En droit français, le statut pénal du chef de l'Etat fait référence à la responsabilité pénale du Président de la République Française en ce qui concerne les infractions qu'il pourrait commettre dans l'exercice de ses fonctions, mais également antérieurement à ses fonctions ou hors de celles-ci.
D'un point de vue médiatique, nous verrons que ce sujet occupe une place importante depuis quelques années et notamment à ce jour puisque l'on vient d'apprendre le renvoi de l'ancien Président Jacques Chirac devant le tribunal correctionnel, celui-ci étant impliqué dans l'affaire des emplois fictifs de la ville de Paris entre 1992 à 1995 donc avant même l'exercice de son mandat présidentiel.
D'un point de vue historique, il a toujours été constant que le président de la République ou le chef de l'exécutif français bénéficie d'une situation dérogatoire.
En effet, le président de la République a toujours été garant de la continuité de l'Etat. S'il faisait l'objet d'une instruction pénale, cette continuité serait remise en cause.
Ainsi, sous la IIIème République, l'article 6 de la loi constitutionnelle de 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics dispose en son article 6 que « le Président de la République n'est responsable que dans les cas de haute trahison » et l'article 9 de la loi constitutionnelle de 1875 relative à l'organisation du Sénat dispose que « le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger le président de la République pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat ».
La Constitution du 27 octobre 1946 établissant la IVème république reprend presque exactement les mêmes termes à l'article 42 : « Le président de la république n'est responsable que dans le cas de haute trahison ».
La Constitution du 4 octobre 1958, article 68 affirme quant à elle que « le président de la république n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison ». Il y a donc une similitude évidente entre ces trois Républiques en ce qui concerne le statut pénal du chef de l'Etat.
Le problème est que contrairement aux IIIème et IVème République, la Vème consacre un rôle beaucoup plus important au président, sinon dans les textes clairement dans les faits. Or, cette disposition constitutionnelle donnait lieu à un manque de clarté évident. Le Conseil Constitutionnel va alors en donner une interprétation en 1999 à l'occasion de l'examen de la conformité du statut de la Cour Pénale Internationale à la Constitution. Mais le juge judiciaire et plus précisément la Cour de Cassation saisie en 2001, quant à un litige mettant en cause le Président Jacques Chirac, va faire part de sa propre interprétation de l'article 68 de la Constitution.
Il s'agira donc de connaître l'interprétation donnée par le juge judiciaire de cette disposition constitutionnelle qui remet en cause l'autorité de la décision du Conseil constitutionnel.
Nous verrons tout d'abord qu'il existe des divergences d'interprétation entre le juge constitutionnel et le juge judiciaire, mais que ces deux décisions aboutissent à une même idée : l'irresponsabilité du Chef de l'Etat.
[...] La contestation de l'autorité de la chose jugée par la Cour de Cassation Dans l'arrêt du 10 octobre 2001, Breisacher, la Cour de Cassation limite le privilège de juridiction du Président au seul cas de « haute trahison ». Ainsi, la responsabilité née des actes accomplis par le président antérieurement à ses fonctions ou en dehors de celles-ci relève de la juridiction judiciaire. Or l'article 62 de la Constitution dispose que : « les décisions du Conseil Constitutionnel s'imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». [...]
[...] La décision du Conseil constitutionnel de 1999 est assez floue : le Président ne peut être jugé que de haute trahison dans l'exercice de ses fonctions mais il ne peut être jugé plus généralement que par la Haute Cour de Justice. Le Conseil Constitutionnel se faisant alors sur l'éventualité des infractions commises « en dehors des fonctions », on doit alors conclure que : La Haute Cour n'est compétente que pour juger de ce qui relève de la Haute Trahison parmi les actes du Président commis dans l'exercice de ses fonctions. [...]
[...] L'affirmation capitale de la suspension de la prescription Dans son arrêt Breisacher de 2001, la Cour de cassation estime qu'en vertu de cette irresponsabilité du Chef de l'Etat pendant son mandat, l'action publique (et la prescription) est suspendue jusqu'à la fin du mandat : ainsi, une demande de convocation est irrecevable. Cependant, elle ne garantit pas l'immunité du Président puisqu'elle estime que dès la fin de son mandat, celui-ci peut comparaître devant le juge judiciaire pour répondre des actes commis hors de ses fonctions ou antérieurement à celles-ci puisque le délai de prescription continuera à courir. [...]
[...] Donc en théorie, la décision du juge constitutionnel s'impose à la Cour de cassation. La Cour va prendre en compte les demandes du requérant pour qui le juge pénal n'est aucunement lié à la décision du juge constitutionnel par l'autorité de la chose jugée et pour qui le Président ne dispose de l'immunité que pour les faits commis après son élection à la tête de la Présidence de la République. En ce qui concerne l'autorité de la chose jugé, le requérant souligne que la position du Conseil Constitutionnel ne concerne que les crimes relevant de la Cour Pénale Internationale (CPI) (génocides, crimes de guerre, crimes contre l'Humanité ) puisque les neufs sages n'étaient appelés à statuer que sur la conformité de l'article 27 du statut de Rome à la Constitution. [...]
[...] Pour preuve, la commission de Pierre Avril instituée en 2002 s'est fortement inspirée de l'arrêt Breisacher afin de mettre en œuvre la réforme du statut pénal du Chef de l'Etat qui a vu le jour en date du 23 Février 2007. Ainsi, l'article 67 alinéa 1 rappelle le principe de l'irresponsabilité pour les actes « non détachables » de la fonction présidentielle, sauf pour les actes constituant des crimes internationaux en vertu de l'article 53-2 et sauf en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat en vertu du nouvel article 68 de la Constitution. [...]
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