Dans son célèbre article publié en 1989, Louis Favoreu fait état du mouvement de constitutionnalisation du droit pénal au sein de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. En effet, dans le cadre de sa compétence pour contrôler la constitutionnalité des lois par rapport aux normes constitutionnelles (la Constitution et le bloc de constitutionnalité depuis la décision liberté d'association du 16 juillet 1971), le Conseil va être régulièrement amené à se prononcer sur la conformité des lois à celles-ci. Le Conseil Constitutionnel veille ainsi sur les bases du droit pénal et demande l'application des garanties de la discipline à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire. Aussi, ce dernier se réfère régulièrement aux articles présents dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 qui concerne directement le droit pénal : l'article 8 (principe de légalité des peines et des délits et non rétroactivité) l'article 9 (présomption d'innocence). Le Conseil va affirmer la valeur constitutionnelle de principes qui forment les piliers du droit pénal tels que la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères, la proportionnalité et nécessité des peines ou encore la présomption d'innocence. L'encadrement du droit pénal par le Conseil Constitutionnel consiste à éviter le développement excessif de la matière répressive et à limiter l'arbitraire. C'est donc lui qui va décider, en particulier, de l'application du principe de légalité, pour déjouer d'éventuelle fraude du législateur consistant à choisir une qualification non pénale pour éviter d'avoir à respecter cette garantie (...)
[...] Dans son article Jacques- Henri Robert[6] parle même de «mesures de sûreté afflictives» et inclut la décision du 21 février 2008 dans cette catégorie. Ces mesures ne sont pas des punitions et sont pourtant ressenties comme telles par ceux qu'elles frappent et qui sont infligés individuellement à des individus que la loi entend stigmatiser. Les personnes concernées ne sont pas pour autant privées de toutes les garanties mais celles qui lui sont accordées forment le droit commun de toutes les limitations que l'État peut apporter à l'exercice des libertés. [...]
[...] L'embarras du Conseil face à ces mesures de surveillance de sûreté et de rétention de sûreté est confirmé par l'ambiguïté de sa solution finale, notamment lorsqu'il décide d'appliquer le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères à la rétention juste après avoir expliqué en quoi celle-ci ne pouvait être considérée comme une mesure répressive. Cet embarras serait le fait selon certains commentateurs du rôle délicat que celui-ci joue en matière pénale et qui rend le juge constitutionnel français moins hermétique à des considérations d'ordre politique. II. [...]
[...] Tout ceci est confus juridiquement!» conclut Pierre Mazeaud[7] résumant ainsi l'opinion qui domine parmi les juristes à la lecture de la solution paradoxale rendue par le Conseil Constitutionnel. En effet, dans son dixième considérant le Conseil a tenu un raisonnement qui manque de cohérence avec le reste de sa solution concernant l'application dans le temps de cette nouvelle loi: «considérant, toutefois, que la rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement.» La faille dans le raisonnement est manifeste: Si la rétention de sûreté n'est pas une mesure répressive aux yeux du juge constitutionnel, la conséquence logique serait de ne pas refuser l'application immédiate de ces mesures en adoptant le régime juridique des mesures de protection, de surveillance ou d'éducation dont les mineurs font l'objet et qui sont pas d'application immédiate. [...]
[...] la solution controversée du Conseil Constitutionnel à propos du caractère non-répressif de la rétention de sûreté Dans la décision commentée, le Conseil Constitutionnel a finalement estimé que la rétention ne pouvait pas être considérée comme une peine ou une sanction ayant le caractère d'une punition et donc que l'article 8 de la DDHC était inopérant en l'espèce. En effet, il a considéré que la rétention de sûreté «repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d'assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision; qu'elle n'est mise en œuvre qu'après l'accomplissement de la peine par le condamné; qu'elle a pour but d'empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d'un trouble grave de la personnalité.» (cf neuvième considérant) Le Conseil a estimé que la décision de mise en rétention n'étant pas prononcée par la Cour d'Assise, même si celle-ci doit en prévoir la possibilité au moment du jugement, mais prise par la juridiction régionale de sûreté à l'issue de l'exécution de la peine, elle est dépourvue de toute finalité répressive. [...]
[...] Commentaire de la décision du Conseil constitutionnel n°2008-562 DC du 21 février 2008 : loi relative à la rétention de sûreté» Dans son célèbre article[1] publié en 1989, Louis Favoreu fait état du mouvement de constitutionnalisation du droit pénal au sein de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. En effet, dans le cadre de sa compétence pour contrôler la constitutionnalité des lois par rapport aux normes constitutionnelles, (la Constitution et le bloc de constitutionnalité depuis la décision liberté d'association du 16 juillet 1971) le Conseil va être régulièrement amené à se prononcer sur la conformité des lois à celles-ci. [...]
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