L'irresponsabilité politique présidentielle
C'est un principe commun à la majorité des textes constitutionnels connus depuis 1791. Depuis que le pays a évolué vers un régime parlementaire l'irresponsabilité politique demeure d'autant plus légitimée, le pouvoir s'y trouvant entre les mains du Parlement et du gouvernement. Ainsi sous les Troisième et Quatrième République le président se limitait à un rôle symbolique de garant de la continuité de l'Etat, hors des tractations partisanes. C'est une vision d'ailleurs toujours effective en Italie et en Allemagne. La constitution de la Cinquième République, tout en perpétuant la tradition parlementaire, vise à restaurer le rôle du chef de l'Etat. Elle lui définit un rôle théorique d'arbitre, de protecteur de la constitution et de représentant de l'Etat. Ce statut à part justifie néanmoins l'irresponsabilité politique, bien que le chef de l'Etat soit nouvellement de doté de pouvoirs discrétionnaires.
L'article 68 de la constitution fait office de référence quand à l'irresponsabilité présidentielle : " le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison ". Auparavant le titre II définit les prérogatives présidentielles. On y trouve donc dans la lignée des régimes précédents des pouvoirs partagés, dont l'application nécessite le contreseing du premier ministre ou bien d'un autre membre du gouvernement selon les cas. Par ce geste ces derniers endossent la responsabilité politique de la décision et c'est donc eux qui doivent en rendre compte devant les députés.
La nouveauté est qu'il possède certains pouvoirs propres, nouveauté introduite par le constituant de 1958, qui ne nécessitent pas de contreseing ministériel. Néanmoins ceux-ci possèdent un caractère " exceptionnel ", c'est à dire qu'ils n'impliquent pas une action continue sur la politique de la nation. Ainsi on peut citer la nomination du premier ministre ( article 8 ), la dissolution de l'Assemblée ( article 12 ) ou bien encore les pleins pouvoirs en cas de danger pour la nation ( article 16 ). Ces prérogatives décisives correspondent bien à l'idée d'un chef de l'Etat garant du bon fonctionnement des institutions et de l'intégrité de l'Etat. La consultation du gouvernement ou du premier ministre est toutefois prévue pour les articles 11, 12 et 16. De plus si par exemple l'article 16 fait l'objet de débats légitimes dans un pays à tradition méfiante vis à vis de l'exécutif, il prohibe toute dissolution afin de préserver la séparation des pouvoirs.
La constitution de 1958 confirme l'irresponsabilité du président de la République sur le plan politique, car malgré l'évolution de ses prérogatives le rôle central de l'exécutif est en théorie dévolu au gouvernement alors seul responsable. Dans le même esprit en tant que chef de l'Etat il est aussi irresponsable sur le plan pénal.
Sa responsabilité pénale est plutôt confuse Toutes les constitutions françaises ont adopté des dispositions relatives à la responsabilité pénale des dirigeants assurant ceux-ci d'un régime dérogatoire hors du droit commun. Néanmoins celle de la Ve République témoigne d'une responsabilité pénale plutôt confuse notamment pour le chef de l'Etat, caractérisée dans les articles 67 et 68. Le Président de la République n'est responsable pénalement des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique à la majorité de ses membres; il est jugé par la Haute Cour de Justice, « composée de membres élus en leur sein et en nombre égal par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, après chaque renouvellement général ou partiel de ces assemblées ». Chaque assemblée doit élire 12 juges titulaires et 6 juges suppléants, conformément au principe d'égalité entre les deux Chambres. La Haute Cour a un caractère très politique puisqu'elle est composée uniquement de parlementaires dont on peut craindre la partialité et le manque d'objectivité même si l'on peut voir dans l'organisation de ce système juridictionnel et pénal une volonté d'équilibre. Le chef de l'Etat peut également être poursuivi pour des actes commis hors du cadre de sa fonction ou avant son élection. Ils engagent sa responsabilité civile ou pénale devant les juridictions de droit commun qui se reconnaissent comme étant compétentes bien que le texte n'indique pas explicitement sa responsabilité pour les faits extérieurs à ses fonctions. Guy Carcassonne relevait la difficulté de tracer les frontières entre les actes qui relèvent de la fonction et les autres. Cette absence a pour fin de mettre en valeur la situation spéciale de l'irresponsabilité pénale du Président de la République, pour préserver la fonction présidentielle de toute perturbation et par là la défense des intérêts de la Nation, tout en ne violant pas les principes d'égalité des citoyens devant la Justice et la séparation des pouvoirs.
