« Il n'est ni dans l'esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c'est-à-dire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi ». Cette phrase issue du discours que Michel Debré, Premier Ministre sous la Cinquième République, prononcée devant le Conseil d'Etat, le 27 aout 1958, illustre parfaitement l'état d'esprit des constituants de 1958. En effet, pour eux, la justice constitutionnelle n'est pas affaire de tous.
La notion de justice constitutionnelle peut être définie par un contrôle de constitutionnalité ayant pour effet d'assurer la suprématie de la Constitution. Cette justice est nécessaire dans un état de droit. Pourtant, ce n'est qu'à partir de la fin du XIXe siècle, que l'idée de la Constitution comme norme suprême nait.
Avant cette période, l'idée d'un contrôle de constitutionnalité est décrié. Effectivement, la loi est la volonté générale, la censurer revient à s'opposer à la volonté populaire. Au début du XXe siècle, deux thèses s'affrontent sur la qualité de l'organe qui doit effectuer le contrôle de constitutionnalité. La première thèse est soutenue par le juriste autrichien Hans Kelsen qui considère que le contrôle de constitutionnalité doit être confié à un organe juridique spéciale. Il écrit que « la question du mode de recours au Tribunal constitutionnel est primordiale, car c'est de sa solution que dépend la mesure dans laquelle ce tribunal pourra remplir sa mission de garant de la Constitution ». La seconde thèse est soutenue par Carl Schmitt, juriste allemand. Il défend dans son ouvrage « Théorie de la Constitution » l'idée selon laquelle le contrôle de constitutionnalité doit être effectué par un organe politique. Pour la raison que la Constitution est une norme différente des autres car elle est plus politique que juridique. C'est pourquoi, le contrôle de constitutionnalité doit être confié à une autorité politique comme le chef de l'Etat. Cette théorie est suivie en partie en France car le Conseil Constitutionnel est, à l'origine, un organe politique et le Président de la République y nomme des membres. La légitimité du contrôle de constitutionnalité s'explique parce que la Constitution est supérieure aux lois. Elle est l'expression directe de la volonté populaire donc elle doit être respectée. Le contrôle de constitutionnalité permet de rappeler aux représentants qu'ils ne sont pas les souverains, le Conseil Constitutionnel considère en effet, dans sa décision rendue en 1985 « Nouvelle Calédonie », « la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».
Ces dernières années, les constituants, pour garantir un meilleur respect de la Constitution, ont introduit la question prioritaire de constitutionnalité à l'article 61-1 de la Constitution. Selon une définition tirée des « Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel », la question prioritaire de constitutionnalité est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Cela remet en cause l'éventuelle existence d'un modèle français de justice constitutionnelle
[...] En France, il existe une forme de contrôle diffus, en effet le Conseil Constitutionnel n'a pas le monopole de l'interprétation constitutionnelle. Il n'apprécie la constitutionnalité que des actes votés par le Parlement comme en dispose l'article 61 de la Constitution de 1958. Le Conseil d'Etat est lui compétent pour contrôler la conformité des actes réglementaires. Il y a donc en France, à côté d'un contrôle concentré un contrôle diffus, ce qui représente une spécificité par rapport au modèle européen. De plus, la spécificité française réside également dans la composition des membres du Conseil Constitutionnel. [...]
[...] Les juridictions ordinaires, en particulier le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, reçoivent les questions de constitutionnalité et sont chargées de filtrer les affaires et ne transmettent que les questions les plus sérieuses. Ainsi, le découplage qui existait avant la QPC est fini, ou du moins, largement limité. Le Conseil Constitutionnel n'est plus une juridiction rendant une justice éloignée, déconnectée de la réalité du droit et de la société. Il reste néanmoins, pour faire du Conseil Constitutionnel une véritable cour constitutionnelle, à changer le mode de recrutement des membres, afin d'épurer l'organe de tous les éléments politiques et les archaïsmes, légitime en 1958 mais dépassé de nos jours du fait des nouvelles compétences du Conseil et de son rôle primordial en matière de protection des droits fondamentaux des citoyens. [...]
[...] Le nouvel article 61-1 de la Constitution remet-il en cause un modèle français de justice constitutionnelle ? Il n'est ni dans l'esprit du régime parlementaire, ni dans la tradition française, de donner à la justice, c'est-à-dire à chaque justiciable, le droit d'examiner la valeur de la loi Cette phrase issue du discours que Michel Debré, premier ministre sous la Cinquième République, prononcée devant le Conseil d'Etat, le 27 aout 1958, illustre parfaitement l'état d'esprit des constituants de 1958. En effet, pour eux, la justice constitutionnelle n'est pas affaire de tous. [...]
[...] Le second alinéa de l'article 62 de la Constitution dispose qu'une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause Cet article précise la portée des décisions du Conseil Constitutionnel relative à la question prioritaire de constitutionnalité. [...]
[...] En somme, la procédure devant le Conseil Constitutionnel est largement dérogatoire aux règles de procédure classiques. Le Conseil semble être, de prime abord, un organe politique à part entière. De plus, le Conseil possède d'autres missions. En effet, il ne s'occupe pas seulement du contentieux constitutionnel mais aussi celui des élections parlementaires, présidentielles ou référendaires, ce contentieux lui est attribué pour la simple raison qu'en 1958 son rôle est d'assurer le bon fonctionnement des institutions, ce qui s'analyse comme un rôle politique. [...]
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