu comme l'ensemble des citoyens vivant sur un territoire donné, qui possèdent chacun une part de la souveraineté. La seconde soutient que la souveraineté appartient à la Nation, une entité abstraite, indivisible, perpétuelle et distincte des individus qui la composent.
La distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire est classique, et trouve son fondement dans la naissance même de ces deux idées : la souveraineté populaire partait du constat que tous les citoyens sont égaux, et se partagent également le droit d'exercer la souveraineté. L'idée de souveraineté nationale, formulée par Sieyès et consacrée par la Révolution Française de 1789, est apparue en réaction à la première théorie, comme un moyen pour la révolution bourgeoise de se protéger de l'ingérence du peuple dans l'exercice du pouvoir. Néanmoins, l'histoire constitutionnelle semble montrer qu'aucune de ces deux théories n'a jamais été appliquée dans tous ses aspects. Les deux théories apparaissent aujourd'hui comme imbriquées, alors même que la souveraineté nationale semble avoir, dans la pratique, montré sa supériorité. Si la distinction classique entre ces deux notions part de constats totalement opposés, sa pertinence semble pourtant mise à mal, notamment à cause de l'évolution des notions de peuple et de nation, et par l'histoire constitutionnelle. Le problème est donc de savoir comment une jonction de fait peut se réaliser entre ces deux concepts, et si elle ne montre pas les limites d'une distinction qui aurait été trop vite posée comme une opposition.
[...] Une opposition théorique des conséquences, absolue et pertinente La distinction montre les fondements d'une opposition théorique toujours pertinente, car elle entraîne des conséquences logiques qui, prises comme un tout, sont inconciliables dans un même système. La souveraineté nationale emporte un refus de la démocratie directe ou semi-directe (la nation est une entité abstraite, sa souveraineté s'exerce par l'intermédiaire de représentants élus : régime représentatif) auquel s'oppose le principe de démocratie directe d la souveraineté nationale (chaque citoyen possède une parcelle de souveraineté, qu'il exerce lui-même en étant consulté sur toutes les décisions à prendre ex. [...]
[...] Aujourd'hui, deux constats sont à faire : d'une part, la souveraineté nationale semble l'avoir emporté. En effet, la souveraineté populaire montre vite des dérives dans la pratique (culte de la loi parfaite expression du peuple, jusqu'en 1958 en France ; dictature de la majorité, qui est l'expression du peuple ; impossibilité de la démocratie directe : la réunion de tout le peuple et sa bonne information n'est possible qu'avec une communauté limitée ; référendum qui devient un plébiscite, particulièrement dans les régimes autoritaires, qui prétendent appliquer la souveraineté populaire) D'autre part, l'opposition dogmatique a résulté, dans la pratique, par une jonction de fait. [...]
[...] GIRAUT Valentine La distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire a-t-elle encore un sens ? Dans son article la Constitution française de 1958 dispose que « la Souveraineté nationale appartient au peuple », synthétisant ainsi toute l'ambigüité que présente aujourd'hui la distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire. Au XVIIIe siècle, la philosophie des Lumières a développé l'idée que la source du pouvoir n'était pas divine et concentrée en la personne d'un seul homme, le monarque, mais était située dans les hommes. [...]
[...] Donc formule vide de sens ? Dans la pratique, l'utilisation de l'art 11 par De Gaulle en 1962, sur la base de l'art qui consacre la démocratie représentative et la démocratie directe, en posant que la parole du peuple prime. Oblige à affirmer l'indivisibilité du peuple français (d'où le refus du « peuple corse » en 1991, mais tout en reconnaissant des « populations d'Outre-mer » : quelle est leur place dans la souveraineté De plus, le Conseil Constitutionnel interprète la souveraineté nationale comme une impossibilité de transfert de la souveraineté, ce qui pose le problème des aliénations et transferts de souveraineté dû au droit international et particulièrement au droit communautaire. [...]
[...] Etant abstraite, la Nation ne peut exercer directement la souveraineté, et doit le faire par le biais de représentants. Le sens moderne de Nation est plus politiquement connoté, en ce qu'elle est la l'origine et la fin de l'Etat. Définir le peuple semble plus aisé, car matériellement plus simple à saisir. Pour Rousseau, ce sont les hommes qui ont passé un Pacte Social, qui acceptent de vivre ensemble. Plus généralement, c'est l'ensemble des individus soumis à un Etat, qui forment sa population et sont soumises à son autorité. [...]
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