Cependant le contrôle pénal demeure très imparfait. La définition de la seule incrimination pour laquelle Haute Cour de justice peut être saisie, la notion de haute trahison, n'a jamais été clairement définie tout comme la sanction éventuellement applicable Ce problème est ancien. L'appréciation est laissée à la Haute Cour affranchie du droit pénal commun. Son appréciation sera discrétionnaire. La haute trahison est parfois dénoncée comme la violation ou la tentative de violation de l'ordre constitutionnel. Notre histoire constitutionnelle permet d'y voir soit un manquement grave aux devoirs de la charge présidentielle et au respect de la Constitution, soit une atteinte aux intérêts supérieurs du pays. Marcel Prélot va plus loin en affirmant que la haute trahison peut « intervenir dans le cas concret d'un différend grave entre le Parlement et le président. » C'est pourquoi certains ont songé à traduire devant la Haute Cour de justice un Président de la République refusant de se démettre en cas de cohabitation. Le caractère politique de la haute cour de justice est donc très marqué.
[...] Elle permet tous les règlements de comptes, tous les coups bas et contribue à la dégradation du climat politique. En second lieu, cette politisation rend l'action pénale le plus souvent inefficace et l'empêche de produire ses effets. En troisième lieu, la société actuelle tend de plus en plus à instaurer le contentieux comme un mode ordinaire de gestion des rapports sociaux. Dès lors, il importe que le besoin de justice, les exigences égalitaires et la demande d'identification des responsables qui s'expriment dans l'opinion publique, puissent être satisfaits sur le terrain juridictionnel. [...]
[...] Depuis 1958, aucune procédure n'a été engagée contre le président de la République. L'exigence d'un vote identique à la majorité absolue des membres composant les deux assemblées rend politiquement très théorique la mise en accusation d'un Président de la République du fait de l'existence du fait majoritaire. Ainsi en 1962, le président du Sénat, Gaston Monnerville, avait bien accusé le général de Gaulle de forfaiture pour violation de la constitution. Mais avec le succès du référendum du 28 octobre et la victoire des gaullistes aux élections législatives de novembre les choses en sont restées là. [...]
[...] Le caractère politique de la haute cour de justice est donc très marqué. II) Une responsabilité inadaptée à l'évolution du régime La tendance présidentialiste du régime remet en cause l'irresponsabilité du chef de l'Etat Le pouvoir entraîne la responsabilité. Si ce principe est respecté de façon cohérente dans la constitution, l'évolution du système politique français met en évidence certains paradoxes quant à la situation du chef de l'Etat. De ce constat naît un débat régulièrement renouvelé mais qui n'a pas pour autant transformé la situation, tous les présidents se sont d'ailleurs accommodés de ce statut. [...]
[...] Cette absence a pour fin de mettre en valeur la situation spéciale de l'irresponsabilité pénale du Président de la République, pour préserver la fonction présidentielle de toute perturbation et par là la défense des intérêts de la Nation, tout en ne violant pas les principes d'égalité des citoyens devant la Justice et la séparation des pouvoirs. Cependant le contrôle pénal demeure très imparfait. La définition de la seule incrimination pour laquelle Haute Cour de justice peut être saisie, la notion de haute trahison, n'a jamais été clairement définie tout comme la sanction éventuellement applicable Ce problème est ancien. L'appréciation est laissée à la Haute Cour affranchie du droit pénal commun. Son appréciation sera discrétionnaire. La haute trahison est parfois dénoncée comme la violation ou la tentative de violation de l'ordre constitutionnel. [...]
[...] Il n'en fut rien et Mitterrand inaugura à cette occasion la pratique de la cohabitation, qu'il reprendra en 1993 malgré une défaite encore plus sévère. La contrepartie étant qu'il dût, comme Chirac entre 1997 et 2002, accepter un retour à la lettre de la constitution. Les résultats électoraux ne peuvent donc pas remettre en cause la position du président de la République, aucune autre solution n'étant non plus élaborée dans ce sens. Seul le cas de haute trahison serait une cause de départ du chef d'Etat. [...]
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