Le conseil constitutionnel
[...] Il s'agit dans un premier temps de mettre en lumière la conception initiale des constituants de 1958 qui, souhaitant mettre le Parlement sous contrôle, y voyaient un organe régulateur de l'activité normative des pouvoirs publics ; nous verrons ensuite que le CC s'est désormais imposé de lui-même, dans un contexte favorable, comme l'éminent protecteur des minorités politiques au Parlement, des droits de l'homme et, plus encore, le garant de l'Etat de droit. La politique, aux dires de nombreux observateurs, est définitivement saisie par le droit. [...]
[...] Le seul véritable bénéficiaire de l'élargissement de la compétence législative du Parlement n'est autre que le CC lui-même, car plus il élargit le domaine de la loi, plus il élargit son champ d'intervention. C'est là que réside la véritable révolution juridique Le coup de force jurisprudentiel On l'a compris, au-delà de la volonté de cantonner le Parlement dans son pré carré, le contrôle de constitutionnalité des lois en général n'est pas, en 1958, le souci principal des constituants. C'est pourquoi la saisine du CC est doublement restreinte : seules 4 autorités politiques (le président de la République, les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, le Premier ministre) peuvent le saisir, et ce dans un délai bref, entre le vote et la promulgation de la loi (qui doit intervenir dans les 15 jours). [...]
[...] Ce changement doit bien sûr à des facteurs proprement politiques : la façon dont s'opère la conversion des partis de gauche aux institutions de la Ve République, la banalisation de la geste fondatrice gaullienne ainsi que la stratégie de distinction constitutionnelle qu'adopte Valéry Giscard d'Estaing pour essayer d'asseoir son autorité politique vont conduire à une transformation des modes d'énonciation légitimes de la régulation du jeu politique, valorisant en particulier les arguments constitutionnels. Mais le changement doit aussi à la crise de l'Etat-providence qui frappe tous les pays occidentaux à partir du milieu des années 1970. Elle se traduit en France par une contestation du modèle de régulation publique qui s'était imposé avec la Ve République : de nouvelles conceptions du rôle de l'Etat, plus managériales que planistes, portées par une nouvelle génération de hauts fonctionnaires, valorisent surtout une régulation juridique des affaires publiques. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel Le Conseil constitutionnel est aujourd'hui considéré comme une institution essentielle du régime de la Ve République. Il n'en a pas toujours été ainsi. Institution étrangère à la tradition constitutionnelle française, accusée d'être aux ordres du pouvoir gaulliste Cour suprême de musée Grévin [qui] n'a jamais eu d'autre utilité que de servir de garçon de course au général de Gaulle écrit Mitterrand dans Le Coup d'Etat permanent en 1964), le Conseil a longtemps été perçu comme un organe politique à la légitimité fragile. [...]
[...] Avec la double alternance de 1981 et de 1986, dure et rapprochée, l'institution affirme de façon visible son indépendance à l'égard du pouvoir majoritaire. Exigeant tantôt une juste indemnité pour les actionnaires des entreprises nationalisées, tantôt un juste prix pour les entreprises privatisées, il limitait les réformes de la gauche comme celles de la droite et construisait sa jurisprudence par-delà les critiques et les tumultes. Alors que la grande presse s'intéresse enfin aux décisions du Conseil (lors de la crise du CPE par exemple), l'opinion est passée de l'indifférence à l'approbation ; les politiques, naguère railleurs et critiques de l' institution-croupion s'enflamment désormais pour le modèle français S'il ne se reconnaît pas un pouvoir d'appréciation identique à celui du Parlement, il n'en demeure pas moins que, désormais, la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution (décision du 23 août 1985). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture