La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 ajoute à la Constitution l'article 61-1 qui reconnait aux justiciables un droit nouveau : l'exception d'inconstitutionnalité. À l'occasion d'un procès, un justiciable peut soulever l'inconstitutionnalité d'une loi ; le Conseil d'État ou la Cour de cassation pourra alors saisir le Conseil constitutionnel d'une question préjudicielle aux fins d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution.
Il y a donc une extension du contrôle de constitutionnalité, mais aussi une extension de sa saisine puisque c'est le justiciable qui est à l'origine de ce nouveau contrôle. Quelles conséquences cette évolution a-t-elle sur le droit positif français ?
[...] C'est donc une saisine indirecte que l'article 61-1 met en place. Même s'il peut être critiqué, ce principe de double filtrage peut se justifier par le fait qu'on a voulu éviter des recours abusifs. Avec ce filtrage, les juges vont juger de la potentielle inconstitutionnalité de la loi puisqu'ils jugeront de l'intérêt ou non de saisir le Conseil constitutionnel. Aussi, il n'est pas à exclure, à l'instar des Etats-Unis (depuis l'arrêt Marbury vs Madison de 1803), que le juge ordinaire s'arroge le droit de déclarer lui-même l'inconstitutionnalité d'une loi ; le Conseil constitutionnel devenant alors un juge suprême. [...]
[...] Cette avancée constitue un progrès important de l'Etat de droit (rapport du Comité Balladur). Désormais, la France connait un double contrôle a priori et a posteriori unique au monde. En fait, cette innovation avait déjà été évoquée dans deux projets antérieurs : ceux de 1990 (projet Badinter) et de 1993 (Commission Vedel) auxquels le Sénat s'était opposé. Cette innovation est donc la consécration d'un projet de longue date. Cette extension de la saisine et du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel n'est pas sans conséquence. [...]
[...] Une saisine et un contrôle du Conseil constitutionnel étendus D'une saisine strictement politique à l'origine le Conseil constitutionnel peut désormais être saisi indirectement par tout justiciable à l'occasion d'un procès A. D'une saisine strictement politique Jusqu'en 1958, du fait du dogme de la souveraineté de la loi, celle-ci n'était soumise à aucun contrôle. En effet, étant l'expression souveraine de la volonté générale, il était totalement absurde de soumettre la loi à un contrôle car cela reviendrait à soumettre la volonté générale à un contrôle. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel devient ainsi le principal instrument de l'opposition, un moyen de contre-pouvoir. Pour autant, le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel reste un contrôle a priori, c'est-à- dire qu'il vérifie la constitutionnalité d'une loi (sa conformité à la Constitution), après le vote de celle-ci mais avant sa promulgation. Le problème qui se pose est que des lois ont pu échappées au contrôle et sont ainsi entrées en vigueur alors même qu'elles sont inconstitutionnelles (puisque, par exemple, les lois ordinaires ne sont que facultativement soumises au Conseil constitutionnel). [...]
[...] La révision du 23 juillet 2008 est donc une véritable révolution : la création de l'article 61-1 prévoit un contrôle a posteriori (après promulgation) par voie d'exception. Désormais, un justiciable pourra, à l'occasion d'un procès, soulever l'inconstitutionnalité de la loi qu'on veut lui appliquer. Le juge pourra alors saisir le Conseil constitutionnel d'une question préjudicielle afin qu'il se prononce sur ce point. C'est donc une saisine indirecte que l'article 61-1 met en place. Si la loi est déclarée inconstitutionnelle, elle sera abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision (article 62 alinéa 2). [...]
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