Entreprises, secteur public, nationalisation, régime de liberté, création ex nihilo, Traité de Rome
Les entreprises du secteur public n'obéissent que pour partie aux règles ordinaires de création des autres entreprises, notamment les entreprises privées. D'abord, parce qu'elles n'ont pas toutes la forme juridique de sociétés commerciales ni même de personnes morales de droit privé ; certaines sont ainsi des établissements publics dont les modalités de constitution sont distinctes. Mais surtout parce qu'à la différence d'une société commerciale, une entreprise peut exister – et par conséquent fonctionner – avant d'appartenir au secteur public. De telle sorte que l'analyse des règles de création des entreprises du secteur public doit prendre en compte cet élément pour distinguer selon qu'une entreprise du secteur public est créée ex nihilo ou qu'elle résulte de l'entrée d'une entreprise dans le secteur public.
[...] On rappellera à ce sujet que la nationalisation est une mesure autoritaire qui opère une atteinte unilatérale à la propriété privée. Les modalités de la nationalisation peuvent être résumées comme suit : la nationalisation implique le vote d'une loi. Cette exigence trouve son fondement dans les dispositions de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789. Elle fut longtemps rappelée par la jurisprudence administrative avant d'être établie d'une manière explicite dans l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. [...]
[...] L'intervention du Parlement se justifie pour au moins deux raisons énoncées par ce dernier article : l'existence d'une nécessité publique justifiant l'opération de nationalisation « légalement constatée » et la définition du régime de l'indemnisation qui expose les finances de l'Etat ; la nationalisation présuppose une « nécessité publique » pour laquelle le Parlement est souverain, sous réserve de ne pas commettre une erreur manifeste d'appréciation sur laquelle le Conseil constitutionnel entend exercer son contrôle ; la nationalisation réalise une atteinte à la propriété privée, définie par l'article 544 du Code civil comme « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et règlements » ; formellement, la nationalisation prend les apparences d'une loi qui en fixe les règles et les modalités. Champ de la nationalisation La nationalisation a un champ d'application très large. [...]
[...] Mais il est vrai qu'un établissement nouveau peut à lui seul constituer une nouvelle catégorie d'établissements publics (la RATP ou l'ORTF en son temps). Par ailleurs, il importe de souligner que ces dispositions ont fait l'objet d'une interprétation restrictive de la part du Conseil constitutionnel, qui s'attache plus particulièrement aujourd'hui à l'identification de deux critères : celui de la tutelle territoriale et celui de l'activité exercée. De telle sorte qu'un établissement public peut être rattaché à une catégorie préexistante et, par conséquent, créé sans l'intervention du législateur, tant que sa tutelle territoriale et l'activité qu'il exerce, sont identiques ou seulement analogues à celles d'établissements publics préexistants. [...]
[...] Il convient néanmoins de relever qu'au-delà des actions majoritaires de l'entreprise nationalisée, la nationalisation a pour effet l'appropriation par l'Etat de l'ensemble de son patrimoine (biens, droits et obligations). Ce patrimoine peut demeurer entre les mains de la structure initiale qui passe ainsi d'un régime de propriété privée à un régime de propriété publique, sans changement de sa forme juridique ; il peut également être apporté à une nouvelle structure spécialement créée pour la recevoir (établissement public par exemple dans le cas des entreprises des secteurs du gaz, de l'électricité ou des combustibles minéraux). On mesure par là même l'étendue des prérogatives de l'Etat. [...]
[...] Toutefois, certaines dispositions du Traité de Rome peuvent limiter la liberté des Etats. Il en est notamment ainsi de l'article 31 CE qui fait obligation aux Etats d'aménager progressivement leurs monopoles nationaux présentant un caractère commercial. C'est notamment en fonction de ces dispositions que les pouvoirs publics français ont notamment été contraints d'aménager leur monopole national d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, la Cour de justice des Communautés européennes interprétant l'article 31 CE comme « (une) obligation (qui) vise à assurer le respect de la règle fondamentale de la libre circulation des marchandises dans l'ensemble du marché commun ». [...]
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