Juge pouvoir gouvernement
C'est la mode aujourd'hui, tout comme à l'époque de l'ancien Régime et de la Révolution française, de vitupérer contre un hypothétique pouvoir des juges. Les souvenirs brûlants de cette époque, qui avait voulu limiter le pouvoir des juges à la seule et stricte application des lois, du droit, sont encore vifs. Les politiciens, tel Robespierre, craignant une opposition politique de la magistrature, ont tout fait pour réduire l'influence du juge et du pouvoir judiciaire. Plus de deux siècles plus tard, on s'accorde sur une certaine montée en puissance du pouvoir judiciaires, et plus particulièrement des juges. Les attaques viennent principalement d'hommes politiques, soit qu'ils craignent que la Justice ne leur reconnaisse une quelconque immunité judiciaire à laquelle ils n'ont absolument aucun droit, les traitant ainsi comme tout autre citoyen, soit qu'ils défendent une infime parcelle de leurs pouvoirs. L'ancien Garde des Sceaux, Alain Peyrefitte, considérait, que tous les responsables politiques devaient, alors, oeuvrer, à rendre « son crédit à la Justice ». Dans une démocratie désormais en crise, un "tiers pouvoir" serait né, identifié comme étant celui des juges, placé entre le peuple souverain et ses représentants élus. Les affaires politico-financières de notre temps mettent en lumière un début d'indépendance des magistrats par rapport au pouvoir exécutif, alors que jusqu'ici l'histoire témoignait plutôt d'une certaine timidité de la part de la justice en la matière. François Terré considère, qu'il n'y a pas lieu d'évoquer un « pouvoir des juges », même si, dans l'opinion publique, c'est renforcée l'idée selon laquelle de simple autorité la justice serait devenue un réel pouvoir. Ce constat soulève d'emblée une crainte, celle d'un "gouvernement des juges", où le juge, sans aucune légitimité démocratique, exercerait tyranniquement son pouvoir. En France cette ascension est bien réelle, favorisée par un développement exponentiel du contentieux, ainsi : "la société se judiciarise". Le juge est devenu un "juge à tout faire" (J.D. Bredin). Mais pourquoi alors la Justice ne fut-elle pas érigée, ici, en un pouvoir rigoureusement séparé des pouvoir législatif et exécutif, comme c'est actuellement le cas dans les démocraties de type anglo-saxonnes ? Pourquoi ne dispose-t-elle pas, chez nous, de cette redoutable puissance de recours, qui lui confère ailleurs une indépendance presque absolue ? Pour répondre à ces questions nous étudierons sous deux grand axes, quels sont les facteurs qui tendent à démontré un accroissement de l'autorité du juge, mais en quoi cette montée en puissance demeure, aujourd'hui, encore inachevée.
[...] Le jugement est donc censé s'imposer de lui- même aux juges. Cette méthode est donc l'expression la plus achevée d'un processus entièrement déductif. Selon cette conception classique de l'office du juge, celui-ci reçoit deux prémisses, et doit appliquer la loi, et en aucun cas dire le droit. Mais nul n'ignore, qu'une décision entièrement différente aurait pu être motivée, et prétendre, appliquer le droit, avec une égale vraisemblance. Sur le plan du droit, les juges ne peuvent être cantonnés à la seule et stricte application de la loi. [...]
[...] Le pouvoir du juge s'est accru avec la juridicisation de la société. C'est cette évolution qui rend indispensable une certaine redéfinition des prérogatives, de la responsabilité et de la légitimité des juges. La classe politique, arguant un hypothétique gouvernement des juges, se plaint en réalité de la rigueur des juges à son égard. Mais n'oublions pas que ce contrôle est réciproque puisque, le juge se heurte tout autant aux résistances du politique. C'est de cette façon que s'établit un véritable équilibre entre tous les pouvoirs, chacun constituant une garantie contre les dérives de l'autre. [...]
[...] Nous devons nous garder de tout stéréotype. Il conviendra donc de s'interroger sur les causes profondes de l'inachèvement de la montée du juge, après avoir apporté un éclairage nuancé sur cette montée. II. Les causes de l'inachèvement de la puissance des juges : Dans cette partie nous étudierons deux grandes questions, celles de l'indépendance de la justice, puis celle de la responsabilité des juges. A. Entre indépendance et interdépendance, une justice écartelée. En Franc, cette indépendance est due à la création, notamment, du Conseil Supérieur de la Magistrature et aux réformes successives qui, en plus d'accordé toujours plus d'indépendance aux juges, ont accru progressivement le pouvoir du juge d'instruction : qui détient le pouvoir de mise en examen, de placement ou de détention immédiate. [...]
[...] Ce sont donc précisément cet effet de contrepouvoir, que redoutent certains milieux politiques. En particulier lorsque la Justice, combat la corruption, comme ce fut le cas en Italie, lors de l'opération Manupulite Certes l'institution judiciaire a besoin de l'organe exécutif affin d'appliquer ses décisions. Mais il en va de même pour l'exécutif, qui a besoin de la Justice afin de légitimer et de rendre exécutoires ses décisions. Tout comme le législatif a besoin de l'exécutif et de l'institution judiciaire afin de mettre en pratique les lois qu'il a votées. [...]
[...] La période du gouvernement de Vichy présente alors un cas d'école sur ce plan. L'ensemble de la magistrature a surement acceptée et servi le régime du maréchal Pétain et probablement participé à la répression des résistants, au travers des diverses juridictions spéciales qui furent créées à cet effet. Mais nous savons qu'elle n'a pas non plus répondu entièrement aux attentes de ce régime. Les juges de ce temps témoignent bien des possibilités qui leur sont offertes, afin d'entraver l'application de la loi, de par l'usage de la procédure. [...]
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