La loi constitutionnelle du 03 juin 1958 prévoyait que le projet de constitution, après examen par un Comité Consultatif constitutionnel composé aux deux tiers de parlementaires, serait soumis au Conseil d'Etat. C'est à cette occasion que Michel Debré, Garde des Sceaux du gouvernement dirigé par Charles De Gaulle, et acteur majeur de la rédaction de la nouvelle constitution, prononce devant le Conseil d'Etat un important discours dont est extrait le présent texte.
La présentation que fait Michel Debré est empreinte de sincérité, et il n'y a aucune raison de mettre en cause sa bonne foi, même si l'on peut souligner que sa vision du chef de l'Etat est beaucoup plus « parlementaire » que celle du Général De Gaulle. Quoiqu'il en soit Michel Debré décrit un Président de la République qui n'a pas grand-chose à voir avec ce qu'il est devenu aujourd'hui. En ce qui concerne la fonction présidentielle, Michel Debré souligne qu'il « doit être la clef de voûte de notre régime parlementaire » (I). Quant aux pouvoirs du Président de la République, celui qui allait devenir bientôt le premier Premier ministre de la Cinquième République estime qu'il ne détient lui-même aucun pouvoir, et qu'il « n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir » (II). Sans doute y a t-il une part de naïveté dans l'appréciation de Michel Debré.
Mais quoiqu'il en soit on mesure à la lecture d'un tel discours l'importance des transformations du régime de la Cinquième République, en particulier à partir de la réforme de 1962 sur l'élection populaire du Président de la République.
Le discours de Michel Debré inscrit la Cinquième République dans la tradition parlementaire, mais un parlementarisme « dualiste » dans lequel le président joue un rôle central, celui d'une « clef de voûte » (A) (...)
[...] Dans son discours Michel Debré énumère un certain nombre de pouvoirs présidentiels. Mais l'énumération de ces pouvoirs reste imprécise, ce qui s'explique par le fait que la Constitution n'est pas encore définitivement adoptée. Ce qui retient l'attention, c'est que Michel Debré tend à minorer l'importance de la décision présidentielle dans la mise en œuvre de ces pouvoirs. Par exemple, l'article 52 indique que le Président négocie et ratifie les traités or selon Michel Debré les négociations internationales sont conduites et les traités sont signés au nom du Président, ce qui signifie que le pouvoir agissant en la matière est celui du gouvernement. [...]
[...] Un président aux pouvoirs omnipotents Le discours de Michel Debré n'évoque à aucun moment la distinction pourtant essentielle des pouvoirs propres et des pouvoirs partagés. Par ailleurs, certains pouvoirs évoqués par Michel Debré, tels que le droit de demander une nouvelle délibération de la loi, ou le droit de saisir le Conseil constitutionnel (Michel Debré parle du comité n'ont quasiment jamais été mis en œuvre par le Président. D'autres pouvoirs pourtant essentiels, tels que le pouvoir de nomination, ou encore le pouvoir réglementaire de l'article 13, ne sont pas évoqués. [...]
[...] En utilisant cette métaphore, Michel Debré entendait ainsi affirmer que le Président de la République n'est pas lui-même en charge de conduire la politique nationale, mais que cette fonction revient au Premier ministre et le gouvernement, avec le soutien du Parlement. Il faut comprendre qu'en 1958 la fonction présidentielle reste incertaine. Michel Debré évoque l'hostilité de la tradition républicaine française à l'encontre du Président de la République depuis le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte en 1851. Ainsi qu'il le dit, une certaine conception de la démocratie voit, a priori, dans tout Président de la République, chef de l'État, un danger et une menace pour la République. [...]
[...] Il est, dans notre France où les divisions intestines ont un tel pouvoir sur la scène politique, le juge supérieur de l'intérêt national. À ce titre, il demande, s'il l'estime utile, une deuxième lecture des lois dans le délai de leur promulgation (disposition déjà prévue et qui est désormais classique) il peut également (et ces pouvoirs nouveaux sont d'un intérêt considérable) saisir le Comité constitutionnel s'il a des doutes sur la valeur de la loi au regard de la Constitution. [...]
[...] C'est à cette occasion que Michel Debré, Garde des Sceaux du gouvernement dirigé par Charles De Gaulle, et acteur majeur de la rédaction de la nouvelle constitution, prononce devant le Conseil d'État un important discours dont est extrait le présent texte. La présentation que fait Michel Debré est empreinte de sincérité, et il n'y a aucune raison de mettre en cause sa bonne foi, même si l'on peut souligner que sa vision du chef de l'État est beaucoup plus parlementaire que celle du Général De Gaulle. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture